Après le déluge, la construction de la tour de Babel et l’Égypte des pharaons, Éric-Emmanuel Schmitt poursuit son admirable et folle Traversée des temps. Dans La lumière du bonheur, quatrième tome où l’on suit les péripéties de l’immortel Noam, l’écrivain nous entraîne dans la Grèce des Ve et IVe siècles avant Jésus-Christ.

Dans le troisième tome de La traversée des temps, Soleil sombre, Éric-Emmanuel Schmitt abandonnait Noam et Noura à un sort cruel. Condamnés à mourir dans une pyramide par la volonté de Noura, avec qui Noam poursuit au fil des millénaires une relation toxique et de plus en plus lassante pour le lecteur, les amants reprennent vie au cœur de la Grèce antique... que l’écrivain et philosophe connaît comme s’il y avait vécu. Derek, vilain demi-frère de Noam, et Tibor, père de Noura, viennent aussi faire leur tour de piste dans d’étonnantes circonstances.

Berceau de la démocratie, de la philosophie, du théâtre et des Jeux olympiques, la République hellénique permet à Noam et Noura de fréquenter de fascinantes figures historiques que Schmitt se plaît à faire descendre de leur piédestal afin de les présenter dans toute leur complexité – par moments, le trait se fait presque caricatural. Défilent notamment la poète Sappho, le médecin Hippocrate, le stratège Périclès, le général Alcibiade et, surtout, le mentor de ce dernier, le philosophe Socrate.

Après s’être (enfin !) séparé de Noura, Noam s’éprend de Daphné, insupportable nunuche et sœur de Xanthippe, l’horrible épouse de Socrate. Décidément, on repassera pour les personnages féminins nuancés...

À l’instar du précédent tome, de nombreux et interminables ébats amoureux entre Noam et la nouvelle élue de son cœur viennent freiner le récit.

De même, le romancier, enthousiaste et passionné, se perd en longues descriptions d’épreuves olympiques et de pièces de théâtre.

À ces digressions, Éric-Emmanuel Schmitt oppose heureusement d’intéressantes réflexions sur la condition féminine, les diktats de la beauté, les rapports hommes-femmes et l’orientation sexuelle en établissant des parallèles avec les époques suivant l’Antiquité. L’épopée grandiose de Noam et Noura est d’ailleurs ponctuée de brefs chapitres où on les retrouve dans un avenir pas si lointain en Californie, avec Britta, fille neuroatypique de Sven, mari suédois de Noura. La jeune militante écologiste, remise d’une tentative d’assassinat, fait une découverte qui la pousse à interroger les immortels sur leur véritable identité. Hélas, cette partie du récit se révèle la moins palpitante de La lumière du bonheur.

En fait, c’est lorsque l’auteur déploie son éblouissante érudition dans les notes infrapaginales, où Noam tisse des liens entre les époques, que le roman devient plus que captivant et prend toute son ampleur. Ayant brillamment démystifié de grands récits bibliques dans les premiers tomes, Éric-Emmanuel Schmitt réserve sans doute de pertinentes réflexions sur l’évolution des croyances dans Les deux royaumes, cinquième des huit tomes, où il sera question de Rome et de la naissance du christianisme.

La traversée des temps – vol. 4 : La lumière du bonheur

La traversée des temps – vol. 4 : La lumière du bonheur

Albin Michel

600 pages

6,5/10