C'est connu depuis sa découverte au FIJM il y a trois ans, Robert Glasper a l'esprit black, son jeu est lumineux. Et le talent lui sort par les oreilles.

Ayant assisté aux deux programmes du Marathon de John Zorn la veille, je me suis pointé au deuxième concert du pianiste afro-américain au Gesù, dans le cadre de la série Invitation. Ce vendredi, l'invité de Glasper était nul autre que le respecté trompettiste Terence Blanchard, issu d'une génération précédente à la sienne.

En guise d'introduction, le jazzman afro-américain nous a servi Trust Me, une ballade de Herbie Hancock. Il a déplié la nappe, l'a fait voler au-dessus de la table. Terence Blanchard s'est amené sur scène après que Glasper l'eut présenté... non sans cabotinage. Ce qui nous donnerait un petit aperçu de l'attitude... Manque de rigueur? Différence culturelle dans les critères de présentation et d'organisation d'un concert? Fouillez-moi.

Chose certaine, Glasper joue en ciboulo! La seconde ballade au programme est typique des progressions harmoniques du jazz moderne, ce qui démontre la faculté du pianiste à transcender un jazz classique qu'il maîtrise déjà. Voilà une preuve supplémentaire de son envergure exceptionnelle, puisqu'il ne provient pas tout à fait du monde académique, préférant adapter sa musique improvisée de haut niveau à cette culture populaire dont il est issu: hip hop, soul, R&B.

Avec Terence Blanchard, ce sera plus jazz. En témoigne ce très bel échange avec pour prétexte Up Jumped Spring, standard du regretté Freddie Hubbard. Avec son aîné qui s'est rapidement échauffé (après un départ un tantinet laborieux), Robert Glasper fait la démonstration qu'il n'est pas le virtuose d'un seul langage. Aux progressions typiques du jazz moderne, il intercale «block chords» à la Errol Garner, accords hautement percussifs et motifs surprises au milieu de ses phrases. Voilà qui n'est pas sans rappeler Ahmad Jamal. Dans le jeu de Glasper, on repère aussi des traits de Herbie Hancock et des influences claires du grand Mulgrew Miller (un autre grand qui devrait venir beaucoup plus souvent au FIJM). Et toujours ces harmonies typiques de la soul, question de nous rappeler d'où il vient.

Le contrebassiste Vincente Archer et le batteur Kendrick Scott, c'est-à-dire les membres de son trio, se joignent au duo. Sur un rythme lent et une ambiance soul, le pianiste rigole un peu sur le thème de Jingle Bell (en juillet, ça ne passe pas inaperçu!), pour ensuite décoller d'aplomb. Il quadruple et octuple le rythme de la pièce, puis s'amuse à varier les tempos avec sa section rythmique. Et revoilà Blanchard avec sa trompette légèrement filtrée électroniquement, en pleine possession de ses moyens.

Voilà une heure plutôt bien passée, quoique pas vraiment mémorable. La différence entre une assez bonne prestation et une excellente, il faut dire, tient à plusieurs facteurs. À commencer par la préparation d'avant-match. Même s'il s'agit d'une rencontre unique dans le cadre d'un festival.

Esprit black, jeu lumineux... idées claires?

Le quintette de Blanchard


La veille, au Théâtre Jean-Duceppe, il faut dire que le plan de match de Terence Blanchard avait été impeccable - sauf peut-être l'interminable présentation de ses musiciens. Entre les deux programmes de Zorn, j'y ai passé plus d'une heure de délectation. Avec l'une des meilleures formations jamais présentées par le trompettiste originaire de la Nouvelle-Orléans: le jeune pianiste Fabian Almazan au piano (encore un surdoué de Cuba!), le batteur Kendrick Scott (qui débarquait à peine du premier concert donné par Glasper), le saxophoniste Brice Winston, le contrebassiste Joshua Crumbly. Au programme, a dominé le contenu de l'album Choices (étiquette Concord Jazz), très projet inspiré de Terence Blanchard.

Esprit black, jeu lumineux... idées très claires!