Les festivals se succéderont, mais ne se ressembleront pas cet été. Du moins, c'est ce que promettent les programmateurs, qui voient d'un très bon oeil la multiplication des rendez-vous d'humour amorcée à la suite du scandale qui a ébranlé l'empire Juste pour rire.

Trois nouveaux festivals émergent cet été dans le paysage humoristique de la grande région métropolitaine. Alors que le Grand Montréal comédie fest a lancé le bal, il a rapidement été suivi par Laval en rires, mais aussi Mile Ex End qui a décidé de s'offrir, le 8 septembre, une journée complète consacrée à faire rire ses festivaliers.

« Depuis l'automne dernier, toutes les barrières sont tombées, les règles du jeu ont changé. Inventons un nouvel écosystème ! », lance Claude Larivée, producteur de l'évènement, où une quarantaine d'humoristes se produiront. « L'an dernier, on était 100 % musique, mais en allant voir les spectacles de jeunes humoristes, on a constaté qu'on avait une clientèle qui se croisait », précise M. Larivée, qui considère que tout est une question d'environnement quand il s'agit de se distinguer de la concurrence.

Une position que partage Franco Taddeo, directeur de la programmation de Laval en rires, nouvel acteur sur le marché qui a pour objectif de « mettre Laval sur la map » et de lui offrir un évènement qui contribuera à forger son identité culturelle.

« Le plus grand défi pour nous cette année est d'être légitime », explique Franco Taddeo. « On va présenter 14 spectacles, dont un show bilingue, un autre avec des artistes de Hollywood et de New York [avec Pauly Shore] et des galas thématiques [gala des parents, gala avec humoristes issus des communautés culturelles et visibles, gala avec des humoristes de Laval]. On offre donc quelque chose de différent des autres », ajoute le programmateur soucieux d'offrir aux Lavallois et aux résidants de la couronne nord un accès privilégié à cinq ou six artistes sur la même scène chaque soir.

Liberté

Devant l'ampleur de l'offre d'évènements à caractère humoristique cet été, comment s'assurer que les artistes présents ne se répètent pas ? « On demande aux humoristes qui viennent se produire de ne pas utiliser les mêmes numéros que dans d'autres festivals et qu'ils ne se produisent pas à Laval trois semaines avant le festival. Ces clauses sont standard », répond le programmeur de Laval en rires.

Du côté de Mile Ex End, on a choisi de laisser les humoristes décider du matériel qu'ils allaient présenter sur scène. 

« On n'a aucune exigence contractuelle en matière d'exclusivité dans le temps ou sur le territoire. Les artistes sont hyper professionnels et consciencieux. Ils vont venir faire du matériel adapté à l'environnement. On a 100 % confiance dans le jugement des artistes sur ce qu'ils vont livrer », explique Claude Larivée, producteur de Mile Ex End.

Une liberté qui détonne avec les clauses contractuelles qui ont pu être appliquées par le passé par Juste pour rire, qui obligeait notamment les humoristes à présenter du contenu exclusif pour ses galas diffusés ensuite à la télévision, et ce, pour une période pouvant aller jusqu'à deux ans.

« Le Grand Montréal comédie fest a un peu fait exploser les barrières qu'il y avait dans le milieu, estime Christian Viau, programmateur au Grand Montréal comédie fest et ex-directeur des galas de Juste pour rire. Des humoristes vont pouvoir aller à la fois à Juste pour rire et à ComédieHa ! Fest à Québec. Laurent Paquin m'expliquait que pour la première fois de sa carrière, il allait jouer à Québec cet été ! Depuis 15 ans, il animait à JPR et ne pouvait, par contrat, aller animer à Québec. Quand le Grand Montréal comédie fest est arrivé en disant : "Vous pouvez jouer où vous voulez", les autres n'ont eu d'autre choix que de revoir leurs clauses. »

Une situation dont se réjouissent les humoristes, dont les Denis Drolet, qu'on pourra voir cette année animer un gala Juste pour rire, mais aussi se produire sur scène à Québec.

« C'est une belle ouverture de la part de Juste pour rire. Nous, on veut pouvoir jouer partout. On ne croit pas que c'est le même marché non plus. On comprend qu'on ne peut pas animer un gala à Montréal et un à Québec dans le même été, mais pouvoir animer à Juste pour rire et participer à un gala du ComediHa ! Fest est logique pour nous », confie Vincent Léonard, des Denis Drolet.

« La concurrence pousse à se réinventer. Le public va choisir en fonction de l'expérience qu'il veut vivre. Chaque festival va trouver sa clientèle », croit Patrick Rozon, directeur du Zoofest.

Pour Patrick Rozon, le temps des chasses gardées semble révolu. « Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux et les nouveaux festivals, on ne peut plus cantonner un artiste, ou du moins, c'est plus difficile. La solution est de s'adapter et d'offrir une expérience différente », estime celui qui est aussi porte-parole du groupe Juste pour rire.

« Qu'il y ait d'autres festivals et d'autres offres en humour, ça ne peut pas être négatif parce que ça amène les artistes à être plus créatifs et à devoir se surpasser pour ne pas présenter toujours le même matériel. Au bout du compte, Montréal est devenu une plaque tournante dans l'industrie mondiale de l'humour », conclut-il.

PHOTO NINON PEDNAULT, LA PRESSE

Patrick Rozon