Connaissez-vous le site Deadspin.com? Il a beaucoup fait parler de lui récemment pour avoir publié des photos du footballeur Brett Favre (Vikings de Minnesota) dans son plus simple appareil, provoquant un mini-scandale dans l'univers du football professionnel.

Je m'intéresse peu aux potins, encore moins à ceux du milieu sportif, mais la nouvelle a attiré mon attention, car le site en question appartient à Gawker Media, un empire de blogues très controversés. À vrai dire, aux États-Unis, le nom Gawker provoque des frissons chez les puristes du journalisme. Propriété de Nick Denton, il comprend, outre Deadspin, une quinzaine de sites dont les plus connus sont Gawker.com, Jezebel (un site féminin) et Gizmodo (consacré aux gadgets électroniques).

La philosophie de Gawker est assez simple et se résume en quelques mots: on publie tout.

On comprendra que l'éthique journalistique n'est pas la ligne de force de Gawker et que les rédacteurs des blogues sont appelés à frapper fort et en peu de mots. Comme l'a déjà déclaré Denton au New York Times, il n'y a pas une bonne idée qui ne se résume pas en 200 mots.

Gawker fait son pain et son beurre des potins sur le monde des médias. Résultat: tous les journalistes américains ou presque le lisent, en cachette ou au grand jour. On peut dire que Gawker exerce le même effet d'attraction-répulsion que le faisait à ses débuts The Drudge Report auprès des journalistes politiques.

Le site Gizmodo, pour sa part, a atteint une certaine renommée le printemps dernier après avoir mis la main sur le prototype du nouvel iPhone, oublié dans un bar par un employé d'Apple. Gawker aurait payé 5000 $ à la personne qui l'a trouvé, ce qui a valu à M. Denton de nombreuses critiques ainsi que des échanges avec les avocats d'Apple. Une des règles de base du journalisme: on ne paie pas pour obtenir de l'information.

Mais Nick Denton ne semble pas s'embarrasser de ce genre de détails, lui qui a pourtant déjà travaillé pour des journaux sérieux comme le Daily Telegraph et le Financial Times, avant d'immigrer aux États-Unis. Aujourd'hui, malgré ses méthodes de cowboy, il exerce une sorte de fascination auprès des journalistes.

Dans un article intitulé Search and Destroy et publié dans les pages du New Yorker la semaine dernière, le journaliste Ben McGrath brosse un portrait troublant de Denton, qui semble motivé davantage par son désir de pouvoir que par le désir d'informer. Ce qui est le plus dérangeant, du point de vue journalistique, c'est son obsession du nombre de clics sur ses sites, du nombre de pages lues et d'articles partagés entre internautes. Dans les bureaux de Gawker, toujours selon le New Yorker, on trouve même un grand tableau sur lequel sont affichés les 10 articles les plus populaires de la journée.

Nick Denton le dit lui-même, «on pensait que le plus grand impact des médias sur l'internet serait l'instantanéité et la baisse des coûts de production, mais on réalise que c'est la mesurabilité». C'est ce qui, selon lui, fait frémir les journalistes traditionnels. L'idée que la popularité d'un sujet puisse ultimement dicter le contenu des médias.

A-t-il raison? La plupart des journaux offrent désormais la possibilité de partager leurs reportages sur Twitter et Facebook. Et une des nouveautés de l'application iPad du New York Times est la section «Most E-Mailed». Nick Denton serait-il, hélas, un visionnaire?

«Les musulmans me font peur»

«Lorsque je vois des musulmans vêtus d'une robe monter à bord de mon avion, ça me rend nerveux», a récemment avoué un commentateur de la National Public Radio (radio publique américaine comparable à Radio-Canada). Ce commentateur, Juan Williams, était invité sur les ondes de Fox News Channel. Sa remarque lui aura coûté son emploi. En effet, NPR l'a remercié de ses services, jugeant que ses commentaires minaient sa crédibilité d'analyste et allaient à l'encontre des exigences éditoriales de NPR. Cette mise à pied montre bien à quel point la question musulmane demeure sensible dans les médias américains.

Source: Media Guardian

Les mineurs et les médias

«Parfois je pense que j'étais mieux au fond de la mine», a déclaré un des 33 mineurs chiliens sauvés il y a deux semaines. Depuis leur sauvetage, les mineurs se disent harcelés par les médias qui veulent absolument raconter l'histoire de ces hommes qui ont passé 69 jours prisonniers d'une mine, à 700 mètres de profondeur. Certains d'entre eux ont accordé une entrevue au réseau américain ABC, d'autres à des télévisions chiliennes et espagnoles. Aujourd'hui, ils veulent la paix. Depuis le sauvetage, les médias ont été l'objet de nombreuses critiques dont celles d'avoir assigné trop de ressources au sauvetage alors que l'information internationale en général est traitée en parent pauvre.

Source: AFP

On ne discute pas...

La semaine dernière, le quotidien Washington Post a défendu à ses journalistes d'échanger avec leurs lecteurs sur Twitter. Cette nouvelle règle est-elle justifiable? Le WP a rappelé que les médias sociaux étaient des outils de promotion qu'on utilisait pour attirer les lecteurs sur le site du journal, mais que les journalistes devaient résister à l'envie de répondre aux lecteurs. Plusieurs médias d'information craignent que Twitter et Facebook poussent leurs journalistes à sortir de leur réserve habituelle. Mais en les empêchant de répondre, ne risque-t-on pas de tuer l'esprit même des médias sociaux, basés sur l'échange et la conversation? À discuter.