Alors que l'industrie de la presse écrite a réclamé hier des mesures urgentes pour juguler « la plus grande crise de son histoire », le gouvernement fédéral s'est dit « prêt à étudier » certaines solutions pour appuyer les médias dans leur transition vers des plateformes numériques.

Pendant un bref point de presse à Ottawa, la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, a fait valoir que le journalisme est « très important pour une saine démocratie ». Des consultations ont démontré l'attachement des Canadiens envers l'information locale, a-t-elle dit, ajoutant qu'ils la consomment de plus en plus sur des supports électroniques.

« Alors, qu'est-ce qu'on fait ? On a investi 675 millions dans l'information locale pour Radio-Canada, mais également, on est en train d'étudier la question pour voir comment on peut soutenir la transition vers le numérique [pour les médias écrits] », a indiqué Mme Joly.

80 % de revenus évaporés

En début de journée, à Montréal, la Fédération nationale des communications (FNC-CSN) a réclamé des mesures urgentes de la part du premier ministre Justin Trudeau. La centrale syndicale a invité la population à participer à une campagne pancanadienne en signant une lettre qui sera présentée au ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, à Mélanie Joly et aux ténors du gouvernement fédéral.

Depuis 10 ans, l'ensemble de la presse écrite s'enfonce à cause de la chute de ses revenus publicitaires. Selon la présidente de la FNC-CSN, Pascale St-Onge, 80 % des revenus de publicité ont migré vers les poches des entreprises américaines, notamment Facebook et Google.

« Nous sommes les seules entreprises du secteur culturel à ne pas être soutenues par le gouvernement, a-t-elle indiqué. Il faudrait minimalement du financement temporaire. Par exemple, on a déjà suggéré au provincial et au fédéral d'accorder des crédits d'impôts aux entreprises de presse écrite. »

Entre 2009 et 2015, 43 % des emplois de la presse écrite ont disparu, estime la Fédération. Pour l'ensemble du pays, il est question de 16 500 emplois dans le secteur des médias de 2008 à 2016.

« On comprend mal l'attitude du gouvernement fédéral qui se dit préoccupé de l'information, mais qui délaisse le secteur de la presse comme si elle n'avait pas d'avenir », a pour sa part dénoncé Jacques Létourneau, président de la CSN.

Rempart contre les «fake news»

Afin de recueillir l'appui de grosses pointures dans la campagne, la FNC-CSN compte sur Vincent Marissal, l'un des directeurs de l'agence TACT intelligence-conseil et ex-chroniqueur à La Presse, en tant que lobbyiste. Déjà, l'Union des artistes, l'Union des producteurs agricoles et le Conseil du patronat du Québec appuient les revendications.

« Les journalistes assurent la collecte de l'information comme il se doit, avec des codes stricts, a-t-il rappelé. Ils agissent comme chien de garde dans la démocratie, ils sont un rempart contre ce qu'on appelle les "fake news". »

Joly critiquée

Le député néo-démocrate Pierre Nantel ainsi que la chef du Bloc québécois Martine Ouellet ont affirmé hier que la ministre Mélanie Joly semblait plus empressée d'aider des géants américains comme Netflix que des entreprises médiatiques locales. La ministre a provoqué un vaste mouvement d'indignation au début de l'automne en offrant un congé fiscal à Netflix.

« On se rend compte que Mélanie Joly a l'air pas mal plus intéressée à frayer avec les multinationales, avec les Netflix et Google de ce monde, que de se pencher sur les problèmes concrets qui touchent nos régions et nos gens chez nous », a lancé Martine Ouellet.

En plus d'offrir des crédits d'impôts, comme ceux qui existent dans le multimédia, le gouvernement fédéral pourrait aussi soutenir les médias écrits en achetant davantage de publicité dans leurs pages, selon la chef du Bloc.

>>> La lettre à l'intention du gouvernement Trudeau