(Ottawa) Le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre est prêt à proposer au gouvernement libéral une liste de Canadiens pour diriger une commission d’enquête publique indépendante sur l’ingérence étrangère. Mais avant de soumettre une telle liste, M. Poilievre tient à avoir la confirmation de la part de Justin Trudeau qu’il lancera une enquête.

Le chef conservateur a envoyé une lettre lundi au ministre des Affaires intergouvernementales, Dominic LeBlanc, dans laquelle il explicite la position de son parti.

« Comme nous l’avons dit, le premier ministre doit d’abord accepter d’ouvrir une enquête indépendante et publique en vertu de la Loi sur les enquêtes », a écrit M. Poilievre dans sa missive au ministre.

« Une fois que le premier ministre aura donné son accord, nous vous fournirons une courte liste de noms pour diriger l’enquête et nous travaillerons avec tous les partis d’opposition pour nous assurer qu’ils soient acceptables pour tous les partis. Nous soumettrons également une proposition de mandat et un cadre de référence dans les 48 heures suivant la confirmation par le premier ministre de la tenue d’une enquête indépendante et publique », a-t-il ajouté.

M. Poilievre a conclu sa lettre en affirmant que le gouvernement Trudeau doit « agir rapidement » tandis que la session parlementaire doit prendre fin cette semaine avant une pause estivale de trois mois.

« Notre démocratie est trop importante pour que cela attende ».

Dans les jours suivant la démission du rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère, David Johnston, le 9 juin, le chef du Bloc québécois Yves-François Blanchet a également envoyé une lettre au ministre LeBlanc dans laquelle il a proposé une brochette de noms pour diriger une enquête publique.

Selon le Bloc québécois, le gouvernement Trudeau pourrait confier ce mandat à Louise Arbour, ancienne juge de la Cour suprême du Canada, à Louise Otis, présentement juge au tribunal de l’OCDE, à Irwin Cotler, ancien ministre de la Justice dans le gouvernement de Paul Martin, ou encore à Guy Saint-Jacques, ancien ambassadeur du Canada en Chine.

Le chef bloquiste avait aussi avancé l’idée de nommer des commissaires adjoints. Il avait évoqué le nom de Jean-Pierre Kingsley, ancien directeur général d’Élections Canada.

Aux Communes, la semaine dernière, le premier ministre Justin Trudeau avait pris soin de remercier le Bloc québécois d’avoir soumis « des noms intéressants et raisonnables », disant aussi qu’il était « très ouvert à les regarder ».

Toutefois, le gouvernement libéral n’a pas encore annoncé ses intentions, même si le ministre LeBlanc a indiqué qu’une commission d’enquête faisait partie des options sur la table.

Lundi, le Bloc québécois est revenu à la charge pour réclamer la tenue d’une enquête publique indépendante. « Les travaux parlementaires se terminent vendredi. Il reste quatre dodos au gouvernement pour annoncer une commission d’enquête sur l’ingérence chinoise. En tout respect, il doit justement cesser de faire dodo. Il faut mettre en place une commission d’enquête officielle. […] Cela doit être annoncé d’ici vendredi si on veut que cette commission puisse publier ses conclusions avant les prochaines élections », a notamment affirmé le leader parlementaire du Bloc québécois Alain Therrien.

Avant la réunion de son cabinet, mardi, le premier ministre a dit croire qu’il est possible de s’entendre avec les partis d’opposition sur cette question d’ici la fin de semaine.

« Oui, c’est tout à fait envisageable. Depuis le début, on est ouverts à travailler de façon sérieuse avec les autres partis, avec les experts, sur l’ingérence étrangère. Je continue d’espérer que nous allons pouvoir avancer de façon rigoureuse et coopérative. Malheureusement, on avait vu beaucoup de partisanerie, beaucoup de toxicité autour de cette question, mais c’est trop sérieux pour ne pas prendre au sérieux », a-t-il commenté en mêlée de presse.

Dans son premier rapport remis le 23 mai sur l’ingérence étrangère, David Johnston avait écarté l’option d’une enquête publique indépendante au motif que les audiences devraient avoir lieu en grande partie à huis clos en raison de la nature délicate des renseignements touchant la sécurité nationale.

En lieu et place, il proposait de tenir des audiences publiques pour entendre les membres de la diaspora chinoise qui seraient victimes d’intimidation de la part du régime chinois. Il voulait aussi entendre des experts sur les mesures à prendre pour améliorer la transmission des renseignements secrets entre les agences de renseignements et les divers ministères responsables de la sécurité nationale. Mais ces audiences publiques n’auront pas lieu à la suite de sa démission, qui était d’ailleurs exigée par les partis d’opposition.