La firme de relations publiques Navigator a largué son client Jian Ghomeshi en fin de journée jeudi.

« Malheureusement, les circonstances de notre entente ont changé et nous ne sommes plus en mesure de continuer », a indiqué la firme spécialisée en relations publiques et en communications.

Jian Ghomeshi, 47 ans, a été congédié dimanche par la CBC, où il animait la populaire émission Q. Son renvoi est lié à une série d'allégations concernant ses pratiques sexuelles sadomasochistes et de possibles comportements violents à l'égard de ses partenaires sexuelles.

Après son renvoi, Jian Ghomeshi a déclaré qu'il a été congédié parce que la CBC craignait que des détails sur sa vie sexuelle soient révélés. Il a dénoncé une « campagne de fausses allégations menée par une ex-copine délaissée et un journaliste pigiste ». 

Or depuis son congédiement, les témoignages à propos de ses pratiques sexuelles se multiplient. Mercredi soir, la comédienne canadienne Lucy DeCoutere a été la première à dénoncer l'animateur à visage découvert. La vedette de Trailer Park Boys soutient que Jian Ghomeshi l'a battue et étouffée sans son consentement.

Jeudi, une deuxième femme - la neuvième à dénoncer l'animateur vedette - a elle aussi dévoilé son identité. L'avocate et auteure Reva Seth a révélé sur son blogue que Jian Ghomeshi l'aurait embrassée et déshabillée violemment, avant de tenter de l'étouffer et la pénétrer agressivement avec ses doigts.

« C'est comme s'il était devenu une personne différente », a-t-elle écrit. « Je me suis dit : qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce qui cloche chez lui? »

L'avocate dit avoir rencontré Jian Ghomeshi en 2002. Elle avait alors 26 ans et commençait un nouvel emploi à l'hôtel de ville de Toronto. Elle raconte avoir eu quelques rendez-vous avec l'animateur, qu'elle trouvait drôle et charmant. Selon Reva Seth, Jian Ghomeshi aurait complètement changé de comportement au moment où les deux amants s'apprêtaient à avoir une relation sexuelle.

Elle aurait été très mal à l'aise devant son changement d'attitude.

« Il m'a dit quelques trucs bizarres pour expliquer son comportement : il a dit qu'il n'était pas en mesure de savoir si j'étais attirée par lui ou non. J'ai appelé un taxi et je suis partie », a-t-elle raconté, avant de préciser que la sortie publique de Lucy DeCoutere l'a encouragée à dénoncer Jian Ghomeshi publiquement.

Enquête indépendante

CBC va embaucher une entreprise externe pour mener une enquête sur les allégations portées contre l'ancien animateur de l'émission de radio Q, Jian Ghomeshi.

Une note d'information provenant de Heather Conway, une responsable du service anglais de la société d'État, précise que cette décision fait suite à des «informations concernant des gestes déplacés commis envers des employés de CBC». Selon des reportages du Toronto Star et de CBC, plusieurs femmes auraient été victimes du «comportement abusif» de M. Ghomeshi.

CBC estime que ces informations sont «extrêmement déconcertantes et suscitent des inquiétudes». La note d'information souligne que la société d'État est en voie de sélectionner une entreprise pour «mener une enquête rigoureuse et indépendante pour aller au-delà de ce qui a déjà été accompli». On y fait aussi savoir que CBC a mis des conseillers à la disposition de ses employés qui pourraient être touchés par cette affaire.

M. Ghomeshi a publié un message sur Facebook jeudi pour remercier ceux qui l'ont soutenu, ajoutant qu'il avait l'intention «de répondre aux allégations directement». Dans son bref message, il a indiqué qu'il n'avait pas l'intention de discuter de «cette affaire» avec les médias.

Le message a été publié après un reportage du Toronto Star qui avance que huit femmes accusent désormais M. Ghomeshi de comportement violent.

Les noms des femmes n'ont pas été publiés, sauf pour celui de l'actrice de Trailer Park Boys, Lucy DeCoutere, qui a choisi de le dévoiler publiquement.

Mme DeCoutere, qui est aussi capitaine de l'Aviation royale canadienne au Nouveau-Brunswick, a déclaré avoir choisi de s'identifier afin d'aider d'autres femmes qui accusent M. Ghomeshi d'avoir commis des gestes plus graves.

Le Toronto Star a précisé que M. Ghomeshi, ses avocats et ses relationnistes n'ont pas répondu aux accusations incluses dans le plus récent article, qui contient des témoignages de Mme DeCoutere et d'autres femmes ayant préféré ne pas être nommées. Une porte-parole de M. Ghomeshi n'a pas répondu à la demande d'entrevue de La Presse Canadienne.

M. Ghomeshi a déjà avoué avoir eu des relations sexuelles brutales, mais en précisant que celles-ci avaient toujours eu lieu avec le consentement de ses partenaires.

Mme DeCoutere a précisé en entrevue à l'émission The Current, diffusée à CBC, que son histoire n'était pas aussi troublante que celles qui ont été racontées sous le couvert de l'anonymat.

«Parler de mon histoire est un peu contrariant, mais ce n'est pas traumatisant. Je n'ai pas été terriblement blessée par lui, a-t-elle confié. Ce sont les femmes qui en ont parlé et qui ne veulent pas révéler leur identité. Elles ont de toute évidence l'impression qu'elles seront ciblées, en quelque sorte, et qu'elles subiront des conséquences négatives de tout cela. Cela ne me dérange pas.»

Certaines des autres présumées victimes ont dit au Toronto Star qu'elles craignaient de subir des répercussions en ligne si elles permettaient au quotidien de publier leur nom. Admettant qu'elle était peut-être «naïve», Mme DeCoutere a dit qu'elle ne craignait pas de telles conséquences.

«Je suis certaine qu'il y a un risque que je me fasse attaquer en ligne, mais ça m'importe peu, a-t-elle dit lors de l'émission. Les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas une mauvaise personne, et ceux qui ne me connaissent pas ne font pas partie de ma vie.»

Elle a ajouté: «Je vais le subir si cela signifie qu'une autre personne n'aura pas à le faire, parce qu'elle doit peut-être composer avec quelque chose de plus grave».

Mme DeCoutere a affirmé qu'elle n'avait pas communiqué avec la police après son rendez-vous avec M. Ghomeshi, expliquant qu'elle s'était sentie confuse et perplexe.

M. Ghomeshi a déposé une poursuite de 55 millions $ contre CBC pour «bris de confiance», «mauvaise foi» et «diffamation». La société d'État a affirmé qu'elle se défendrait «vigoureusement» contre de telles accusations.

Dimanche soir, après que CBC eut annoncé qu'elle rompait ses liens avec son animateur vedette, M. Ghomeshi a publié sur Facebook un long message dans lequel il affirmait avoir été congédié en raison de ses préférences sexuelles.

Par ailleurs, le chef de la police de Toronto, Bill Blair, a appelé de manière plus générale «toute personne» ayant été victime d'une agression sexuelle à rapporter celle-ci aux autorités. Aucune des présumées victimes de l'ex-animateur de radio n'a officiellement porté plainte.

M. Blair a par ailleurs confirmé qu'aucune enquête n'était en cours en ce moment. «Si vous êtes victime d'une agression sexuelle, et pas seulement dans l'affaire qui nous préoccupe en ce moment, je vous encourage à vous manifester et à rapporter la situation», a-t-il indiqué à la presse.

De son côté, l'Université Carleton à Ottawa a annoncé qu'elle faisait enquête sur une allégation impliquant M. Ghomeshi et, possiblement, une étudiante ou une diplômée de son programme de journalisme.

Pendant ce temps, des musiciens et des auteurs connus au pays ont ajouté leurs noms à une pétition visant à soutenir les femmes s'étant manifestées comme présumées victimes de la vedette de l'émission Q.

Autre mauvaise nouvelle pour l'ex-animateur, la firme de gestion de relations publiques Navigator - les spécialistes de la gestion de crise qui auraient dirigé les opérations durant les premières heures de l'affaire - a indiqué qu'elle ne représentait plus M. Ghomeshi, qui a aussi été abandonné par son publiciste, Rock-it Promotions.

- avec La Presse Canadienne