« C’est clair » que la cheffe doit partir, plaide l’ex-ministre libérale Nicole Ménard

(Québec) La contestation du leadership de Dominique Anglade se poursuit même si, pour la première fois depuis une semaine, des membres du caucus libéral sont montés au front pour lui réitérer leur appui.

Ministre sous Jean Charest, présidente du caucus sous Philippe Couillard et whip en chef après les élections de 2018, Nicole Ménard soutient que le temps est venu pour Dominique Anglade de quitter son poste.

« C’est clair » à ses yeux qu’elle n’est plus apte à diriger le Parti libéral du Québec (PLQ). « Je trouve ça épouvantable, terrible, ce qui se passe. On ne se reconnaît plus » au parti, affirme Nicole Ménard, qui a été députée de Laporte, en Montérégie, pendant 15 ans avant de quitter la vie politique cette année. L’expulsion de la députée Marie-Claude Nichols est la goutte qui a fait déborder le vase, selon elle.

« C’est une déception, c’est décevant et c’est triste à mourir. C’est un parti dans lequel je me sentais tellement confortable », lâche-t-elle, ajoutant qu’elle ne l’est « définitivement plus ».

Elle souhaite maintenant que Dominique Anglade prenne « la bonne décision ».

Si je m’appelais Dominique Anglade, je saurais quoi faire : je partirais assez vite. Je n’attendrais pas de me faire dire de m’en aller. […] J’éviterais de me faire chasser.

Nicole Ménard, ex-députée de Laporte, en Montérégie

Dominique Anglade dit avoir l’intention de rester en poste et de se soumettre au vote de confiance qui doit avoir lieu au congrès des membres, d’ici un an. Elle souhaite que l’exercice se tienne dans les plus brefs délais, « plus tôt que tard », comme elle le dit.

Une position intenable

Pour l’ex-député Raymond Bernier, qui a siégé pendant une douzaine d’années jusqu’en 2018, Dominique Anglade est en train « un peu de se martyriser » en s’accrochant à son poste.

PHOTO ARCHIVES DU PARTI LIBÉRAL DU QUÉBEC

Raymond Bernier, ex-député de Montmorency, dans la région de la Capitale-Nationale

« Je pense que c’est une personne de bonne volonté, de bonne qualité. J’ai beaucoup d’estime pour elle, mais qu’est-ce que tu veux que je te dise… Il faut que la population soit en arrière d’elle et que, avant toute chose, les militants soient en arrière d’elle. Et ce n’est pas vraiment le cas », soutient M. Bernier, qui a participé à une activité de la cheffe dans la région de Québec au cours de la campagne électorale.

L’ancien élu dans Montmorency croit toutefois que, « même si elle se retire, personne n’est prêt à court terme à prendre la chefferie ».

Par conséquent, « dans le moment, ce n’est pas nécessairement le temps de l’enlever », analyse-t-il.

Est-ce qu’elle peut remonter la côte comme cheffe de l’opposition officielle pour faire face à François Legault ? C’est peut-être ça qu’il faut se poser comme question. Elle se dit que oui, mais je ne sais pas.

Raymond Bernier, ex-député de Montmorency

On peut néanmoins lui donner une nouvelle « chance de démontrer ses capacités », selon lui. « On verra dans six mois ce que ça va donner. S’il ne se passe rien, les militants lors du congrès vont voter et, malheureusement, ce sera ce qui va arriver… »

Ministre sous Jean Charest et Philippe Couillard, Laurent Lessard croit que Dominique Anglade est toujours « capable de faire la job » même si elle a « eu des torts » et qu’elle doit les « admettre ». Laurent Lessard estime que la députée Marie-Claude Nichols n’aurait pas dû être exclue, mais il blâme surtout l’entourage de la cheffe pour la gestion de cette affaire. « Son équipe autour aurait dû régler ça et la cheffe n’avait pas à être exposée comme ça », selon M. Lessard, qui a été député de Frontenac pendant 15 ans.

La défaite électorale historique est difficile à encaisser, mais le parti était déjà « magané » avant l’entrée en poste de Dominique Anglade en 2020 et il n’a pas eu beaucoup d’espace médiatique pendant la pandémie, observe-t-il.

« Quand tu manges une raclée et que tu es l’opposition officielle malgré tout, tu dois t’organiser et préparer la rentrée. C’est à ça que le parti doit se consacrer », ajoute-t-il. « C’est plus facile d’essayer de garder un chef que de s’en trouver un nouveau. Ça ne doit pas frapper aux portes ces temps-ci pour essayer de prendre sa place ! »

De possibles successeurs

La Presse signalait mercredi que d’anciens députés et membres du personnel politique sont à la recherche d’un nouveau chef.

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Les mêmes noms reviennent toujours dans les discussions. L’ancien ministre Pierre Moreau refuse les demandes d’entrevue. Le député André Fortin, qui avait renoncé pour des raisons familiales à se porter candidat lors de la dernière course à la direction, ne rappelle pas.

En privé, des libéraux se mettent à rêver à Sophie Brochu, flairant une occasion avec sa récente menace de démission et son conflit avec le superministre Pierre Fitzgibbon. Le gouvernement Couillard lui avait offert le poste de PDG d’Hydro-Québec dès 2015, des années avant que le gouvernement Legault ne la recrute. Elle avait répondu aux libéraux qu’elle se plaisait dans ses fonctions chez Gaz Métro – alors en pleine transformation pour devenir Énergir – et que le moment n’était donc pas propice.

De son côté, l’ancien ministre et député Pierre Arcand, qui a déjà été chef intérimaire et président du caucus, refuse de se prononcer sur le leadership de Dominique Anglade. Il se limite à constater les dégâts causés par l’affaire Nichols. « Je trouve ça dramatique pour un parti qui pourtant a quand même été important dans les destinées du Québec. C’est vraiment une histoire triste », laisse-t-il tomber.

Des appuis timides et tardifs

Aucun membre du caucus n’était allé au front pour appuyer la cheffe dans les derniers jours. Mais mercredi, deux nouveaux élus lui ont réitéré leur confiance, tout en avouant leur déception face à l’importance que prend la crise qui secoue le parti à quelques semaines de la rentrée parlementaire, le 29 novembre.

En marge d’un point de presse au centre-ville de Montréal, qui portait sur la situation économique au Québec, le porte-parole du parti en matière de finances, Frédéric Beauchemin, et sa collègue en matière d’emploi, Madwa-Nika Cadet, ont été bombardés de questions sur le conflit actuel qui couve au PLQ. « On supporte notre cheffe et on est ici en démonstration du support à notre cheffe », a déclaré M. Beauchemin. S’ils auraient « aimé que toute cette situation se passe autrement », « c’est un peu derrière nous », a soutenu Mme Cadet.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Les nouveaux députés Frédéric Beauchemin et Madwa-Nika Cadet lors d’une mêlée de presse mercredi.

Croisé au parlement, le leader parlementaire Marc Tanguay a affirmé que sa cheffe avait son « entière confiance ». Les journalistes lui ont demandé à de multiples reprises pour quelles raisons il lui fait confiance, sans succès. « Elle a pleinement ma confiance, Mme Anglade. Il n’y a aucun doute dans mon esprit. Comme leader parlementaire, c’est important de préparer la rentrée », a-t-il dit avant de tourner les talons.

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Avec la collaboration de Vincent Larin et de Charles Lecavalier, La Presse