«Grand Blanc vient de cet Est froid. Où il a grandi, il y avait de grandes cathédrales, à côté de hauts fourneaux», annonce la page Facebook du groupe français.

Émigré à Paris, Grand Blanc vient en effet de Metz, ville marquée par la révolution industrielle et par un lot de conflits armés qui s'y étaient multipliés à l'aube de la modernité. Quelques générations plus tard luit dans ce «Far Est» l'espoir d'un rock d'expression française en déclin depuis quelques années chez les cousins.

Le peu que nous savons de Grand Blanc (un maxi, fort bon au demeurant) annonce un rock lettré, traversé par une poésie moderne ou contemporaine, entrelardé de post-punk anglais et de coldwave européenne, le tout saupoudré d'électro.

Joy Division comme porte d'entrée

Benoît est au téléphone pour nous raconter tout ça, pour ainsi justifier l'intérêt soudain que nous portons à son groupe invité aux FrancoFolies montréalaises.

«Nous sommes entrés dans cette musique par Joy Division. À Paris, des labels s'étaient mis à ressortir des disques de cette époque - Born Bad, par exemple. Nous en avons écouté et nous nous sommes reconnus dans cette période. Nous avons alors débusqué pas mal de vieux disques de synthwave française, allemande, italienne, ou même grecque! Nous avons réalisé que cette tendance avait permis à plusieurs artistes ou groupes européens de s'exprimer dans leur langue.»

Trois décennies plus tard, le recyclage de cette vague rock à forte teneur synthétique serait un facteur de relance pour Grand Blanc.

«Il y a toujours de la chanson française en France, nuance-t-il, mais il s'en trouve moins dans la pop ou le rock depuis un moment. On en avait marre de ne plus se retrouver dans ce qui se proposait en français. Parce que la variété française est toujours traitée de la même manière, notre première envie a été de trouver un son qui ne sonnait pas français.»

N'empêche... feu Alain Bashung n'est pas si loin de Grand Blanc, n'est-ce pas Benoît?

«À vrai dire, je ne connaissais pas beaucoup de chansons de Bashung. Quand nous avons commencé à faire des chansons de Grand Blanc, on m'a demandé d'écrire moins classique, plus personnel, mais je ne savais pas trop comment y parvenir. Puis on m'a dit que ça faisait un peu penser à Bashung. À vrai dire, on naviguait à vue; on cherchait des aînés en français. Forcément, on est tombés sur Bashung mais aussi sur d'autres comme Christophe, moins présent dans notre musique.»

Metz comme personnage

Il n'y a pas que le passé qui prime chez Grand Blanc, prévient Benoît: «Des groupes comme Future Islands (États-Unis) ou Agent Side Grinder (Suède) nous montrent qu'il est possible de faire cette musique-là sans sombrer dans la nostalgie. Ainsi, nous aimons bien la coldwave, mais n'avons jamais prétendu la faire revivre. Nous gardons une distance. Et cette distance sera encore plus grande sur notre album à paraître en 2016.»

Il est souvent question de la ville natale dans les textes de Grand Blanc, mais il semble que ce soit provisoire:

«Metz, c'était quasiment un personnage sur notre premier EP. Vu que nous étions arrivés à Paris trois ou quatre ans auparavant, j'imagine que nous avions des choses à régler.»

Plus précisément, les quatre membres de Grand Blanc avaient quitté Metz pour faire des études en région parisienne. Luc et Vincent ont fait une école d'ingénieur du son. Camille a étudié en médiation culturelle et en gérance d'artistes. Benoît s'est inscrit en littérature, ce qui semble avoir déjà produit des résultats probants.

«J'ai mis assez de temps à trouver mon truc, confie le chanteur et parolier. Ce qui me touche le plus, c'est René Char, Robert Desnos, Paul Éluard, des auteurs nés au tournant du XXe siècle. Ils ont commencé par la blague et la dérision, et se sont progressivement mis à écrire des choses plus sérieuses, plus profondes, tout en maintenant le prisme de la jeunesse et de la provocation. Ceux qui me parlent, ce sont ces écrivains qui ont une certaine épaisseur.»

Benoît reconnaît que le premier maxi de Grand Blanc est un peu «grand noir».

«Dans nos nouvelles chansons, nous demeurons assez cliniques, mais nous cherchons aussi à exprimer un humour grinçant. Voir les choses en face, ça détend aussi, ça recadre. En rire un peu ne fait pas de tort.»

Grand Blanc ne fait pas exception aux pratiques inhérentes à la business rock: aussitôt le potentiel reconnu, il faut apprendre le métier devant public.

«Luc est aux percussions et aux machines, Vincent est à la basse, je suis aux guitares et au chant et aux textes. Camille chante l'autre moitié des morceaux et joue les claviers. Nous avions commencé devant les ordis, nous étions assez frileux devant public. Nous avons fait une cinquantaine de dates depuis. Alors? Nous ne sommes pas encore des bêtes de scène, mais c'est devenu très agréable pour nous de donner des spectacles. Vraiment une envie!»

À l'extérieur, sur la scène Ford, le 15 juin, 23h; au Métropolis, avec Fauve et Feu! Chatterton le 16 juin, 21h.