André Sauvé est fascinant. Personnage dont l'énergie bouillonnante le fait sauter d'une idée à l'autre dans un chaos réfléchi, son plus récent spectacle définit les contrastes de la dureté et la beauté de la vie dans un long monologue poétique, franchement drôle et magnifiquement accompagné d'une musique enivrante.

Comment ne pas tomber sous le charme de cet extraterrestre humoriste, philosophe sans être lassant, mais qui, surtout, sait être amusant ? Dans le cadre de la série « Têtes d'affiche : 35 ans, 35 humoristes » du festival Juste pour rire, André Sauvé s'est présenté en grande forme pour trois représentations à la Maison symphonique, accompagné des quelque 80 musiciens de l'OSM, sous la direction passionnée du chef d'orchestre Adam Johnson. Deux soirs seulement pour un si beau spectacle, voilà le principal reproche que l'on pourrait faire.

Dès son entrée sur scène, habillé d'un joli veston fleuri, l'humoriste annonce qu'il nous parlera des émotions de la vie et de la façon dont la musique arrive si souvent à bien les traduire. S'il était facile de tomber dans une conférence « psycho pop », accompagné pour le coup d'un orchestre, André Sauvé évite les pièges. Gardant son caractère clownesque, il utilise l'humour pour aérer son propos, alors qu'il nous enseigne en douce le chemin qu'il a emprunté pour atteindre à une paix intérieure.

DE L'HUMOUR ET DE LA PÉDAGOGIE

Profitant du fait qu'il est accompagné sur scène de musiciens parmi les plus talentueux au pays, l'humoriste se fait pédagogue et nous présente les différents instruments qui composent un orchestre, comme les trompettes - « des Guillaume Lemay-Thivierge » en action - ou bien les tubas - « des personnes qui ne sont pas épaisses, mais qui ont le bonheur facile ».

André Sauvé enchaîne ensuite en nous racontant comment il a longtemps cherché une paix intérieure, partant en voyage dans des retraites de méditation parce qu'il se cherchait trop. « Je suis allé en Inde pour faire le vide, et pour faire le vide, je l'ai fait ! J'ai été malade. Je ne pensais pas que faire le vide, ça se passait sur le bol », dit-il.

Pour illustrer les émotions qui se dégagent des différentes expériences que l'on vit et qui façonnent qui nous sommes, l'OSM a joué le deuxième mouvement de la Septième symphonie de Beethoven. « Comment parler après ça ? », a demandé l'humoriste lorsqu'il a repris la parole, alors que nous avions nous aussi le souffle court.

UN SPECTACLE COMPLEXE ET ACCESSIBLE

Ce qui est rafraîchissant avec André Sauvé, c'est qu'il sort des sentiers battus.

Son spectacle est loin de l'humour facile, qui respecte la recette traditionnelle du bon gag. Au contraire, on sent dans le propos et dans les formules narratives une recherche de la surprise et de la finesse, sans que ce soit élitiste. N'importe qui peut trouver sa niche dans ce spectacle grand public.

Entre certains moments un peu trop longs où il se lance à fond dans ses réflexions existentielles, André Sauvé ponctue le spectacle de séquences musicales rafraîchissantes, comme lorsqu'il exprime nos émotions humaines en les associant à une succession de pièces (notre attachement à l'apparence - menuet de la Suite pour orchestre no 1 de Bach -, ou bien l'ennui comme « un dimanche pluvieux à Saskatoon » - adagio d'Albinoni).

Généreux sur scène, André Sauvé conclut en nous rappelant que si l'on est parfois décoiffé par les différentes épreuves de la vie, il existe toujours au coeur d'une tempête un endroit où rien ne bouge. « C'est pareil comme nous. Dans tout ce qu'on vit, dans tous nos vacarmes, on a aussi en plein centre de nous une place de silence », dit-il.

Quand les lumières se sont éteintes, à la représentation à laquelle nous avons assisté, vendredi, le public de la Maison symphonique s'est spontanément levé et a ovationné l'humoriste et l'orchestre non pas une fois, non pas deux fois, mais bien trois fois. C'était mérité.

Photo Sarah Mongeau-Birkett, La Presse

Le chef d'orchestre Adam Johnson