(Québec) Insatisfaits des mesures annoncées par le ministre Lionel Carmant, les maires s’en remettent à son collègue des Finances, Eric Girard, pour débloquer des fonds importants et s’attaquer à la crise de l’itinérance. Ils réclament par ailleurs l’implication de l’ensemble du Conseil des ministres.

« Je répète souvent que dans les 10 derniers jours, le message que nous avons apprécié le plus est assurément celui du ministre Girard », a lancé d’emblée le président de l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et maire de Varennes, Martin Damphousse, s’adressant aux médias lors d’une conférence de presse clôturant le Sommet municipal sur l’itinérance, vendredi à Québec.

Lors de sa présentation devant un parterre de maires et mairesses des villes du Québec, M. Damphousse a cité à nouveau le ministre des Finances, évoquant un « ministre influent » du gouvernement Legault.

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Martin Damphousse, président de l’Union des municipalités du Québec

Il l’a dit clairement, le gouvernement, dans le cadre de sa mise à jour économique, devra rajouter des sommes en adaptation au changement climatique, en logement et en itinérance.

Martin Damphousse, président de l’Union des municipalités du Québec

M. Damphousse reprenait alors les intentions du ministre Eric Girard révélées lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse la semaine dernière. Les maires réclament d’ailleurs une rencontre au sommet avec le ministre des Finances avant la présentation de sa mise à jour économique attendue en novembre. Ils demandent aussi la création d’un comité interministériel sur l’itinérance. Ils n’ont pas chiffré leurs demandes globales, vendredi.

Les maires ont salué l’aide spéciale de 15,5 millions débloquée jeudi par le ministre Carmant, mais ils restent sur leur faim. « On a besoin de plus, on est insatiables », a fait valoir le maire de Québec, Bruno Marchand.

Il ne faut pas y voir là un désaveu envers le ministre responsable des Services sociaux, a assuré M. Damphousse. Le ministre Lionel Carmant dit avoir « très bien » reçu les commentaires du président de l’UMQ.

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Le ministre Lionel Carmant dit avoir « très bien » reçu les commentaires du président de l’UMQ.

Probablement que si on voit le besoin d’argent comme étant une chose importante, [M. Girard] est plus influent que moi. Mais si on veut avoir les idées, moi je pense que je suis aussi influent.

Lionel Carmant, ministre responsable des Services sociaux

Après la confrontation, le ton était davantage à la collaboration vendredi. L’accueil réservé à M. Carmant a été poli, ce qui contrastait avec l’ambiance du Sommet municipal sur la fiscalité, organisé la semaine dernière à Montréal. Le ministre a prononcé une allocution d’ouverture d’une dizaine de minutes. Il a tendu la main aux villes et a reconnu que son gouvernement devait en faire plus.

« Je [vous ai] entendus dire depuis hier que les dernières sommes […] annoncées, ce n’est pas assez, que c’est un bandage. J’en suis bien conscient », a reconnu le ministre Lionel Carmant. « Les sommes annoncées répondent à un besoin urgent seulement [alors] qu’il faut s’attaquer de front aux causes de l’itinérance », a-t-il ajouté. M. Carmant a par ailleurs annoncé que le prochain dénombrement aura lieu en 2024.

Tout le monde à la table

« [Pour l’itinérance], il n’y a pas une solution qui va venir seulement d’un seul homme, d’un ministre », a expliqué la mairesse Valérie Plante. « Dans ce comité-là, oui, on veut M. Carmant, oui, [la ministre de l’Habitation] Mme Duranceau, mais on veut aussi le ministre des Finances, du Trésor, on veut M. Fitzgibbon, on veut le premier ministre », a-t-elle ajouté.

Ça fait du bien d’être entendu par le ministre Carmant. Mais là, ce qu’on veut, c’est que ça aille encore plus loin, que l’ensemble du gouvernement prenne ça à bras-le-corps pour trouver de vraies solutions.

Valérie Plante, mairesse de Montréal

Le ministre Lionel Carmant a expliqué vendredi que ce type de comité existait déjà au sein de son ministère alors qu’il travaille de concert avec la ministre responsable des Aînés, sa collègue à l’Habitation et au besoin avec le ministre de la Sécurité publique, notamment. Il s’est dit disposé à se réunir plus souvent avec ses collègues. « Je suis motivé, extrêmement motivé à améliorer la situation », a-t-il plaidé.

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Le maire de Québec, Bruno Marchand

L’absence de la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, a par ailleurs été déplorée par le maire Bruno Marchand, qui a été questionné sur le sujet. « Je ne peux pas vous dire si elle a été invitée ou pas. Tous les ministres étaient bienvenus. Je pense que ça fait six mois que ça s’organise, les gens sont au courant. Si elle avait voulu être là, elle aurait pu être là. On aurait déroulé le tapis rouge », a-t-il lancé.

Le pot à Trudeau

Le président de l’UMQ a décoché une flèche au premier ministre Justin Trudeau, qui a lancé la balle dans la cour des villes, mercredi, alors qu’il était invité à justifier la lenteur du déploiement d’un fonds fédéral voué à la construction rapide de logements. « On est en attente. On a les mains liées parce que nous dépendons d’une entente entre Québec et le fédéral », a déploré M. Damphousse.

Ottawa et Québec doivent s’entendre pour toucher les sommes du Fonds fédéral pour l’accélération de la construction de logement. Québec devrait toucher 900 millions.

Le ministre fédéral et député de Québec Jean-Yves Duclos a participé vendredi au sommet. Dans une déclaration transmise par son cabinet, on indique que « les négociations se poursuivent pour débloquer la somme dédiée au logement qui changera des vies, et nous sommes impatients que cela se concrétise ».

Le « droit de s’indigner »

Dans un discours senti à ses vis-à-vis des autres villes, Bruno Marchand a appelé la classe politique à être « en colère » devant la crise de l’itinérance. Sa sortie faisait écho à la charge frontale menée la semaine dernière par sa collègue de Gatineau, France Bélisle. Vendredi, celle-ci a réitéré que « dans une société saine, on a encore le droit de s’indigner ».

« Je pense que quand on a le privilège d’avoir une tribune publique, ça vient avec une responsabilité de dire, même si parfois ça ne plaît pas. Et l’engouement qu’on voit aujourd’hui confirme qu’on a mis une lumière sur un dossier difficile », a-t-elle exprimé.