Des résidants de Saint-Jean-sur-Richelieu demandent que leur service de transport en commun soit branché au Réseau express métropolitain (REM). La décision de la Ville de ne pas connecter ses autobus au nouveau système de train léger est « injustifiée », plaident certains usagers, qui déplorent que ce choix ait été fait au creux de la pandémie de COVID-19.

« Présentement, si je décide de prendre le REM, j’ai trois options : soit je prends plusieurs bus et ça coûte cher puisque rien n’est connecté, soit je passe par Chambly, où ça coûte moins cher et où leur réseau est connecté, soit je prends ma voiture et je stresse avec le stationnement », résume Julie Parent, qui demeure à Saint-Jean-sur-Richelieu, mais qui travaille dans la région de Montréal.

L’administration de la mairesse Andrée Bouchard avait annoncé dès juillet 2022 qu’elle maintiendrait son service actuel d’autobus à destination du centre-ville de Montréal, via le pont Samuel-De Champlain.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

La ligne 96 part du terminus de Saint-Jean-sur-Richelieu.

Actuellement, la ligne 96 part du terminus de Saint-Jean-sur-Richelieu pour arriver à Montréal un peu plus d’une heure plus tard. Or, la ville de 100 000 habitants ne fait pas partie du territoire de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) et n’a donc pas été tenue de se brancher au REM. À court terme, conserver l’autobus sur son trajet normal a été jugé plus avantageux.

PHOTO FOURNIE PAR LE CABINET DE LA MAIRESSE ANDRÉE BOUCHARD

Andrée Bouchard, mairesse de Saint-Jean-sur-Richelieu

Nous, on calcule que la ligne 96, elle dessert très bien nos citoyens, surtout avec la voie réservée qui est toujours là pour le moment. Cela dit, le comportement des citoyens en septembre, à la rentrée, c’est certain que ça va être révélateur.

Andrée Bouchard, mairesse de Saint-Jean-sur-Richelieu

Elle soutient que son choix de ne pas connecter son réseau au REM est surtout basé sur une consultation publique tenue en 2021. À ce moment-là, dit l’élue, « trois éléments » avaient été jugés essentiels par les résidants : le temps, le coût et l’efficience. Et dans le contexte actuel, « les Johannais économisent en temps et en argent avec le maintien du service de la ligne 96 », affirme la Ville.

« La donne a changé »

Pour certains résidants, le raisonnement que fait l’administration municipale est toutefois très partiel et incomplet. « Pour commencer, ils ont fait leur sondage en pleine pandémie et durant l’été ! Depuis, nos employeurs veulent qu’on revienne au bureau, la vie a repris, bref, la donne a complètement changé. Qu’ils refassent un sondage s’ils veulent au moins avoir l’heure juste », plaide Julie Parent à ce sujet.

On veut pouvoir se rendre au REM, c’est aussi simple que ça. La Ville doit intensifier les discussions pour voir s’il y a une possibilité de garder les navettes et se rendre au REM, bref, de nous offrir de vraies solutions.

Julie Parent, résidante de Saint-Jean-sur-Richelieu

Depuis peu, le niveau de service a aussi baissé sur plusieurs trajets de la ligne 96. La mairesse affirme que la diminution d’environ 5 %, surtout attribuable aux trajets super express (SE) vers le centre-ville, est liée à la diminution de l’achalandage par rapport à la période prépandémique.

La fréquence des départs est passée de 10 à 15 minutes aux heures de pointe, plutôt que 5 minutes, pour les lignes 96E et 96S, permettant des économies d’environ 2 millions de dollars.

« Surtout à cause du mode de travail hybride, on n’a jamais réussi à retrouver les seuils d’avant. On a donc dû négocier avec notre transporteur pour optimiser le service », soutient Mme Bouchard, qui promet toutefois de nouveaux « ajustements » en septembre pour repartir à la hausse.

En ligne, la frustration est aussi palpable. « Avec la baisse significative de départs [super express] et le retrait éventuel de la voie réservée pour se rendre à Montréal, où sont les économies de temps et d’argent ? Je ne vois qu’un service réduit, plus lent, et pour le même prix », s’insurge notamment Raphaëlle Bessette.

« Tellement illogique. Saint-Jean-sur-Richelieu sera donc une – sinon la seule – ville de la région à ne pas rerouter ses autobus vers le plus grand projet d’infrastructure depuis les 60 dernières années ! Ça fait dur », évoque quant à lui Jean-François Landry.

« Le retrait de bus en pleine heure de pointe, ce n’était vraiment pas fort comme décision, déjà qu’on n’a pas beaucoup de bus la fin de semaine. […] Franchement, vous devriez fournir un service de navette gratuit jusqu’à la station la plus proche du REM », insiste encore Cynthia Riley.

Des discussions en cours

Andrée Bouchard le concède : une connexion éventuelle avec le REM n’est pas impossible. « On est en discussions avec l’ARTM et eux examinent aussi ce qu’il faudrait mettre en place quand le REM sera déployé différemment. Cela dit, notre déception que ce réseau ne se rende pas ici est claire, surtout quand on voit qu’il se déploie dans des secteurs comme Deux-Montagnes où il y a déjà le train de banlieue », dit-elle.

Ce que ça va prendre pour arriver à se connecter, c’est une bonne entente avec l’ARTM et aussi probablement de l’aide du gouvernement. On est en négociations avec eux.

Andrée Bouchard, mairesse de Saint-Jean-sur-Richelieu

Mme Bouchard affirme avoir interpellé la ministre des Transports, Geneviève Guilbault, au sujet de la situation de Saint-Jean-sur-Richelieu. « Quand je l’ai rencontrée et interpellée sur notre déception, elle m’avait dit qu’elle avait d’autres projets pour le Haut-Richelieu. On est en attente nous aussi de tout ça, donc », conclut-elle.

« Le temps venu et selon nos obligations, nous réévaluerons le trajet optimal pour un équilibre coûts et bénéfices en matière de mobilité durable. Le déploiement total des antennes du REM sera un facteur important dans la décision tout comme les modalités financières », note de son côté la porte-parole de la Ville, Marie-Pier Gagnon.