Il y aura un «avant» et un «après» budget Flaherty 2012 pour les entreprises innovantes canadiennes. Le fédéral prend un tournant majeur dans sa façon de soutenir la recherche industrielle en sabrant le programme de crédits à la recherche et au développement, populaire mais controversé. Les sommes économisées sont redirigées vers des subventions, du soutien à la commercialisation et du capital-risque.

Le gouvernement Harper a dressé hier un constat d'échec de la stratégie canadienne en recherche et développement (RetD). Après avoir investi 8 milliards de dollars depuis 2006 pour inciter ses entreprises à innover, le fédéral constate que «le Canada continuer d'accuser un retard sur d'autres pays comparables».

Pas question, cependant, de sabrer les sommes allouées. Le fédéral espère économiser 1,3 milliard sur cinq ans en resserrant son programme de crédits à la RetD, généralement apprécié des entrepreneurs mais jugé confus, complexe et trop coûteux par plusieurs observateurs.

Mais ce que le gouvernement prend d'une main, il le redonne de l'autre. Il promet 1,6 milliard de nouvelles mesures en cinq ans, notamment en subventions directes aux entreprises et en capital-risque.

Fini «l'exception canadienne»

Ce rebrassage de fonds publics met un terme à ce qu'on pourrait appeler «l'exception canadienne». Jusqu'à hier, le Canada était l'un des pays les plus généreux au monde en crédits d'impôt, ces bonbons fiscaux accordés aux entreprises qui investissent en recherche. En contrepartie, il était l'un des plus chiches en subventions directes à la RetD.

En octobre, un groupe d'experts avait recommandé au gouvernement de mieux répartir ses billes en diminuant les sommes dédiées aux crédits d'impôt et en augmentant les subventions directes. Le nouveau budget fédéral suit généralement leurs recommandations.

Le ménage entrepris dans le programme de crédits d'impôt à la RetD est multiple. D'abord, le fédéral diminue le montant général du crédit de 20% à 15%, une mesure qui permettra d'économiser à elle seule 770 millions en cinq ans. Autre changement: les entreprises ne pourront plus réclamer de crédits pour leurs dépenses en immobilisations, ce qui inclut les achats d'équipements consacrés à la recherche.

«Là, on joue un jeu dangereux. Nos entreprises ont déjà un déficit de compétitivité et doivent investir», commente Jean-Louis Legault, PDG de l'Association pour le développement de la recherche et de l'innovation du Québec, qui voit globalement plus de négatif que de positif dans le budget d'hier.

Le fédéral se dit aussi «préoccupé» par la question controversée des consultants et promet de l'étudier. Plusieurs entreprises se tournent en effet vers des consultants pour les aider à réclamer des crédits au gouvernement, ce qui détourne une partie des fonds publics vers ces intermédiaires.

Les sommes économisées par la rationalisation du programme de crédits d'impôt sont déployées ailleurs. Le budget du programme d'aide à la recherche industrielle, des subventions destinées aux PME, est doublé.

Stéphane Leblanc, associé spécialisé dans la fiscalité des entreprises pour Ernst&Young, croit cependant que le gouvernement fait fausse route en réduisant les crédits d'impôt pour favoriser les subventions.

«Le problème des subventions, c'est que ça prend du temps à obtenir, et on n'est jamais sûr de les avoir. Pour une entreprise, les crédits d'impôt sont beaucoup plus prévisibles», dit-il.

Des sommes de 93 millions pour les trois prochaines années, puis de 40 millions par année, sont aussi débloquées pour inciter les ministères et organismes fédéraux à acheter des technologies canadiennes. Une excellente nouvelle aux yeux de Denis Leclerc, président d'Écotech Québec, la grappe des technologies propres du Québec, qui réclamait depuis longtemps une telle mesure.

Rappelant que des sociétés comme Google, Facebook et Resarch in Motion ont grandi parce que des financiers y ont misé de l'argent avant qu'elles ne soient rentables, le fédéral investira 500 millions en capital-risque au cours des cinq prochaines années. De ce montant, 100 millions iront à la Banque de développement du Canada, une somme qui avait déjà été annoncée.

Le fédéral a aussi décidé de réorienter entièrement la mission du Conseil national de recherches du Canada vers la «recherche appliquée axée sur l'entreprise», une mesure qui risque de faire grimper dans les rideaux les défenseurs de la recherche fondamentale.

Crédits à la R et D

-1,3 milliard

Subventions, capital de risque et autres mesures

"1,6 milliard