D’ici la fin de 2022, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) se sera départie de tous ses investissements dans les sociétés de production pétrolière, soit une participation de près de 4 milliards. Cette somme équivaut à environ 1 % de son portefeuille.

Cette décision sera l’élément le plus tangible d’une série de gestes faits par la CDPQ pour réduire son exposition aux énergies fossiles, une longue liste de mesures que dévoilera le président Charles Emond mardi en conférence de presse, a appris La Presse.

Pour réaliser cet engagement, la Caisse doit notamment se départir de 19 millions d’actions de Suncor, d’une valeur actuelle de 404 millions. Les 1,9 million d’actions d’Exxon qu’elle détient, selon son dernier rapport annuel, valent environ 100 millions. Tous ces investissements dans la production pétrolière totalisent 1 % des 390 milliards du portefeuille de la CDPQ.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Charles Emond, PDG de la Caisse de dépôt et placement du Québec

On ne vise pour le moment que la production pétrolière. Charles Emond aura une position plus nuancée en ce qui touche la production gazière, ainsi que les investissements dans le transport d’hydrocarbure, par exemple Enbridge, TC Énergie (auparavant TransCanada) et Kinder Morgan.

La réaction risque d’être vive dans l’ouest du pays, en Alberta surtout, où l’industrie pétrolière et l’ensemble de l’économie sont mal en point. Les principaux déposants de la Caisse ont déjà été informés de ces intentions.

La COP26 à l’horizon

Bien des gouvernements et des organismes pressent le pas pour arriver avec des annonces vertes avant la réunion de la COP26 qui aura lieu à Glasgow, en Écosse, du 31 octobre au 12 novembre. Selon les sources de La Presse, on était contrarié au gouvernement d’apprendre que la Caisse annoncerait sa décision après que la cheffe du PLQ, Dominique Anglade, eut promis qu’un gouvernement libéral forcerait la CDPQ à se départir de tous ses investissements dans les hydrocarbures, en production, mais aussi en raffinage et en transport.

La Presse a écrit la semaine dernière que le gouvernement Legault allait, dans cet esprit, annoncer cet automne qu’il mettait fin à tous les projets d’exploration pétrolière ou gazière sur son territoire – aucun gisement n’est exploité après 35 ans de tentatives. Là encore, Québec solidaire avait paru devancer le gouvernement, réclamant publiquement un tel virage il y a un mois.

Partout au pays, les fonds de retraite tendent à se départir des investissements dans les secteurs sources d’émissions de gaz à effet de serre, tant le discours sur l’environnement a pris le pas sur l’ensemble des autres enjeux.

Avec son annonce de mardi, la CDPQ soutiendra avoir pris, sur ces questions, les devants sur tous les fonds comparables au pays.

À la mi-septembre, par exemple, le fonds de retraite Ontario Teachers’ annonçait une accélération de sa marche vers la réduction des émissions, avec une réduction de 45 % de ce portefeuille d’ici 2025 et de 67 % d’ici 2030. Le fonds se propose d’atteindre la carboneutralité en 2050.

La Caisse presse le pas

La Caisse s’est déjà engagée en 2017 à une réduction de ses investissements dans les secteurs sources d’émissions de 25 % avant 2025. Déjà, le 31 décembre 2020, elle en était à 38 % par rapport aux données de 2017. Il s’agit d’une mesure qui tient compte de l’ensemble des émissions des sociétés, dont le transport, l’industrie minière ou manufacturière. Dans son plus récent rapport annuel, la CDPQ s’était engagée à renouveler sa cible pour l’« intensité carbone » par dollar investi pour 2025, pour l’ensemble de ses actifs. La Caisse soulignera aussi ses 36 milliards d’investissements dans des sociétés « sobres en carbone ».

Consciente qu’elle était déjà avancée dans l’atteinte des cibles de 2017, la Caisse a décidé de présenter une « accélération » des mesures, une annonce qui tombe à point nommé avant la conférence de Glasgow.

Depuis nombre d’années, une coalition « Sortons la Caisse du carbone » réclame publiquement que la CDPQ liquide ses investissements dans le pétrole et le gaz. Pour le groupe de pression, ces placements étaient déjà déficitaires dans la dernière décennie, mais ils ont connu leur pire année en 2020. Le groupe estime que la Caisse a perdu près de 32 % dans ses 50 principaux investissements boursiers de ce secteur, une perte de rendement de 4,2 milliards.