Un premier «Viagra» féminin pourrait faire son entrée sur le marché américain pour les femmes non ménopausées souffrant d'un manque de désir sexuel, après une recommandation jeudi par un comité d'experts de l'Agence américaine des médicaments (FDA) en faveur de la vente du Flibanserin.

La FDA, qui a rejeté à deux reprises ce médicament en 2010 et 2013, n'est pas tenue de suivre les recommandations de ces experts mais les entérine le plus souvent.

Les experts ont voté par 18 voix contre six en faveur de la commercialisation de ce médicament, déclenchant des applaudissements dans la salle de réunion, qui était publique.

Mais ils ont demandé que ce feu vert soit donné seulement à condition que son fabricant, Sprout Pharmaceuticals, mette en place des procédures pour s'assurer que les utilisatrices soient pleinement conscientes de ses risques, comme la somnolence, les évanouissements et les chutes de tension artérielle.

Après le premier refus du Flibanserin, son développeur, le laboratoire allemand Boehringer Ingelheim, l'avait vendu à la firme américaine Sprout.

Tenant compte des insuffisances relevées par la FDA, Sprout avait présenté une nouvelle demande en 2013, accueillie par un nouveau refus. L'Agence avait noté que la faible différence d'efficacité avec le placebo ne justifiait pas les risques encourus.

Pour cette troisième tentative, Sprout Pharmaceuticals a présenté de nouvelles données, dont une étude montrant que ce médicament n'affectait pas la capacité des femmes à conduire un véhicule.

Il restait cependant à savoir si le comité d'experts allait accepter d'interpréter les résultats des essais cliniques.

Selon un des essais cliniques, les femmes sous Flibanserin ont indiqué avoir eu en moyenne 4,4 expériences sexuelles satisfaisantes en un mois, contre 3,7 dans le groupe sous placebo et 2,7 avant le début de l'étude.

Jeudi, la docteure Catherine Sewell de la FDA a jugé que ces résultats cliniques montraient «une petite efficacité mais statistiquement significative».

En revanche, elle n'a relevé aucune différence avec le placebo pour accroître le désir sexuel, rejoignant les conclusions étalies en 2010 et 2013.

«Effet modeste»

Les essais cliniques menés pendant 24 mois aux États-Unis et au Canada ont porté sur 1323 femmes, la plupart mariées, d'un niveau élevé de formation et, hormis leur libido chancelante, en bonne santé.

«La FDA reconnaît depuis longtemps que des femmes avec une diminution du désir sexuel peuvent souffrir d'angoisse et bénéficieraient d'un traitement sûr et efficace», soulignait dans une note peu avant cette réunion Hylton Joffe, directeur du comité consultatif de l'Agence. «Ce syndrome tombe clairement dans la catégorie des besoins médicaux non satisfaits», ajoutait-il.

Selon plusieurs études médicales, au moins 40% des femmes non ménopausées présenteraient à différents degrés une hypoactivité sexuelle, qui ne résulte d'aucun problème biologique, psychologique ou d'une interaction de médicaments.

Défendant les vertus du Flibanserin, Cindy Whitehead, PDG de Sprout Pharmaceuticals, a déclaré avant la réunion des experts que ce médicament «ne provoque pas une hypersexualité, les femmes  ne deviennent pas instantanément dévorées de désir en le prenant».

«Nous cherchons à restaurer une activité sexuelle normale et nous sommes persuadés que l'effet modeste du Flibanserin est significatif», ajoutait-elle.

Parmi les détracteurs, Cindy Pearson, responsable de l'association National Women's Health Network, a qualifié jeudi ces résultats de «légers» qui rendent incertains l'efficacité clinique de ce traitement.

Dans une intervention devant le comité, elle a jugé les données «préoccupantes quant à la sûreté de ce médicament» et de ses interactions avec notamment l'alcool.

Cette recommandation pour le Flibanserin intervient après des mois d'un «lobbyisme» intensif de Sprout.

Le Flibanserin avait suscité une polémique, différents groupes féministes s'affrontant à coup de pétitions.

L'une d'elles, lancée par le groupe Even the Score, accusait la FDA de sexisme en rejetant l'approbation à deux reprises du Flibanserin, rappelant que le Viagra est commercialisé depuis 1998 pour soigner les dysfonctionnements sexuels masculins.

La FDA a vigoureusement rejeté ces accusations.

Parmi les opposantes à ce Viagra pour femmes, la «New View Campaign» menée par la psychologue et thérapeute Leonore Tiefer de l'Université de New York, accuse les groupes pharmaceutiques de «médicaliser le sexe» pour gagner de l'argent.

Les propriétés aphrodisiaques de cette molécule ont été découvertes accidentellement alors qu'elle était testée comme un antidépresseur qui a échoué. À l'instar du Viagra, qui était à la base destiné à être un médicament pour le coeur.

Les antidépresseurs sont connus pour réduire temporairement l'appétit sexuel pendant les périodes de stress.