Le financement des entreprises en démarrage entre dans une nouvelle ère: aide fragmentée, supervision de proximité, sociofinancement. Désormais, les entrepreneurs ne dépendent plus uniquement des programmes gouvernementaux et des institutions financières pour se lancer en affaires.

À Montréal seulement, 125 organismes soutiennent le démarrage des entreprises. Les programmes offerts sont si nombreux que les gens d'affaires finissent par s'y perdre, dit Claude Ananou, maître d'enseignement spécialisé en création d'entreprises de HEC Montréal.

«Il existe plus de fonds que d'entrepreneurs, affirme-t-il. Malheureusement, certains programmes écrits par les fonctionnaires sont tellement pointus qu'ils ne correspondent à personne. Quand il faut être blond, borgne et mesurer sept pieds pour avoir droit à des sous, ça laisse beaucoup d'argent inutilisé...»

Visiblement, le professeur n'est pas partisan des bourses et des subventions de milliers de dollars offertes aux entrepreneurs. «En recevant autant d'argent d'un seul coup, les gens sont enivrés et se permettent parfois des dépenses impulsives et inutiles, souligne-t-il. Les fonds devraient plutôt prêcher pour le soutien ou le financement par étapes.»

Nouvelle approche

À ce sujet, plusieurs centres locaux de développement (CLD) s'ouvrent à une nouvelle approche. Celle-ci consiste à donner une somme de départ (exemple: 500$) et à vérifier ce que l'entrepreneur peut obtenir en quelques jours avec cet argent. Ou encore, on peut fournir 1000$ pour financer la présence dans un salon spécialisé et demander un rapport de découvertes.

«Au lieu de donner 15 000$ au début, on fait un test pour voir si l'entrepreneur peut avancer avec 500$, explique M. Ananou. C'est un peu comme pour quelqu'un qui veut partir en voyage: avant de faire le tour du monde pendant des mois, c'est bien de vérifier si on est capable d'aller à Québec pour un week-end. Après un essai, on a une nouvelle vision et on connaît mieux ses besoins financiers.»

En réalisant des tests à petite échelle, les entrepreneurs peuvent donc vérifier si leur projet répond réellement à un besoin. «Par exemple, avant d'ouvrir un restaurant, on peut commencer en tant que traiteur ou cibler un restaurant qui ouvre seulement la semaine et louer le local durant le week-end pour tester la valeur de nos idées», suggère le professeur.

Sociofinancement

Afin d'aider ceux qui voient leurs ambitions ralenties par le processus d'attribution des institutions financières, le sociofinancement (crowdfunding) est une option souvent plus rapide et plus payante.

«Des sites comme kickstarter.com et haricot.ca offrent la possibilité de présenter un projet au grand public et d'obtenir des dons. Certaines idées ont obtenu des centaines de milliers de dollars! Ça peut prendre du temps avant que les banques ou les CLD donnent autant. Avec les outils qu'on a aujourd'hui, il faut saisir l'occasion de vendre son idée aux gens, sans attendre que tout se fasse tout seul.»

Alors que la France assouplit ces jours-ci la réglementation du sociofinancement des entreprises, le Canada réfléchit toujours à la question. «Si les autorités réglementaires ouvraient ça, peut-être en imposant un plafond de 50 000 ou 100 000$, ça révolutionnerait le démarrage des entreprises, remarque le professeur. Les organismes de soutien se retrouveraient sur la touche.»

Membre de plusieurs organismes de création d'entreprises et lui-même impliqué dans plus d'une dizaine d'entreprises au cours de sa carrière, Claude Ananou rappelle que certaines idées n'ont pas besoin de grandes sommes d'argent.

«Environ 70% des projets d'entrepreneuriat démarrent avec moins de 1000$ et presque 90% avec moins de 10 000$, précise-t-il. Des géants comme Facebook, Microsoft et Apple n'avaient presque rien au début.»