Sur fond d'abolition de postes et de tensions avec ses employés, le président-directeur général de Radio-Canada/CBC, Hubert Lacroix, a justifié ses choix en laissant entendre notamment qu'Ottawa n'allait pas donner un sou de plus au diffuseur public.

Commentez sur le blogue de Richard Therrien >>

Lors de l'assemblée générale de la société d'État, qui a eu lieu mercredi à Montréal, M. Lacroix a dû affronter plusieurs personnes qui remettaient en question ses actions et les nombreuses vagues de coupes.

Il a aussi répondu à ceux qui l'accusent de marcher main dans la main avec le gouvernement conservateur, qui a sabré le budget du diffuseur. Il a notamment été allégué par le Nouveau Parti démocratique (NPD) que 9 des 12 membres du conseil d'administration du diffuseur public ont fait des dons au Parti conservateur. M. Lacroix a ainsi évoqué «les théories de conspiration, les insinuations de pression politique et les attaques personnelles» qui ont eu lieu.

«On est libre de pression politique», a martelé Hubert Lacroix. «CBC/Radio-Canada est totalement autonome par rapport au gouvernement. Point à la ligne.»

Dans la salle, il y avait un certain malaise, comme l'a fait remarquer la productrice Fabienne Larouche, invitée comme panéliste.

Plusieurs personnes ont interpellé le président-directeur général pour qu'il explique les compressions, et pour qu'il se batte sur la place publique pour l'entreprise.

«Quand allez-vous déchirer votre chemise pour avoir les moyens de faire vivre notre démocratie et notre culture?», lui a lancé Pascal Gélinas, présent dans le studio.

M. Lacroix a fait valoir que l'environnement médiatique est en pleine mutation, se dirige de plus en plus vers le numérique et qu'il faut effectuer la transition vers cette plateforme.

Il a réitéré que les coûts opérationnels demeurent plus élevés que les revenus, qui eux, sont en baisse, et que des choix ont dû être faits. Comme tous les diffuseurs publics dans le monde, comme la BBC, on a des revenus en baisse, a expliqué M. Lacroix. «Et nous devons prendre des mesures pour devenir financièrement viable.»

«La dernière augmentation des crédits parlementaires fédéraux remonte à 1973», a-t-il rappelé, puisque le diffuseur reçoit une bonne partie de son financement des coffres du gouvernement fédéral.

«Confronté à ça, pensez-vous, dans le moment, que le gouvernement, pensez-vous franchement qu'on va avoir un dollar de plus avec un gouvernement, quel qu'il soit, et avec celui avec lequel on a traité?», a lancé M. Lacroix.

Il a aussi expliqué ce qu'il a fait pour obtenir plus de revenus, dont ses batailles pour le maintien du Fonds d'amélioration de la programmation locale et pour que les câblodistributeurs paient des redevances à Radio-Canada/CBC pour l'usage de son contenu.

«C'est évident qu'avec plus de dollars, on pourrait faire plus de choses», a-t-il ajouté.

Il a qualifié les compressions budgétaires et les abolitions de postes de «très difficiles».

Lors de l'assemblée, le président-directeur général a dû composer aussi avec le vibrant plaidoyer livré par l'animateur-vedette Charles Tisseyre, de l'émission télé Découverte.

Invité comme panéliste, M. Tisseyre a profité de la première question posée pour déballer son sac.

Son émission a commencé trois semaines en retard en raison des compressions. Et sur quatre reportages par émission, un est une reprise, a-t-il relaté.

«On est allé trop loin», a-t-il soutenu.

Il admet que le virage numérique est nécessaire, mais qu'il ne doit pas être fait en période de désinvestissement.

«Et ceux qui seraient le fer de lance, le moteur de ce changement, les jeunes, on les fout à la porte», a-t-il lancé avec émotion, suivi peu après par une manne d'applaudissements et une ovation. Il faut que le gouvernement comprenne l'importance vitale de Radio-Canada et qu'il nous soutienne, a ajouté l'animateur.

M. Lacroix s'est vu remettre une lettre de démission - prête à signer - par une personne présente à l'assemblée générale. Il l'a prise calmement, en répétant qu'il avait l'intention de demeurer en place jusqu'à la fin de son mandat.

Il a ajouté que même si plusieurs ont demandé qu'il quitte son poste, ils n'ont pas proposé de solutions pour que le diffuseur puisse trouver du financement ailleurs, sans couper dans les emplois. Il faut faire des choix déchirants pour nous donner la possibilité d'avoir un avenir, a-t-il plaidé.

À la fin du mois d'octobre, la société d'État a annoncé l'abolition de 400 postes au cours des cinq prochains mois, ce qui constitue la première étape d'une stratégie de réduction globale des effectifs de plus de 1500 postes, d'ici 2020.