(Ottawa) La pandémie a compliqué l’évaluation des conditions du marché du travail et des pressions inflationnistes, engendrant une incertitude supplémentaire quant au moment où l’inflation reviendra à son objectif de 2,0 %, a souligné mardi un sous-gouverneur de la Banque du Canada.

Le pays a récupéré les trois millions d’emplois perdus au début de la pandémie, mais des faiblesses subsistent dans les secteurs où la distanciation est difficile, comme le commerce de détail, et le taux de chômage de longue durée se trouve à un niveau élevé.

Dans le texte d’un discours prononcé mardi devant l’Association canadienne de science économique des affaires, le sous-gouverneur Lawrence Schembri a expliqué qu’il restait encore du chemin à parcourir avant que le marché du travail n’atteigne sa capacité maximale, et que certaines incertitudes subsistaient.

Le sous-gouverneur a rappelé que l’objectif de la banque centrale était de soutenir une forte croissance de l’emploi et de la production tout en maintenant l’inflation à un niveau bas, stable et prévisible.

Cependant, cet objectif est devenu plus difficile en raison de la façon dont la pandémie a accéléré les changements sur le marché du travail, tels que le vieillissement de la main-d’œuvre et la numérisation du travail, a expliqué M. Schembri.

Il a en outre souligné que le resserrement du marché du travail provoquait probablement plus de pressions inflationnistes qu’on ne l’avait d’abord cru.

« Il nous incombe de relever les défis que posent ces incertitudes entourant le marché du travail, a-t-il affirmé. Les Canadiens comptent sur nous pour continuer d’innover et de renforcer notre conduite de la politique monétaire. Et c’est ce que nous faisons. »

Inflation toujours élevée

Le discours offre une fenêtre supplémentaire sur la réflexion de la banque centrale quant au moment où elle pourrait augmenter son taux d’intérêt directeur et la vitesse à laquelle elle devrait alors procéder.

L’inflation annuelle a atteint en septembre un sommet en 18 ans, l’indice des prix à la consommation ayant enregistré une augmentation de 4,4 % d’une année à l’autre. Les prix ont grimpé notamment en raison des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement, des hausses des prix de l’essence et des comparaisons avec les prix plus bas observés il y a un an.

Bon nombre de ces problèmes ne se sont pas dissipés en octobre.

L’économiste en chef de la Banque de Montréal, Douglas Porter, a indiqué s’attendre à ce que l’inflation annuelle atteigne 4,7 % en octobre, ce qui témoignerait de la croissance des prix la plus rapide depuis 1991. Statistique Canada doit publier mercredi matin les données d’octobre.

La banque centrale est mandatée pour maintenir l’inflation le plus près possible du point médian de 2,0 % de sa fourchette cible, mais son cadre de conduite, qui oriente ses travaux, doit être renouvelé par le gouvernement fédéral dans les semaines à venir.

Les nouvelles orientations de ses politiques pourraient inclure un double mandat qui porterait tant sur les niveaux d’emploi que sur l’inflation. Les conservateurs ont demandé au gouvernement libéral de ne pas alourdir les mandats de la banque centrale.

L’économiste en chef de la Banque CIBC, Avery Shenfeld, a écrit dans une analyse récente qu’il s’attendait à ce qu’un libellé plus spécifique relie le maintien de l’inflation à sa cible et le plein emploi.

Pour atteindre le plein emploi, la Banque du Canada pourrait vouloir augmenter lentement les taux pour laisser le taux de chômage diminuer, a écrit M. Shenfeld. Le sous-gouverneur Schembri a pour sa part indiqué lors de son discours que l’atteinte du plein emploi ne se traduisait pas nécessairement par l’absence de chômage, mais plutôt par la résorption de l’écart de production.

La Banque du Canada a indiqué qu’elle s’attendait à commencer à hausser son taux d’intérêt directeur au deuxième trimestre de 2022. M. Schembri a pour sa part noté mardi qu’une hausse pourrait avoir lieu à l’importe quel moment entre avril et septembre, en raison de l’incertitude persistante quant au moment où l’économie sera prête à absorber des taux plus élevés.

L’économiste Sri Thanabalasingam, de la Banque TD, a pour sa part indiqué que le discours de M. Schembri appuyait les récents commentaires de la banque sur l’incertitude de ses propres perspectives, suggérant « une banque centrale plus dynamique » qui « s’adaptera aux chocs inattendus de son récit » sur l’économie.