La semaine dernière, Laval a accueilli pour la première fois l'événement Total Crap, organisé par des dénicheurs de télé et de cinéma psychotroniques, à la salle André-Mathieu.

De son côté, Karim Ouellet a donné récemment un DJ set à l'Île-des-Moulins de Terrebonne en marge d'un spectacle de Misteur Valaire. Fin février, Deakin et Geologist, du groupe Animal Collective, seront derrière les platines sur la Rive-Nord, à la salle André-Mathieu.

Vous avez bien lu: à Laval, et non à la Société des arts technologiques!

La plupart des diffuseurs du Québec ont le mandat de développer le public des 18 à 30 ans. Certains constatent que les jeunes sont de plus en plus nombreux au rendez-vous quand des événements sont programmés pour eux. Groenland a rempli le Théâtre de la Ville de Longueuil, par exemple, en novembre dernier.

La demande est forte en banlieue. Le conseil municipal eustachois a entériné l'automne dernier, avec la Corporation du théâtre de Saint-Eustache, le projet de créer une nouvelle salle de spectacles en collaboration avec la Compagnie Larivée Cabot Champagne, qui gère des salles comme L'Étoile de Brossard ou La Tulipe, en plus de son label La Tribu (Cowboys Fringants, Robert Charlebois, Dumas).

Les choses bougent particulièrement dans la couronne nord, qui présente un nombre grandissant de spectacles émergents, pour ne pas dire cool, notamment grâce à Scène 1425, filiale jeune et branchée de la Corporation de la salle André-Mathieu de Laval.

À l'aube du demi-siècle d'existence de Laval, le bilan est positif pour Scène 1425, qui tente de réunir - et même de retenir - les amateurs de musique dans différentes municipalités de la couronne nord, mais aussi à travers un réseau de diffuseurs qui s'étend de Gatineau à Sherbrooke, en passant par Québec et Victoriaville.

«Après cinq ou six ans d'existence, Scène 1425 trouve tout son sens pour nous, et nous voulons investir là-dedans plus que jamais. Nous proposons 15 ou 20 spectacles par année, et ce n'est pas assez pour les jeunes de Laval, qui sont près de 100 000», explique Julie Perron, directrice générale de la Corporation de la Salle André-Mathieu.

En septembre dernier, Scène 1425 a tenu, près de la station de métro lavalloise Montmorency, le festival MRCY, dont la programmation alléchante a réuni les Barr Brothers, Metric, Death From Above 1979 et Neutral Milk Hotel. Une sorte de mini-Osheaga en formule «block party» organisée pour la rentrée.

Ce genre d'événement reviendra sans doute l'an prochain, car la demande est là. «Et je suis agréablement surpris des artistes qu'on attire chez nous. MRCY a été une super expérience», indique Julien Aidelbaum, programmateur et responsable de Scène 1425.

Ce qui manque à Scène 1425? «Un lieu qui va nous aider à soutenir tout cela», indique Julie Perron. Une nouvelle salle? Un bar? Un lieu pluridisciplinaire? «On analyse tout cela.»

«Il faut créer une habitude de consommation [dans la couronne nord], renchérit Julien Aidelbaum. Il n'y a pas de point de rencontre naturel, alors il faut recommencer à zéro à chaque spectacle.»

Des nouveaux publics à proximité

Pour conquérir de nouveaux publics, il faut oser.

Le 21 janvier dernier, Total Crap a présenté une première soirée en banlieue de Montréal à la salle André-Mathieu. «On ne s'attendait à rien et ç'a super bien été. Les gens étaient réceptifs, et la salle était pleine», indique le cocréateur Simon Lacroix.

Total Crap a multiplié les spectacles à Montréal au cours des dernières années, notamment au Club Soda. L'événement se déplace régulièrement à Québec, à Sherbrooke et en Abitibi.

Or, des publics sont à conquérir à moins de 25 kilomètres de Montréal. Quand Simon Lacroix a demandé aux spectateurs de la salle André-Mathieu lesquels d'entre eux s'initiaient à l'humour télévisuel de Total Crap, il a été surpris par le nombre de mains levées. «C'était la moitié de la salle. Après la soirée, des gens sont venus nous dire que c'était cool d'avoir fait une soirée à Laval.»

Se produire dans de nouvelles salles nécessite de nouveaux contacts. C'est pourquoi les créateurs de Total Crap font désormais affaire avec l'agence Moonlight. «Elle nous donne accès à un réseau de salles dont on n'avait pas les contacts. Comme pour un groupe de musique, la salle aime mieux faire affaire avec quelqu'un qu'elle connaît.»

Un milieu frileux

Julie Perron comprend mal pourquoi il n'y a pas plus d'acteurs qui emboîtent le pas de l'émergence et qui en font une priorité. «Tout le monde a des problèmes de renouvellement du public. On voit une nouvelle génération d'artistes sur scène. On voit une Klô Pelgag à l'ADISQ. Il faut faire de la place à cette relève. Mais je sens qu'un changement s'opère actuellement...»

«Il semble y avoir un manque de compréhension de la nouvelle génération et de ses habitudes de consommation, ajoute Julien Aidelbaum. Il faut rendre la terre fertile pour permettre un renouvellement. Actuellement, les salles sont aseptisées.»

Financée par la Corporation de la salle André-Mathieu, Scène 1425 a les reins solides et peut se permettre des essais et erreurs. Plus que l'équipe de La Petite Boîte noire, par exemple, salle indé de Sherbrooke qui a été détruite par les flammes il y a deux semaines.

Son équipe de bénévoles ne baisse pas les bras pour autant. Une campagne de financement a été lancée sur le web. «Plus que jamais, La Petite Boîte noire est décidée à poursuivre sa mission et à promouvoir la culture indépendante à Sherbrooke», peut-on lire sur son site web.

Comme quoi la musique est avant tout une affaire de passion, et non de gros sous. Heureusement.