Des immeubles déchirés par des missiles russes. Le métro de Kyiv transformé en abri antiaérien. Il y a deux ans, jour pour jour, Vladimir Poutine frappait le cœur de l’Ukraine.

Aujourd’hui, le conflit est enlisé dans une guerre d’usure. Une guerre de terrain horrible, avec ses tranchées, ses tanks, ses obus et sa chair à canon, comme on n’en avait pas vu en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale.

C’est à celui qui craquera le premier.

En juin dernier, la mutinerie d’Evguéni Prigojine, qui avait lancé ses troupes à l’assaut de Moscou, a pu laisser croire que le pouvoir russe se fissurerait. Que nenni ! Le patron du groupe Wagner a péri dans un accident d’avion, une mort subite comme celle de tant d’autres opposants politiques en Russie. La triste fin du militant anticorruption Alexeï Navalny en est le plus récent exemple.

Maintenant, la fatigue mine le camp de l’Ouest. Ça se sent sur le front où les Russes – qui ont développé une capacité de production d’obus surpassant celle de l’OTAN au complet – viennent de s’emparer de la ville d’Avdiïvka, alors que les soldats ukrainiens épuisés manquent de munitions.

Les perspectives ne sont pas roses pour le ravitaillement.

À cause de l’influence de Donald Trump, l’enveloppe de 60 milliards de dollars américains promise par les États-Unis est bloquée au Congrès. Même au Canada, les appuis se lézardent, surtout chez les partisans conservateurs qui sont deux fois plus nombreux (43 %) qu’en 2022 (19 %) à penser que le Canada en fait trop pour l’Ukraine1.

Manifestement, les Canadiens ne sont pas imperméables à l’influence des MAGA (Make America Great Again) qui font maintenant de la méfiance envers l’Ukraine un signe de loyauté envers Trump. L’ancien animateur de Fox News Tucker Carlson a d’ailleurs fait salle comble lors d’une visite en Alberta, en janvier, juste avant d’aller interviewer Vladimir Poutine, qui s’est servi de lui comme porte-voix pour sa propagande.

Mais plus que jamais, il est essentiel de redoubler d’efforts.

Depuis le début de la guerre, le Canada a parlé beaucoup plus fort qu’il n’a véritablement agi. L’invasion de l’Ukraine a fait ressortir la mollesse de sa politique en matière de défense.

D’accord, on ne peut pas nier l’appui financier du Canada, qui s’est engagé à envoyer 8,6 milliards de dollars à l’Ukraine depuis l’invasion, ce qui le classe au 8e rang sur 41 pays. Sauf qu’en proportion du PIB, l’aide du Canada arrive en queue de peloton, au 31e rang2.

Mais c’est au chapitre de l’aide militaire que c’est le plus gênant. Près de 60 % de l’aide de 2,4 milliards promise par le Canada n’a toujours pas été honorée, selon une compilation du Devoir3.

On parle de véhicules blindés, de munitions, de caméras pour les drones, d’armes de petit calibre… et surtout d’un système de défense antiaérienne (NASAMS) d’une valeur de 400 millions que le Canada avait promis en grande pompe en janvier 2023.

Ottawa a fait des annonces, sans avoir les équipements. Forcé de les acheter à l’étranger, il attend maintenant la livraison qui ne vient pas.

Ottawa est aussi avare des équipements dont il dispose, n’ayant offert à l’Ukraine que 8 % des armes lourdes qu’il a en stock alors que d’autres pays ont été bien plus généreux. Récemment, le Danemark a même annoncé qu’il enverrait la totalité de son artillerie en Ukraine, quitte à en fabriquer ensuite. Pendant ce temps, le Canada réfléchit encore à la manière de repartir sa production d’obus…

À quoi bon conserver des armes en réserve pour une menace théorique, quand l’Ukraine en a besoin maintenant pour faire face à un ennemi bien réel ? Un ennemi qui veut éradiquer une nation démocratique, un tyran qui met en danger l’ordre international ayant permis d’assurer la paix et la prospérité depuis 80 ans.

Pendant des décennies, le Canada s’est permis de sous-investir en matière de défense, préférant investir dans ses programmes sociaux, en tenant pour acquis que son voisin américain assurerait toujours sa sécurité. Il suit les visées de l’OTAN, mais au « rabais », comme l’exposent Justin Massie et Nicolas-François Perron dans l’ouvrage Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine4.

Dans un monde de plus en plus instable, on ne pourra plus compter sur cette aubaine. Il était un temps où peu de pays de l’OTAN atteignaient la cible de 2 % de leur PIB à consacrer à la défense. Ce n’est plus le cas : 18 pays sur 31 y seront à la fin de l’année.

Le Canada, qui est loin du compte à 1,38 % du PIB, s’est fait presser par le secrétaire général de l’OTAN de fixer une date pour l’atteinte de la cible. Mais cela coûterait environ 20 milliards de plus par année aux contribuables.

Cet argent, le trouvera-t-on en réduisant d’autres dépenses, en s’endettant davantage, en augmentant les impôts ? Ce débat difficile devra avoir lieu dans le grand public.

On ne gagne pas une guerre avec des communiqués de presse vides. Veut-on laisser Poutine gagner et déstabiliser encore plus la planète ? N’oublions pas qu’avec la barrière de l’Arctique qui fond, la Russie devient plus proche de nous que jamais.

1. Consultez les sondages sur l’appui à l’Ukraine 2. Consultez le Ukraine Support Tracker 3. Lisez « Le Canada peine à tenir ses promesses d’aide militaire à l’Ukraine » 4. Consultez « Le Canada à l’aune de la guerre en Ukraine : penser la sécurité et la défense dans un monde en émergence »