L'EXPRESSION « GANGS DE RUE » EST DÉPASSÉE

L'EXPRESSION « GANGS DE RUE » EST DÉPASSÉE

Depuis trois ans, avec toutes les alliances conclues à la suite de la chute du clan Rizzuto, « dans un même gang, tu peux avoir des Italiens, des autochtones et des gangs de rue, alors on ne les recense plus comme des gangs de rue. On parle d'organisations criminelles », explique le lieutenant-détective au Bureau d'analyse et de renseignements criminels du SPAL, Martin Valiquette. Sur le territoire de l'agglomération de Longueuil, on compte aujourd'hui trois organisations criminelles majeures et une quinzaine de groupes émergents, dit-il.

DES ACTIVITÉS ILLICITES DIVERSIFIÉES

« Le proxénète ne fait pas juste du proxénétisme. Il vend des stupéfiants. Il fait des vols, du taxage », décrit le lieutenant-détective Valiquette. Avant la création du projet Mobilis en 2008 - projet de lutte contre les gangs de rue et l'exploitation sexuelle des jeunes filles -, les renseignements étaient envoyés dans différentes sections d'enquête selon le type de crime commis. Depuis Mobilis, « on centralise l'information pour être plus efficaces », souligne le policier d'expérience.

DES VICTIMES DE PLUS EN PLUS JEUNES

Environ 125 adolescentes sont à risque d'être recrutées par les gangs chaque année dans l'agglomération de Longueuil, selon le projet Mobilis. « Avant, on parlait surtout de filles de 15-16 ans. Sauf que là, on commence à voir de plus en plus de filles de 12-13 ans. C'est préoccupant », lance la responsable du projet Mobilis au CISSS de la Montérégie-Est, Nancy Veillet.

ENQUÊTEURS EN MISSION

« Dans la lutte contre le proxénétisme, ça prend vraiment des enquêteurs dédiés, en mission. Ce sont des enquêtes difficiles à mener car les victimes sont méfiantes, indique le capitaine Simon Crépeau du SPAL. C'est normal, elles se font manipuler par leur pimp alors elles en viennent à penser que la police veut les manipuler aussi. Nos enquêteurs se font insulter par les victimes, cracher dans la face même parfois. »

DES VICTIMES MALGRÉ TOUT

Même si elles ne se considèrent pas comme des victimes, les jeunes filles qui se prostituent pour un proxénète en sont bel et bien, martèle la responsable du projet Mobilis au CISSS de la Montérégie-Est, Nancy Veillet. 

« C'est le clou sur lequel on doit taper. On doit encore faire beaucoup d'enseignement aux policiers sur la façon de travailler avec des jeunes filles qui ne veulent pas porter plainte. » - Nancy Veillet

BEAUCOUP DE PATIENCE

Rares sont les filles qui veulent porter plainte contre leur proxénète. C'est la police qui porte plainte, pas elles, leur fait valoir le lieutenant-détective Valiquette pour les convaincre. Avec cet argument, il réussit parfois à obtenir d'elles une déclaration sous serment enregistrée (de type KGB). « Il faut désamorcer leurs arguments l'un après l'autre mais elles finissent par tout raconter », indique l'enquêteur. 

Dans un cas, après avoir présenté à un juge une déclaration KGB d'une victime, l'enquêteur a réussi à obtenir un mandat de perquisition pour fouiller dans le cellulaire du proxénète. L'enquêteur a ainsi trouvé les coordonnées de quatre autres victimes. Ces dernières ne voulaient pas porter plainte non plus, mais le policier ne s'est pas découragé. Avec un nombre aussi élevé de victimes, il a convaincu un procureur de faire porter des accusations contre le proxénète.

LE SWAT AU TRIBUNAL

L'équipe du projet Mobilis s'est vite rendu compte qu'il ne suffisait pas d'arrêter les proxénètes. Il fallait accompagner les victimes au tribunal. Dans un cas, alors qu'une intervenante de Mobilis était au tribunal avec une victime, le proxénète de cette dernière s'est mis à l'intimider dans un corridor. 

Aux grands maux, les grands moyens : le lendemain, le corps policier a fait débarquer son Groupe tactique d'intervention - armé jusqu'aux dents - au tribunal pour renverser le rapport de force. « On a fait tout un show », se rappelle le lieutenant-détective Valiquette.

LE COMMUNAUTAIRE MIS À CONTRIBUTION

L'automne dernier, les noms d'adolescents qui organisaient des partys pratiquement tous les week-ends dans des motels ou des maisons privées se sont rendus aux oreilles des policiers. Sauf que ces jeunes n'étaient pas connus de la police ni des centres jeunesse. 

« Ces jeunes-là pouvaient être très attirants pour des proxénètes à cause de toutes les jeunes filles qui participaient à leurs partys, raconte Audrée-Jade Carignan, coordonnatrice du Programme prévention jeunesse de Longueuil. On a trouvé la maison de jeunes où ils se tenaient et on a leur présenté un atelier sur le consentement sexuel. L'idée, c'est de mettre en place des actions avant que le jeune soit criminalisé. »

Photo David Boily, La Presse

La responsable du projet Mobilis au CISSS de la Montérégie-Est, Nancy Veillet

Photo David Boily, La Presse

Simon Crépeau, capitaine à la direction de la surveillance du territoire au SPAL