Un élu montréalais dénonce le «climat d'intimidation» qui règne dans l'arrondissement de L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève à la suite d'une rencontre particulièrement houleuse. «J'ai vu rouge, j'ai pété un câble», s'est excusé le conseiller Jean-Dominic Lévesque-René.

Lundi soir, la rencontre mensuelle des élus du secteur a donné lieu à des dérapages. Alors que le conseiller de l'opposition Éric Dugas revenait à la charge pour obtenir des rapports qu'il réclame depuis des semaines, son collègue Jean-Dominic Lévesque-René s'est abruptement levé pour lui lancer une copie du document. Il l'a ensuite invectivé pendant plus d'une minute, le qualifiant notamment de « corrompu » et d'« imbécile », en plus de multiplier les références scatologiques.

« C'est de l'intimidation, dénonce Éric Dugas, seul élu de l'opposition à L'Île-Bizard. Ce n'est pas un climat sain. »

« On n'accepte plus ça dans les cours d'école. Et si on n'accepte plus ça dans les cours d'école, ça devrait l'être encore moins lors des assemblées publiques. »

Éric Dugas a mandaté son avocate pour mettre en demeure le conseiller Lévesque-René afin qu'il retire ses propos. « Je sais qu'on fait de la politique, mais il y a quand même des limites. Je ne peux pas laisser quelqu'un me traiter de corrompu », dit ce notaire de profession.

Joint par La Presse, Jean-Dominic Lévesque-René regrettait amèrement ses propos. « J'ai mal agi. J'aurais dû m'exprimer d'un ton plus calme et paisible », a reconnu le conseiller, qui promet de ne plus s'emporter. Il a justifié sa soudaine colère par la fatigue accumulée, les inondations ayant accentué sa charge de travail.

L'élu prend cet accès de colère comme un échec puisqu'il s'était engagé à travailler dans l'harmonie avec ses adversaires. Mais après quatre ans de mandat, il constate avoir été incapable de travailler avec Éric Dugas. « Il a une attitude très agressive et condescendante. Il désinforme les citoyens, dit des mensonges aux citoyens. »

Si M. Lévesque-René a lancé un rapport à son collège, c'est qu'il dit lui avoir remis à plusieurs occasions, mais qu'Éric Dugas continuait à clamer ne jamais en avoir reçu copie.

« Toujours se faire attaquer, dénigrer, ce n'est pas démocratique. »

M. Lévesque-René a décidé de ne pas briguer un nouveau mandat aux prochaines élections.

Le maire «saisi» 

Le conseiller Dugas dénonce au passage la mollesse de la réaction du maire Normand Marinacci, qui préside les séances et qui a tardé à rappeler son collègue à l'ordre.

Normand Marinacci explique que, s'il n'est pas intervenu immédiatement, c'est qu'il dit avoir été « saisi » par l'explosion de colère de son collègue. Blâmant le côté « provocateur » du conseiller Dugas, le maire de L'Île-Bizard reconnaît que son collègue Jean-Dominic Lévesque-René a « perdu le contrôle » et que son comportement était inacceptable.

L'échange musclé a été capté par vidéo, l'arrondissement enregistrant chacune de ses rencontres publiques pour les archiver sur l'internet. Or l'enregistrement a disparu en fin de séance. L'arrondissement dit avoir eu un problème technique, mais après un appel de La Presse, une copie de sauvegarde a été retrouvée, permettant à la séance d'être remise en ligne.

Autres dérapages

Ce n'est pas la première fois qu'une séance du conseil d'arrondissement de L'Île-Bizard donne lieu à des échanges musclés. Au sens propre. Le 2 mai 2016, le conseiller Dugas et un collègue ont littéralement joué du coude en pleine séance.

Éric Dugas accuse aussi son arrondissement d'avoir modifié l'enregistrement d'une autre séance, tenue en novembre, où l'on voyait un élu lui arracher son micro alors qu'il était à répondre à un citoyen. Les images de la caméra filmant les élus n'apparaissent pas, mais on peut malgré tout entendre l'altercation et observer la réaction outrée des gens dans la salle.

L'Île-Bizard-Sainte-Geneviève est le seul arrondissement dirigé par un élu de Vrai changement pour Montréal, fondé par Mélanie Joly. Seul dans l'opposition au conseil d'arrondissement, Éric Dugas est, quant à lui, membre d'Équipe Coderre.

Un citoyen expulsé à LaSalle pour avoir tenté de filmer une séance

Au moment où Québec rappelle aux villes que leurs citoyens peuvent enregistrer leurs rencontres publiques, l'arrondissement de LaSalle a plutôt décidé d'expulser une personne qui tentait justement de filmer les échanges des élus. Habitué des conseils municipaux, Francecso Moreno milite depuis des années pour obtenir l'enregistrement des rencontres à LaSalle. Incapable d'obtenir gain de cause, il a décidé de prendre les choses en main en installant lui-même une caméra. La mairesse Manon Barbe a toutefois refusé. « Vous n'êtes pas au-dessus des règlements. C'est interdit de filmer, prendre des photos et enregistrer les séances. Je vous demande de fermer votre caméra et de prendre votre place comme les autres », a dit l'élue, selon Le Messager LaSalle, présent sur place. Des policiers ont été appelés en renfort pour expulser le citoyen.

Francesco Moreno voit dans ces pratiques un affront à la démocratie. « C'est insultant, c'est un manque de respect envers les citoyens. C'est un manque de transparence. C'est une séance publique, pas privée », dénonce M. Moreno, qui a brigué la mairie de l'arrondissement en 2013. Il dit réclamer l'enregistrement des séances par souci de transparence, mais aussi pour « avoir des preuves ». « Sinon, les élus peuvent nier ce qu'ils ont dit parce qu'il n'y a pas d'enregistrement. »