S'il est une oeuvre chérie des mélomanes qui se prête à de multiples lectures, c'est bien le fameux Winterreise, ou Voyage d'hiver, de Franz Schubert. La Fondation Arte Musica y consacre un petit festival: trois concerts avec trois versions différentes de l'oeuvre, deux conférences et un film, du 27 février au 2 mars.

«Pour quelqu'un qui a le temps d'aller aux trois concerts, c'est une chose rare aujourd'hui que de pouvoir s'arrêter ainsi sur une oeuvre et d'en écouter les transformations. C'est une expérience unique pour approfondir sa compréhension. Mais c'est aussi très bien si on ne peut aller qu'à un seul, car chaque concert est complet en soi», dit Isolde Lagacé, directrice générale et artistique de la Fondation Arte Musica.

Le Voyage d'hiver aborde des thèmes universels propices à de multiples interprétations. Chef-d'oeuvre de Schubert composé peu de temps avant sa mort, ce cycle de 24 lieder sur des poèmes de Wilhelm Müller aborde la vie, l'amour, la mort, la quête et l'errance.

«C'est un concentré de la pensée et de l'esthétique romantique du XIXe siècle, dit Normand Forget, hautboïste du quintette à vent Pentaèdre. On y trouve la nature, le désespoir et la rédemption dans la mort. Et sur le plan musical, Schubert a atteint son sommet.»

C'est aussi le voyage intérieur de celui qui se cherche lui-même, croit Isolde Lagacé. «On s'y retrouve parce qu'il y a là-dedans des paysages qui nous ressemblent, des scènes d'hiver et de désolation», dit-elle.

Une oeuvre, trois versions

Le premier concert propose la version originale du Voyage d'hiver avec ténor et pianoforte, comme l'avait voulu Schubert. On y entendra le ténor belge Jan van Elsacker, avec Tom Beghin au pianoforte.

Il y a 10 ans, Normand Forget a conçu un projet qui a fait des sceptiques à l'époque: en faire une version de chambre pour quintette à vent, accordéon et voix.

Plus tard, cette version a été enregistrée sous étiquette Atma par Pentaèdre avec le réputé ténor allemand Christoph Prégardien. Le disque a remporté le prix Opus du disque de l'année en 2008. C'est cette version que l'on entendra le second soir, avec le baryton-basse Daniel Lichti et l'accordéoniste Joseph Petric.

«J'avais entendu la version de Zender [NDLR: qui est présentée au troisième concert], dans laquelle, à un certain moment, on entend un accordéon. Cette sonorité m'est restée dans l'oreille et j'ai voulu la pousser plus loin en amenant les gens à écouter l'oeuvre à nouveau comme si c'était la première fois», explique Normand Forget.

Selon lui, l'accordéon joue le rôle de poumon d'acier aux côtés de Pentaèdre.

«Un quintette à vent ne pourrait pas jouer seul une oeuvre aussi longue sans s'épuiser. C'est physiquement trop exigeant. On avait besoin d'un instrument qui pourrait nous soutenir et bien se mêler aux sonorités des vents.»

Autre particularité de l'accordéon: il donne aux gens l'envie de se rassembler autour de lui, «un peu comme le faisait Schubert pendant ses Schubertiades», dit-il. «Dans ces réunions, il était au centre du groupe, entouré d'autres artistes. C'est un peu cette atmosphère que je voulais recréer, tout en amenant un côté plus folklorique et proche des gens.»

Hans Zender

Le troisième concert présentera la version du Voyage d'hiver conçue par Hans Zender en 1993, une version qui a connu énormément de succès depuis sa création. Elle sera interprétée par le Nouvel Ensemble Moderne sous la direction de Lorraine Vaillancourt.

«Zender a ajouté environ 10 minutes de musique à l'original avec des introductions, dit Normand Forget. Il a voulu magnifier l'oeuvre de Schubert avec des sonorités différentes et un côté théâtral très bien fait. Au début, une partie de l'orchestre est dans la salle et les musiciens marchent vers la scène. Mais quand le chant commence, il y a peu de différences.»

Version originale, le 27 février, 20h, salle Bourgie; version de chambre de Normand Forget le 28 février, 20h, salle Bourgie; version de Hans Zender, le 2 mars, 16h, salle Bourgie.

Conférence de Georges Leroux en français: le 1er mars, 14h, auditorium Maxwell-Cummings du MBAM; en anglais: le lendemain, même heure, même endroit.

Film d'un récital avec Christoph Prégardien et Menahem Pressler: le 1er mars, 16h, auditorium Maxwell-Cummings, MBAM.