Le « plus vieux carrousel galopant au monde » vient d’être écarté par La Ronde : hors service, le manège ne fonctionnera pas cet été et le parc d’attractions entame une réflexion sur son avenir, a appris La Presse.

Le Galopant, fabriqué en Belgique en 1885, tourne en rond dans l’île Sainte-Hélène depuis Expo 67, sauf pour quelques années d’entreposage ou de dysfonctionnement. Les chevaux de bois sculptés à la main pourraient toutefois avoir effectué leur dernier tour de piste, au grand dam des défenseurs du patrimoine.

« Il ne fonctionne pas. Il y a trop de pièces qui ne fonctionnent pas et qu’il faudrait faire refaire chacune à la main, donc c’est compliqué », a expliqué la directrice du marketing, Carole Bricault, en entrevue téléphonique. Elle a confirmé que le manège ne s’activera pas de la saison.

Pour la suite, « on va évaluer tout ça, parce que c’est énormément d’entretien », a-t-elle ajouté. « Est-ce qu’on le garde à La Ronde ? Est-ce qu’on le met dans un musée ? On est en train d’évaluer toutes les possibilités. C’est l’un des plus vieux carrousels au monde, alors il faut qu’il soit conservé. Comment ça va se faire ? On ne le sait pas encore. »

Ce n’est pas la première fois que l’avenir de manèges iconiques de La Ronde se retrouve dans l’actualité. En 2017, le parc d’attractions a annoncé la fermeture définitive de La Pitoune, qui datait d’Expo 67. Fin 2022, le démantèlement du minirail faisait aussi couler beaucoup d’encre.

Sur le site internet de La Ronde, Le Galopant a été complètement supprimé de la liste des manèges plutôt qu’identifié – comme d’autres – comme « temporairement fermé ».

Au fil des décennies, Le Galopant a fait sa place dans l’imaginaire des Montréalais. Le générique de l’émission Quelle famille !, au tournant des années 1970, y avait été filmé. En 2022, Postes Canada lui a consacré un timbre.

PHOTO FOURNIE PAR POSTES CANADA

Un timbre de 2022 à l’effigie du Galopant

« Son avenir doit être assuré »

« Je trouve ça inquiétant », a déploré Julie Bélanger, fondatrice d’un groupe voué à la mémoire d’Expo 67. « On n’a pas appris des erreurs du passé. Encore une fois, le manque d’entretien de Six Flags [propriétaire de La Ronde] vient démontrer qu’ils ne se montrent malheureusement pas à la hauteur du patrimoine dont on les a mis en charge. »

Mme Bélanger privilégie le retour du manège entre les mains de la Ville de Montréal, à qui il appartenait jusqu’à ce que la gestion de La Ronde soit confiée à l’entreprise américaine.

« On comprend évidemment qu’il n’y a rien d’éternel, que les manèges, ça vieillit », a-t-elle ajouté, mais les problèmes récurrents quant à l’entretien des manèges « plus historiques » sont troublants.

« Qu’il soit mis en retraite pour l’été, c’est une chose, mais son avenir doit être assuré. Après tout, c’est un manège patrimonial à l’aventure internationale », a pour sa part réagi Dinu Bumbaru, d’Héritage Montréal.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Le directeur des politiques à Héritage Montréal, Dinu Bumbaru

« Alors que la Société du parc Jean-Drapeau a adopté un plan directeur avec un vrai volet Patrimoine, à La Ronde, on attend encore l’ombre de quelque chose d’équivalent. »

« Un spécimen unique »

Les deux défenseurs du patrimoine montréalais ont rappelé qu’ils avaient déjà joué dans un film semblable il y a une vingtaine d’années.

En 2002, Le Galopant se trouvait dans un état très détérioré. Il avait été démonté par Six Flags et entreposé dans des boîtes. « Il était devenu dangereux et ne répondait plus aux normes de sécurité », déclarait à l’époque Anne-Marie Desautels, porte-parole du parc d’attractions, dans Le Devoir. « On ne pouvait plus le laisser à l’extérieur parce qu’on risquait de tellement l’endommager qu’il n’aurait même plus été restaurable. »

Le même quotidien citait l’avis d’une spécialiste du patrimoine qui avait étudié le carrousel pour le compte du ministère de la Culture : Montréal est « le dépositaire privilégié d’un spécimen unique, authentique représentant de la tradition européenne, celle-là même qui a influencé les fabricants américains ».

Après une campagne de pression, Le Galopant avait finalement été restauré par La Ronde pour environ 1 million. Sa réouverture s’est faite en 2007, à temps pour le 40e anniversaire de l’Exposition universelle.