Le gouvernement de Justin Trudeau a annoncé vendredi qu’il imposerait la vaccination contre la COVID-19 à tous ses fonctionnaires et a exhorté les industries de compétence fédérale et les sociétés d’État à faire de même. Si divers syndicats, associations et entreprises se réjouissent d’une telle mesure, ils demandent plus de précisions, afin de ne pas faire de faux pas légal.

« La sécurité est une valeur fondamentale au CN, et cela inclut la santé de notre personnel, de nos clients et des collectivités dans lesquelles nous menons nos activités, a notamment fait savoir le CN. Nous soutenons les décisions du gouvernement fédéral relativement à la vaccination contre COVID-19 et nous nous conformerons aux règles en vigueur. »

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada accueille favorablement la vaccination obligatoire des employés de l’aviation, mais dit examiner les détails de l’annonce pour bien comprendre les obligations imposées à son industrie. « Nous restons engagés à travailler avec le gouvernement fédéral, nos syndicats et groupes d’employés respectifs pour la mise en œuvre de la nouvelle politique gouvernementale de vaccination obligatoire des employés des compagnies aériennes », a-t-il écrit dans un communiqué.

Nous chercherons également à obtenir des détails et des clarifications supplémentaires auprès du gouvernement concernant les nouvelles exigences en matière de vaccination pour les voyages aériens intérieurs.

Le Conseil national des lignes aériennes du Canada, dans un communiqué

L’aspect juridique peut causer un souci dans un tel dossier, alors que des arguments de droit à l’intégrité de la personne et droit à la sécurité peuvent être invoqués. « Lorsqu’un employeur impose ses obligations, la très forte majorité des gens obtempèrent », dit toutefois André Sasseville, avocat en droit du travail et de l’emploi et associé de la firme Langlois Avocats. « Il faut se demander qui seraient les contestataires et ce qu’on fera. »

« Un message très fort »

« L’invitation aux entreprises est lancée, estime Éric Lallier, avocat en droit du travail et associé de Norton Rose Fulbright Canada. La pression sera forte. Le gouvernement Trudeau se positionne comme leader de cette mesure contraignante. Il prépare la voie. C’est un message très fort. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Éric Lallier, avocat en droit du travail et associé de Norton Rose Fulbright Canada

Combien de PME seront inspirées par son message de vaccination ? « Est-ce que ça peut être pris comme une invitation pour les entreprises québécoises à l’[imposer] ? Oui, analyse MLallier. Les entreprises s’inspirent de ce que les instances gouvernementales disent. On sentait déjà qu’elles y pensaient sérieusement, car elles veulent éviter de retourner en arrière. Mais sur le plan de la légalité, il y a des écueils, de grands droits individuels et collectifs, des questions de vie privée en jeu. Ça restera une question à trancher devant les tribunaux. »

Depuis le début d’août, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) sonde ses membres sur l’imposition d’un passeport vaccinal pour leurs employés en milieu de travail, par exemple. Environ 47 % y sont favorables, 40 % ne le sont pas et 12 % sont indécises. « On avertit nos membres de ne pas l’imposer à leurs employés, à moins que le fédéral ne dise de le faire et qu’elles ne feront pas face à des poursuites, qu’il n’y aura pas d’impact juridique », explique François Vincent, vice-président Québec de la FCEI.

PHOTO FOURNIE PAR LA FÉDÉRATION CANADIENNE DE L’ENTREPRISE INDÉPENDANTE

François Vincent, vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

On encourage la vaccination, mais on ne peut l’imposer. Les PME sont encore extrêmement fragiles.

François Vincent, vice-président Québec de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

Seulement 35 % ont retrouvé leurs revenus d’avant la pandémie, selon la FCEI. Elles estiment qu’une poursuite pourrait les mettre en faillite. « D’un autre côté, elles ne veulent pas avoir d’employés stressés, dit François Vincent. Elles se trouvent en zone grise. Elles sont aussi dans le brouillard quant à l’impact qu’une telle décision peut avoir. Près de 70 % des PME ont moins de 10 employés, ne sont pas spécialistes en droit du travail, n’ont pas de département de ressources humaines pour les guider. Ça prend des précisions. »

Avec la collaboration de Julien Arsenault, La Presse