En brouille avec le conseil d’administration de Gildan, le grand patron de longue date du fabricant montréalais de vêtements, de chaussettes et de bas collants, Glenn Chamandy, s’est fait montrer la porte dimanche. Un départ soudain qui plonge l’entreprise dans une période de transition qui s’étirera sur plusieurs mois.

Cofondateur de Gildan, Glenn Chamandy, 61 ans, dirigeait l’entreprise depuis 2004 et était membre du conseil d’administration depuis 1984.

Il sera remplacé à titre de PDG par Vince Tyra à compter du 12 février. D’ici là, l’intérim sera assuré par un membre du conseil, Craig Leavitt.

Tout indique que le conseil d’administration a voulu aller de l’avant avec son plan de succession alors que Glenn Chamandy n’était pas prêt à partir.

En entrevue avec La Presse, le président du conseil, Donald Berg, explique le départ de Glenn Chamandy par des divergences sur « quelques aspects », mais le principal étant le moment de l’implantation du plan de succession de l’entreprise. « Organiser une transition avec un fondateur est toujours une opération délicate », dit-il.

Donald Berg soutient que le moment est opportun pour un changement parce que l’entreprise va « très bien, gagne des parts de marché, et a un bon plan en place pour les prochaines années ». Il précise que des candidats internes et externes ont été considérés pour succéder à Glenn Chamandy.

« Nous pensons avoir trouvé la bonne personne [Vince Tyra] et que c’est le bon moment », indique M. Berg.

Donald Berg dit avoir tenté de s’entendre avec Glenn Chamandy sur le moment où il allait prendre sa retraite afin de réaliser une transition harmonieuse. « Ce ne fut juste pas possible. »

Glenn Chamandy a fait savoir lundi qu’il n’accordait pas d’entrevue, mais a indiqué que l’entreprise mettait fin à son contrat de travail « sans motif ».

Comme prévu dans son contrat, Glenn Chamandy touchera une indemnité de départ évaluée à environ 20 millions US. Il possède par ailleurs 3,4 millions d’actions, l’équivalent d’une participation de 2 %.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Glenn Chamandy

« Il est regrettable que ma vision de l’avenir diffère de celle des autres membres du conseil d’administration », affirme Glenn Chamandy dans une communication électronique.

Il est possible que Glenn Chamandy ait eu un désaccord avec le conseil sur la sélection de son successeur, d’après l’analyste Mark Petrie, de la CIBC.

« Compte tenu de l’historique de Glenn Chamandy avec l’entreprise et ses nombreux cadres de longue date, je suppose qu’il aurait favorisé un candidat à l’interne, dit cet expert. Ce départ est une surprise et sans doute un choc pour l’organisation. »

Il n’est pas impossible, selon Mark Petrie, que des changements de personnel s’ensuivent au sein de l’entreprise.

Le repli de 11 % de l’action de Gildan durant la première séance boursière de la semaine témoigne de l’impact de l’annonce.

Décision « radicale »

De son côté, l’analyste Martin Landry, de la firme Stifel/GMP, se montre étonné de l’apparente précipitation avec laquelle Glenn Chamandy est licencié et avec laquelle un plan de succession est mis en place étant donné qu’il n’y a pas eu de faux pas récents à signaler et qu’il n’y a pas eu de problèmes, à sa connaissance, qui justifieraient une décision aussi « radicale ».

PHOTO CHRISTINNE MUSCHI, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Les bureaux de Gildan, à Montréal

« Le départ de Glenn Chamandy est une perte puisqu’il était le cœur et l’âme de Gildan depuis plus de 30 ans, ayant exécuté une impressionnante stratégie de croissance organique créant une valeur actionnariale significative », commente Martin Landry.

« Bien qu’il n’y ait jamais de bon moment pour un départ, Gildan est dans une bonne situation à la fois financière et stratégique », souligne-t-il néanmoins.

Martin Landry considère le départ de Glenn Chamandy comme un élément négatif parce qu’il est notamment la pierre angulaire de l’établissement du centre de fabrication de Gildan au Honduras. « Il possédait également une connaissance approfondie de l’industrie qu’il sera difficile de remplacer. » En entrevue, Vince Tyra dit ne pas envisager de gros changements. « L’équipe a fait un très bon travail. Il y a une très bonne stratégie de croissance en place. Je suis chanceux d’arriver dans une telle situation. »

Vince Tyra a occupé dans le passé des postes de direction dans les secteurs du vêtement et de l’investissement. Il a notamment dirigé les entreprises Alphabroder et Fruit of the Loom. Cette dernière appartient aujourd’hui au conglomérat américain Berkshire Hathaway.

Vince Tyra a aussi été partenaire opérationnel chez Southfield Capital, où il a été membre du comité d’investissement. Plus récemment, il a occupé le poste de vice-président principal de la stratégie d’entreprise et des fusions et acquisitions chez Houchens Industries, une société de portefeuille.

Selon l’analyste Brian Morrison, de la TD, Vince Tyra semble être le candidat idéal pour assurer une transition réussie compte tenu de ses fonctions antérieures.

Important actionnaire de Gildan pendant longtemps, la Caisse de dépôt et placement du Québec avait vendu l’année dernière ses actions de l’entreprise montréalaise. La décision de larguer Gildan avait été motivée par des préoccupations fiscales, selon nos informations. Gildan ne paierait pas sa juste part d’impôt aux yeux de la Caisse.