Il était de ces hommes d'exception qui marquent profondément les gens qui croisent sa route.

Avant de monter sur scène, Ginette Reno se remémore toujours les paroles que René Angélil prononçait à l'époque où il était son imprésario, au tournant des années 80. « J'ai gardé dans mon coeur ses pep talks. René me calmait, me déstressait. Je ne peux pas vous dire toutes les blagues qu'il m'a dites. »

« Tout va être correct », répétait-il à Julie Snyder. « Mais là, je lui dirais que ce n'est pas correct », nous a lancé la productrice avec un sanglot dans la voix, tard hier soir.

René Angélil, agent et mari de Céline Dion, et père de leurs trois enfants, est mort hier matin à sa résidence de Las Vegas à l'âge de 73 ans. Sur sa page Facebook, Céline Dion a parlé de la fin d'« un long et courageux combat contre le cancer ». « La famille souhaite vivre le deuil en toute intimité. D'autres informations vous seront communiquées dans les prochains jours », peut-on lire.

« J'ai perdu un ami et j'ai beaucoup de peine pour Céline », a confié à La Presse Vito Luprano, producteur exécutif des premiers albums de Céline chez Sony/BMG Canada.

Sourd, muet et amaigri, René Angélil a beaucoup souffert ces derniers mois en raison d'un cancer de la gorge qui avait refait son apparition en 2013, après une première intervention chirurgicale en 1999.

En juin 2014, René Angélil a cédé une partie de la gestion de la carrière de Céline à Aldo Giampaolo, en quittant la direction des Productions Feeling inc. Deux mois plus tard, Céline Dion annonçait l'annulation de spectacles à Las Vegas pour rester auprès de son mari et de leurs trois enfants, René-Charles et les jumeaux Nelson et Eddy.

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Le Caesars Palace de Las Vegas rend hommage à René Angélil sur son immense marquise.

« C'est un couple inspirant. Céline a beaucoup pris soin de René », souligne Julie Snyder.

Un modèle

Par sa vision, son ambition et sa détermination, René Angélil sera à jamais un modèle pour l'industrie de la musique. « René est un immortel », lance Julie Snyder.

« Je l'admirais beaucoup pour ce qu'il a fait pour Céline et pour la crédibilité de la musique au Québec », a confié André Ménard, cofondateur de l'Équipe Spectra, à qui l'on doit le Festival de jazz de Montréal et les FrancoFolies.

« Un homme de coeur » et « un talent en business », énumère-t-il. Et « un homme au grand sens de l'humour et du punch ».

André Ménard souligne combien Céline et René formaient un couple complice et affectueux. La chanteuse décrivait son mari comme son seul amoureux, alors que lui estimait sa femme et son talent de chanteuse plus que tout au monde. « Les commentaires négatifs sur Céline l'atteignaient plus qu'ils n'atteignaient Céline. »

Angélil et Ménard (alors président de l'ADISQ) ont eu un petit différend quand Céline Dion a refusé le Félix du Meilleur artiste anglophone de l'année, en 1990. Le tout s'est réglé entre les deux hommes et un grand respect mutuel s'est développé.

Angélil a fait à André Ménard des compliments qui l'ont marqué à vie. « Quand il avait de la considération pour toi, il avait de la considération pour toi. »

L'animatrice a gagné la confiance d'Angélil en 1996. Elle était prête à se rendre à Vancouver en avion pour convaincre l'imprésario de Bryan Adams de diffuser un duo avec Céline Dion filmé à Cannes. René Angélil lui a alors dit : « Tu m'as crinqué. D'habitude, c'est toujours moi qui veux plus que les autres. »

Soucieux des autres

Quand Gregory Charles a fait une chute de la scène du Centre Bell, René Angélil a été le premier à lui rendre visite à l'hôpital. Il était aussi tout près de lui quand il a appris que sa mère souffrait de la maladie d'Alzheimer.

« René avait une façon de faire comprendre aux gens à quel point ils sont importants », souligne le chanteur.

Gregory Charles a côtoyé Céline Dion et René Angélil à de nombreuses reprises dans sa vie. Quand il avait 12 ans au studio Saint-Charles de Longueuil, notamment, et dans la longue tournée mondiale Let's Talk About Love de la chanteuse, en 1998 et 1999, où il était pianiste invité et choriste.

Il dresse le portrait d'un homme déterminé, mais « cool », qui avait le coeur à la bonne place : l'amitié, la fidélité et l'égalité étaient ses valeurs maîtresses. Comme Céline Dion, il était un homme « vrai ». « No bullshit » jusque dans ses poignées de main, détaille-t-il.

« René était extrêmement attentif aux détails, ajoute Gregory Charles. Et il était soucieux de faire plaisir aux autres et de les voir réussir. »

Un grand flair

Ginette Reno, comme tous ceux qui ont côtoyé René Angélil, se souviendront d'un homme d'affaires redoutable doté d'un grand flair.

La veille du jour où Céline devait être faite chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en 1996, à Cannes, André Ménard a croisé la chanteuse et son imprésario dans un restaurant. Son ami Michel Sabourin a alors lancé à René Angélil : « Dans tes rêves les plus fous, jamais tu n'aurais pu penser que tout cela arrive à Céline. »

André Ménard l'a repris sur-le-champ : « Au contraire. René était le seul à y croire. »

« Céline va être numéro un », répétait Angélil. Et c'est ce qui est arrivé.

Les hommages affluent

Politiciens, membres de l'industrie du spectacle et artistes ont souligné la mémoire du grand imprésario dans les heures suivant l'annonce de sa mort.

- Propos recueillis par Hugo Meunier