Comme dans bien des organisations parapubliques, l’informatique a causé des maux de tête à Garantie de construction résidentielle. Incapable d’obtenir le logiciel sur mesure satisfaisant, l’organisme a dû se résoudre à conclure une série de contrats sans appel d’offres dans l’urgence. La saga a coûté 6,4 millions jusqu’à maintenant.

À sa création, l’organisme a d’abord racheté le logiciel qu’utilisait l’ancien plan de l’Association de la construction du Québec pour 755 000 $, en gré à gré. Mais Garantie de construction résidentielle (GCR) s’est rapidement aperçu qu’il n’était pas à la hauteur. Son nouveau système de cotes de qualité pour les entrepreneurs exigeait un programme informatique beaucoup plus performant.

« Très rapidement, on a demandé à la firme qui avait créé le logiciel, Logient, de l’adapter », explique le PDG de GCR, Daniel Laplante. Le contrat renouvelable avec cette entreprise, toujours accordé sans appel d’offres en vertu d’une clause d’urgence, aura coûté 2,3 millions sur 31 mois.

Mais les choses ne se sont pas arrangées, raconte le patron de GCR. « Après des mois de non-résultat, on a décidé de lui recommander une espèce d’entreprise de coaching pour l’aider à atteindre ses objectifs. »

Le coach en question, Développement Logiciel Bee inc., appartient notamment à Carl Létourneau, un contact de la vice-présidente aux finances et à l’administration de GCR, Josée Boisvert, qui l’a connu alors qu’ils étaient tous les deux consultants pour une autre organisation.

Malgré l’aide de Bee, Logient a continué d’éprouver des difficultés, selon le PDG. Fin 2016, une mise à jour a notamment causé un bogue informatique qui aurait refroidi GCR. « On s’est rendu compte à un moment donné qu’en termes de délais, on n’y arrivait pas. Alors tout notre programme d’inspection était sérieusement en danger. »

Un contrat en urgence

GCR a donc invoqué l’urgence une fois de plus pour attribuer un nouveau contrat renouvelable sans appel d’offres, cette fois directement à Bee, qui a donc complètement remplacé Logient. L’entente a coûté 3,3 millions jusqu’à maintenant.

« L’entreprise connaissait déjà le code, elle connaissait déjà l’analyse d’affaires de GCR et ils ont livré la marchandise en temps voulu. On a eu chaud, mais on l’a eu, puis les coûts horaires ont diminué », assure Daniel Laplante.

La situation est loin d’être idéale, reconnaît-il. « J’avais une décision à prendre », dit le gestionnaire. Selon lui, faire un appel d’offres aurait pu prendre un an. Du temps qu’il n’avait pas.

Là, à un moment donné, comme PDG, il faut que tu mettes tes culottes, et c’est ça que j’ai fait. Je sais que je me mets à risque de critiques, mais j’aime mieux me faire dire ça aujourd’hui.

Daniel Laplante

Daniel Laplante assure que s’il n’avait pas pris cette décision, c’était l’échec assuré. « On n’aurait pas été capables de livrer et on m’aurait sacré à la porte. »

Ce n’est toutefois pas l’avis du président de Logient, Vincent Godcharles. Il raconte qu’en mai 2017, GCR a mis fin à son contrat sans explication. « On n’a pas de raison connue », dit-il.

Comme GCR avait respecté l’avis de 30 jours prévu dans les clauses de son entente, l’entreprise s’est contentée de plier bagage. Mais Vincent Godcharles assure que GCR ne lui avait jamais signifié avant que ses services ne lui convenaient pas. « À mon avis, la qualité était au rendez-vous. »

Plus de 6 millions de dollars plus tard, Daniel Laplante assume. « Une nouvelle organisation qui se retrouve en situation d’urgence, ce n’est pas exceptionnel, mais il faut agir en conséquence. »

GCR assure également que le cabinet Raymond Chabot Grant Thornton, qui a préparé son plan d’affaires en 2014, prévoyait qu’elle dépenserait encore plus en informatique, soit plus de 10 millions de dollars.

Le président de Bee, Carl Létourneau, n’a pas souhaité commenter la situation.

Avec la collaboration de Marie-Eve Fournier, La Presse