Une vingtaine de personnalités du domaine des transports et de l'écologie demande l'abandon du Réseau express métropolitain (REM), le projet de train léger de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ).

Dans une lettre ouverte à paraître dans les journaux samedi, mais que La Presse canadienne a obtenue vendredi, le groupe fait valoir que malgré sa facture «de plus de 7,4 milliards», le REM ne diminuera pas la congestion routière et infiniment peu, soit 0,1 %, la pollution attribuée aux transports dans la région de Montréal.

Un des signataires de la lettre, le président de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), André Belisle, soupçonne que le gouvernement veut enfoncer le projet dans la gorge des gens pour des raisons partisanes.

«Quand on ne trouve pas la raison sur la table, il faut regarder en dessous: on est en campagne électorale», a-t-il déclaré en entrevue téléphonique avec La Presse canadienne vendredi après-midi. Le gouvernement a déjà été accusé par l'opposition officielle péquiste de favoriser l'ouest de l'île avec ce projet, soit des circonscriptions détenues par des ministres, qui ont fait pression pour obtenir une antenne du REM, selon La Presse.

«Chaque fois qu'on a voulu enfoncer des projets dans la gorge des gens, c'était pour des intérêts particuliers, pas pour les intérêts du Québec», a poursuivi le président de l'AQLPA.

M. Belisle s'en prend aux façons de faire et à l'attribution du contrat au consortium de SNC-Lavalin. «C'est curieux que SNC-Lavalin, qui jusqu'à dernièrement faisait partie de la liste noire des entreprises, obtienne un «fast track» pour ce projet et que tout est «bulldozé» pour le projet.»

SNC-Lavalin n'a pas mis de temps à réagir. En après-midi, la vice-présidente aux communications de la société de génie-conseil, Isabelle Perras, a défendu la réputation de son entreprise.

«Nous n'avons jamais été bannis et en 2014, nous avons obtenu notre autorisation d'avoir des contrats avec le gouvernement du Québec par l'Autorité des marchés financiers, et c'était un autre gouvernement qui était au pouvoir, alors la politisation de l'obtention des contrats est totalement fausse.»

La cérémonie de la première pelletée de terre a eu lieu la semaine dernière et la Caisse doit procéder avec célérité, car l'entrée en service partielle du REM est prévue dès 2021. Déjà, le service sur la ligne actuelle de train de banlieue Deux-Montagnes-Montréal sera interrompu les fins de semaine à compter de la fin d'avril, pour entreprendre les travaux.

Cependant, les auteurs de la lettre estiment qu'il n'est pas trop tard pour stopper le chantier et trouver une autre solution. Ils rappellent que le projet a été remis en cause dès le début par le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

«Dans le passé, de mauvais projets tels que la centrale thermique au gaz naturel du Suroît et la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2 ont été annulés alors que les audiences du BAPE avaient eu lieu, que les décrets étaient signés et que les pièces étaient même commandées, écrivent-ils. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, d'autant plus que l'arrêt de ce projet de privatisation de nos transports publics devrait nous épargner facilement 400 millions par année.»

Les signataires appellent à remplacer le REM par le projet proposé par le Parti québécois s'il prend le pouvoir, appelé le «Grand Déblocage».

Ils font valoir que pour un investissement identique, le projet péquiste desservirait mieux l'ensemble de la région métropolitaine, notamment l'est de l'île et la Montérégie, et permettrait d'enlever l'équivalent de 133 000 automobiles de la route, soit 100 fois plus que le REM.

Évalué à un peu plus de 7 milliards, le plan du PQ prévoit neuf circuits de bus rapide dans l'est et l'ouest de Montréal, sur la Rive-Sud et sur la Couronne Nord, cinq lignes de tramways électriques dont quatre sur l'île desservant le secteur de l'hippodrome, l'aéroport international Montréal-Trudeau, l'est de Montréal jusqu'à son extrémité et le boulevard Saint-Laurent.

Le REM est un projet de plus de 6,3 milliards, selon les chiffres officiels, financé à moitié par la Caisse de dépôt et pour l'autre moitié par Québec, le fédéral et Hydro-Québec. Si on ajoute les 3 milliards investis par les pouvoirs publics aux 11 milliards versés en redevances sur 20 ans par le gouvernement , les municipalités et les usagers, pas moins de 14 milliards seront versés en fonds publics et en tarifs aux usagers à ce réseau entièrement privé, propriété de la Caisse.

Le REM comprendra une grande ligne allant de la Couronne Nord (Deux-Montagnes) à la Montérégie (Brossard) en passant par l'île de Montréal, ainsi que deux segments vers l'ouest de l'île, pour un total de 26 stations.

La lettre qui paraîtra dans les journaux de samedi

Personne ne peut ignorer le problème grandissant de congestion de la circulation dans la grande région de Montréal. Quel que soit le point de départ, les automobilistes font face à un blocage chronique grandissant qui leur fait déjà perdre chaque année 26 millions d'heures. Le proche avenir nous promet encore plus de congestion.

Par ailleurs, l'intensité de la circulation routière contribue au réchauffement climatique causé par les gaz à effet de serre (GES). L'urgence de s'attaquer à ce problème a encore été soulignée le 23 mars dernier, lorsque le gouvernement du Québec a admis être en voie de rater nos objectifs de réduction des GES et identifié le transport comme domaine d'intervention prioritaire afin de corriger le tir.

C'est pourquoi tout projet de transport collectif devrait apporter des réponses satisfaisantes aux questions suivantes : diminuera-t-il vraiment la congestion routière et les émissions de gaz à effet de serre? Si oui, dans quelles proportions?

Comme le rapport du BAPE l'a clairement démontré, le projet de Réseau express métropolitain (REM) ne répond à aucun de ces deux critères. En effet, malgré son coût de plus de 7,4 milliards, le REM: n'enlèverait complètement de la circulation qu'environ 1 700 des 1,3 million de véhicules circulant dans la région métropolitaine aux heures de pointe, soit une baisse de 0,13 %;

ne diminuerait les émissions de GES que de 27 000 tonnes sur les 27,6 millions de tonnes d'équivalent CO2 attribuables au transport routier en 2014, soit 0,1 %, un millième, des GES de la grande région métropolitaine! Cela ne tient même pas compte de sa construction ni des incidences sur l'aménagement.

La contribution du REM à l'amélioration du bilan GES du Québec serait donc pour ainsi dire nulle, ce qui explique qu'il ne soit pas admissible au Fonds Vert. Qui plus est, nous venons d'apprendre que la CDPQ Infra a obtenu des zones de monopole qui cannibaliseraient les services de transport collectif existants dans la région métropolitaine.

Au contraire, pour investissement identique, le  «Grand Déblocage» permettrait d'enlever l'équivalent de 133 000 voitures de la route, soit 100 fois plus que le REM et;

réduirait les GES de plus de 300 000 tonnes, soit 11 fois plus que le REM, rendant du coup ce projet admissible au Fonds Vert;

desservirait l'ensemble de la grande région de Montréal - de Saint-Jérôme à Saint-Hyacinthe et de Joliette au Suroît aussi bien que l'île de Montréal d'est en ouest, Laval et la Rive-Sud.

De plus, le «Grand Déblocage» exigerait du contenu québécois pour le matériel roulant, ce qui n'est pas le cas du REM.

Le «Grand Déblocage» serait donc un projet beaucoup plus efficace pour la mobilité, bien plus rentable économiquement et plus viable du point de vue environnemental.

Il n'est jamais trop tard pour bien faire alors que certains affirment avec désinvolture que le REM «est trop avancé» pour être remis en cause, nous tenons à rappeler qu'il a été remis en cause dès le début par le BAPE et n'a jamais cessé d'être contesté avec véhémence. Nous rappelons aussi que dans le passé, de mauvais projets tels que la centrale thermique au gaz naturel du Suroît et la réfection de la centrale nucléaire de Gentilly 2 ont été annulés alors que les BAPE avaient eu lieu, que les décrets étaient signés et que les pièces étaient même commandées. Il n'est jamais trop tard pour bien faire, d'autant plus que l'arrêt de ce projet de privatisation de nos transports publics devrait nous épargner facilement 400 millions $ par année.

Nous souhaitons vivement que les élus du Québec ainsi que toute la société québécoise mettent les préjugés de côté pour regarder de près le projet «Grand Déblocage». Nous considérons, en fait, que c'est la seule chose responsable à faire.

Signataires:

Maxime Arnoldi, Sauvons l'Anse-à-l'Orme

Patrick Barnard, Coalition verte

André Bélisle, président, Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA)

Rejean Benoit, Tramworld

Jean-François Boivert, Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, RQSV

Denis Bolduc, président, SCFP

Matthew Chapman, Coalition Climat Montréal

Carole Dupuis, coordonnatrice générale et porte-parole, Regroupement vigilance hydrocarbures Québec (RVHQ)

David Eaves, citoyen de Laval

Joseph El-Khouri, Sud-Ouest, Jardins sans frontières

Luc Gagnon, Laval, ÉTS

Alison Hackney, Senneville, Trainsparence

Laurent Howe, porte-parole, Trainsparence

Georges Karpat, Montréal

Robert Laplante, IREC

Jean-François Lefebvre, Lachine, chargé de cours en planification des transports à l'UQAM

Kate Luthi, Lachine, vice-présidente, Imagine Lachine-Est

Lucie Massé, Oka

Lisa Mintz, CDN-NDG, Sauvons la falaise!

Tom Schwalb, Montréal

Dominique Neuman, Stratégies Énergétiques (S.É.)

Laurel Thompson, Trainsparence et Leap

Alex Turcotte, Lachine, Pour un meilleur projet