(Paris) C’est officiel : le prix du mètre carré à Paris dépasse désormais 10 000 euros (14 500$ CAD) en moyenne, après dix ans de flambée des prix de l’immobilier dans la capitale, devenue uniquement accessible aux plus aisés.

« Aujourd’hui, pour acheter à Paris, il faut être un couple CSP “ », c’est-à-dire appartenant aux catégories socioprofessionnelles les plus favorisées, qui représentent 86 % des acquéreurs de logements anciens, analyse pour l’AFP Thierry Delesalle, porte-parole de la chambre des notaires de la capitale française. Paris se vide de ses classes moyennes, de ses familles, des écoles ferment…

La « barre » des 10 000 euros le mètre carré « a été atteinte au mois d’août », a annoncé jeudi ce notaire, en présentant des chiffres trimestriels en partie établis avec l’Institut national des statistiques (Insee).

Et la hausse devrait se poursuivre : d’ici à la fin octobre, les notaires - qui établissent des estimations sur la base de leurs « avant-contrats » - s’attendent à un prix moyen de 10 280 euros.

Une tendance unique à Paris : sur dix ans, les prix n’ont gagné que 10 % sur l’ensemble du territoire et qu’un peu moins de 30 % dans les 10 autres principales métropoles françaises, contre 60 % à Paris,  selon le site Meilleurs Agents qui compile des données recueillies auprès d’agents immobiliers français.

La maire socialiste Anne Hidalgo, qui avait fait de la capacité à se loger une priorité de son mandat, n’a pas réussi à enrayer le phénomène, malgré une kyrielle de mesures : développement des logements sociaux, encadrement des loyers, limitation des nuitées AirBnb… Le logement reste rare et cher à Paris, nourrissant déjà les débats de la campagne des municipales de 2020 et les critiques de ses adversaires.

Le volontarisme en matière de logement social est l’un des deux grands axes de la politique immobilière de la ville de Paris, avec la régulation des prix dans le privé et l’emblématique retour du plafonnement des loyers. Elle s’enorgueillit aussi de vrais succès en matière de réhabilitation d’habitats insalubres.

Mais pour M. Delesalle, « la seule explication » à la flambée des prix, c’est justement « que le parc (privé) diminue d’année en année au profit du logement social ».

Par conséquent, ce parc privé est particulièrement recherché par des investisseurs – 70 % des logements parisiens sont loués – tandis que les particuliers voulant acheter pour se loger se déportent vers la petite couronne (banlieue proche). Le marché est ainsi « archidynamique » dans les départements limitrophes des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, selon les professionnels.

Paris « hors-sol »

Coralie a suivi ce chemin : jeune ingénieure comme son compagnon, elle a visité une trentaine d’appartements dans le nord et l’est de Paris en 18 mois, parfois insalubres, avant de jeter l’éponge. Et d’avoir rapidement un « coup de cœur » pour un 60 m2 à 360 000 euros dans les Hauts-de-Seine.

À Paris, « avec 400 000 euros, on avait 35-40 m2 », quel que soit l’état du bien, dit en soupirant la jeune femme.

Bien plus que dans les autres grandes villes, les prix à Paris sont déconnectés du niveau de vie des habitants : leur revenu médian ne permet guère d’acheter plus que 20 mètres carrés, selon les calculs de Meilleurs Agents.

« À Paris, c’est complètement hors-sol », dit en soupirant Martha, 26 ans, qui entame sa recherche. « On a l’impression de se faire arnaquer, on se sent contraint et forcé de quitter Paris », enrage-t-elle. « Avant, pour moi, c’était inconcevable d’aller en banlieue. Maintenant, je préfère avoir plus grand et plus loin pour moins cher. »

« La demande explose, on ne parle plus d’arrondissements populaires », reconnaît Yann Jéhanno, président du réseau d’agences immobilières Laforêt, interrogé par l’AFP. « De plus en plus, les Européens peinent à s’offrir leur résidence principale dans leur capitale. »

En 1998, 15 % des acquéreurs de logements anciens étaient des employés et des ouvriers. En 2018, ils n’étaient plus de 5 %.

Un fossé « se creuse, c’est l’évolution des sociétés occidentales », renchérit Richard Tzipine, directeur général de l’agence immobilière de luxe Barnes.