(Québec) Dominique Anglade échoue à ce que des présidents d’association libérale considéraient comme un test de leadership. La députée Marie-Claude Nichols refuse de réintégrer le caucus du Parti libéral du Québec (PLQ). Un épisode qui alimente la grogne et pousse d’anciens députés et membres du personnel politique à rechercher un nouveau chef, a témoigné une source aux racines profondes dans le parti.

Marie-Claude Nichols ne veut pas être « la bouée de sauvetage d’un leadership qui s’égare dans des décisions inexpliquées, irréfléchies et précipitées », a-t-elle écrit dans une lettre qu’elle a envoyée aux députés libéraux mardi et que plusieurs médias, dont La Presse, ont obtenue.

Elle a ainsi rejeté la main que lui avait tendue Mme Anglade lors d’un entretien lundi. La cheffe libérale lui avait alors offert de revenir au caucus, quatre jours après l’en avoir expulsée. Marie-Claude Nichols, qui « demeure libérale » bien que la « blessure soit profonde », refuse de retourner dans un parti dirigé par une cheffe en qui elle n’a « pas entièrement confiance ».

Dans une entrevue à RDI en début de soirée, Mme Nichols est allée plus loin. « Elle ne prend clairement pas les bonnes décisions. […] Dominique n’a plus le leadership pour être à la tête du Parti libéral du Québec. » Sur LCN, elle en a rajouté. « Elle doit quitter et elle doit quitter rapidement parce que c’est du dommage qu’elle est en train de créer au Parti libéral. »

Les probabilités d’un retour de Mme Nichols dans le giron libéral étaient bien minces.

Selon nos informations, la députée s’était confiée à des proches en se disant « humiliée » et « complètement à l’envers », même après sa rencontre avec la cheffe. L’élue dans Vaudreuil depuis 2014 reste donc députée indépendante.

Dominique Anglade dit prendre « acte de sa décision » et affirme que « la porte reste ouverte ».

« Il est maintenant temps pour nous de consacrer nos énergies aux enjeux les plus importants pour les Québécois comme l’économie, la santé et l’éducation, ainsi qu’au début de la session parlementaire qui aura lieu prochainement », le 29 novembre, conclut-elle dans une déclaration écrite. Deux nouveaux députés libéraux sont d’ailleurs envoyés au front pour tenter de changer de sujet : Frédéric Beauchemin et Madwa-Nika Cadet ont convoqué les médias à une conférence de presse ce mercredi à Montréal sur le thème du ralentissement économique et de la pénurie de main-d’œuvre.

« Ça grogne en maudit »

Or Dominique Anglade pourra difficilement tourner la page, selon une source libérale bien branchée. « Ça grogne en maudit. Des gens commencent à chercher un nouveau chef », a témoigné cette source qui a beaucoup d’expérience au sein du parti. Ces « gens » sont d’anciens députés et membres du personnel politique.

Dominique Anglade a reçu un message très clair lors d’une rencontre lundi soir avec les présidents d’association du PLQ : elle devait en priorité réintégrer Mme Nichols. Ils en faisaient même un test de leadership, a confirmé à La Presse le président du conseil régional du Bas-Saint-Laurent, Émilien Nadeau, qui siège au comité exécutif et au comité de direction.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée Marie-Claude Nichols

À la suite du refus de Mme Nichols de revenir au caucus, « Dominique Anglade a elle-même une décision à prendre. Plus vite elle la prendra, mieux ce sera. D’un point de vue humain, c’est mieux de partir que de te faire mettre à la porte », a-t-il ajouté. « Au sein de l’exécutif [du PLQ], […] on est encore derrière Mme Anglade. Est-ce qu’on le sera toujours ? Je ne le sais pas. »

Lors de la rencontre de lundi soir, la cheffe « semblait dire qu’elle allait se rendre » jusqu’au vote de confiance, « mais est-ce qu’elle peut changer d’idée ? », a-t-il dit. Ce vote doit avoir lieu au congrès des membres, qui se tiendra d’ici un an.

Expulsion du caucus

Selon les informations recueillies par La Presse, lors de la rencontre à huis clos, Dominique Anglade a défendu le choix de Frantz Benjamin comme troisième vice-président de l’Assemblée nationale, un poste que convoitait Mme Nichols. Elle a ensuite plaidé que le dossier des transports offert à Mme Nichols, qui l’a refusé, est tout de même très important. C’est ce refus qui lui a valu son expulsion du caucus.

Président dans Chicoutimi, Christian Simard a pris la parole pour dire à Dominique Anglade que l’expulsion était une mesure excessive et que sa décision avait nui au parti. Il faut faire plus d’efforts pour que Marie-Claude Nichols revienne au caucus, a plaidé de son côté Françoise Hogue-Plante, présidente du conseil régional de la Mauricie. Un autre président a affirmé que la cheffe avait mal géré le dossier et que cela n’augurait rien de bon pour la reconstruction du parti, dont les fondations sont maintenant très fragiles. Il a également critiqué le président du caucus, Enrico Ciccone, qui, selon lui, a jeté de l’huile sur le feu avec ses déclarations publiques.

À la tête du conseil régional de la Montérégie-Ouest, où se trouve la circonscription de Vaudreuil, Jean-François Primeau a soutenu que si le parti continue dans ce sens, il risque de perdre les militants qui lui restent. Présidente dans Hull, Noémie Fiset-Tremblay a fait valoir que le parti doit donner un coup de barre, car les militants sont complètement découragés.

Pour un autre président d’association, tant que la maison libérale ne sera pas en ordre, le parti, qui forme l’opposition officielle, n’aura aucune leçon à donner à la Coalition avenir Québec.

Si Patrick Boissonneault, président dans Marquette, a salué le courage de Mme Anglade qui a écouté les récriminations de tous, il a observé que l’aiguille des sondages n’avait pas bougé en faveur du PLQ depuis son arrivée en poste en mai 2020.

Nadine Pierre, présidente dans Viau, a déploré quant à elle que le député de sa circonscription, Frantz Benjamin, soit une victime collatérale dans cette histoire. Elle a accusé les médias d’être responsables de la crise au PLQ.

Or un autre président a répliqué que le parti doit cesser de rejeter la faute sur les journalistes. Si le PLQ se retrouve dans les médias pour les mauvaises raisons, c’est de sa propre faute, a-t-il lancé.

Tout au long de la rencontre virtuelle qui a duré plus d’une heure et demie, le malaise était grand tant les récriminations étaient nombreuses envers la cheffe, ont confirmé des participants.

À la fin de la rencontre, Dominique Anglade a dit prendre acte des commentaires et s’est dite prête à lancer rapidement des chantiers pour régler les problèmes et redresser la situation. De son côté, le nouveau président du parti, Rafaël Primeau-Ferraro, a affirmé l’importance de se recentrer sur les valeurs libérales. Il s’est dit prêt à reconstruire le parti.

Une source consultée par La Presse, qui a beaucoup d’expérience dans le parti et qui a pris part à la rencontre à huis clos, est surprise que son contenu se retrouve sur la place publique. « C’est symptomatique d’un problème profond », rarement vu au PLQ, a laissé tomber cette source.