« J’ai envie de pouvoir aller à Paris au mois de décembre si j’en ai envie. Je veux avoir l’impression que c’est samedi tous les matins. » C’est ainsi que Claude Saucier entrevoit la retraite qu’il s’apprête à prendre et dont l’annonce samedi, durant sa populaire émission C’est si bon sur les ondes d’ICI Musique, a pris par surprise ses nombreux inconditionnels.

Pour celui qui a commencé sa carrière d’animateur au début de la vingtaine, cette décision a été longuement réfléchie. « J’avais prévu quitter l’émission après la tournée du spectacle C’est si bon… de danser qui devait commencer à l’automne 2019. Mais la pandémie nous a obligés à tout repousser. J’avais une responsabilité face à l’équipe du spectacle. Je me suis dit que si je lâchais, tout tombait. La tournée a finalement pris fin en novembre dernier, et je me suis dit que c’était le bon moment de tirer ma révérence. »

Claude Saucier parle du spectacle qui a été inspiré par le son jazz et big band de son C’est si bon. Il faut dire que ce populaire rendez-vous a également donné naissance à trois disques de compilation, dont un de Noël. L’univers musical qu’il déploie tous les samedis a rapidement séduit un large public.

C’est si bon est devenue au fil du temps l’émission la plus écoutée d’ICI Musique. Aux derniers sondages Numéris publiés avant le temps des Fêtes, elle a atteint un record avec 18,1 % de parts de marché et trônait dans le top 20 des émissions les plus écoutées à Montréal, toutes catégories confondues.

« Je crois que le succès de l’émission repose sur le fait que j’ai offert un contenu musical dont plus personne ne parlait, dit-il. Et pourtant, on doit tout à ces musiciens. Le jazz invente tout ce qui va suivre par la suite. Ça part de Kansas City, Chicago et New York par la suite. C’est de la grande musique. Tu écoutes Cole Porter… Ça avait du génie, ces gens-là. »

Plusieurs auditeurs attendent cette émission pour s’offrir un apéro (ou peut-être même deux ou trois) tout en cuisinant. Les plus vieux retrouvent des artistes qui ont bercé leur jeunesse et les plus jeunes découvrent ces chanteurs et ces musiciens. « J’ai appris récemment par un de mes boss que les jeunes sont largement au rendez-vous le samedi. Je pensais que je faisais une émission uniquement pour les p’tits vieux. »

Claude Saucier ne peut s’empêcher de parler de cette émission sans mentionner les noms de ses deux précieux complices, le réalisateur Alexandre Bernard et le technicien Pierre Plante, un homme doté « d’une oreille musicale fabuleuse », selon l’animateur qui signera sa dernière émission le 22 juin prochain.

Je rassure les aficionados de l’ambiance musicale qu’on retrouve à C’est si bon. La direction d’ICI Musique a l’intention de continuer à doter ce créneau d’un son qui aura le même ADN que celui auquel nous avons droit depuis plus d’une décennie, m’ont confié certaines sources.

Le parcours de Claude Saucier est riche. De ses débuts à la radio à 21 ans à Sept-Îles et plus tard à CKAC, dans les années 1970, en passant par l’animation de Téléservice sur les ondes de Radio-Québec et celle de Salut Bonjour à Télé-Métropole, jusqu’à son entrée à Radio-Canada (télévision et radio) au milieu des années 1990, l’animateur a su ravir ces divers auditoires avec une approche chaleureuse qui se passe de fioritures.

PHOTO ARCHIVES RADIO-QUÉBEC

Claude Saucier (à gauche, rangée du bas) entouré de ses collègues de Téléservice

J’ai interviewé Claude Saucier en septembre 2018, et il m’avait parlé du fil conducteur de sa carrière d’animateur de radio. Cinq ans plus tard, il reprend essentiellement les mêmes mots. « Je me suis toujours demandé : qui est à l’écoute et qu’est-ce que ces auditeurs veulent entendre ? J’ai toujours voulu parler aux oreilles qui sont tendues. Je n’ai jamais voulu imposer des affaires aux auditeurs. Quand je propose une découverte, je veux qu’on la fasse ensemble. »

De ses 50 années de carrière, Claude Saucier n’hésite pas à qualifier son expérience à C’est si bon des « 13 plus belles années de [sa] carrière ». « Je considère que je suis un artiste, dit-il. Et pour un artiste, quand t’es obligé de faire quelque chose qui comporte des compromis, c’est plate. Avec C’est si bon, j’ai pu jouir d’une totale liberté, tout cela avec la complicité de la direction. »

Avant de quitter Claude Saucier, je lui ai demandé de me dire ce que le jeune Claude de 21 ans qui s’est lancé à corps perdu dans une carrière d’animateur aurait envie de dire à celui qui prend sa retraite. « Il lui dirait sans doute qu’il a eu raison de rêver, qu’il avait le droit de le faire, même sans formation. Et ce jeune dirait aux autres jeunes qu’il faut foncer quand on y croit. »

Et il y a fort à parier que le Claude Saucier bientôt retraité dirait au jeune fringant : « Laisse-moi tranquille maintenant ! J’ai envie de prendre mon café en écoutant Louis Armstrong ! »