Des entrepreneurs qui sont accourus à Lac-Mégantic dans les heures qui ont suivi le déraillement et l'explosion d'un train le 6 juillet 2013 risquent maintenant la faillite, faute d'être payés pour les services rendus depuis un an, selon ce qu'a appris La Presse.

MD-UN est une entreprise spécialisée dans les interventions en cas d'urgence environnementale. «Je suis comme un urgentologue, explique Jean-Claude Morin, président de MD-UN. Ma job est d'arrêter l'hémorragie et de stabiliser le patient.»

Tout comme Richard Robert, président de RSR Environnement, société responsable de la décontamination de la zone dévastée, M. Morin est arrivé à Lac-Mégantic au petit matin du 6 juillet alors que le pétrole des wagons du train flambait encore.

MD-UN et RSR avaient été engagées par la Montreal Maine and Atlantic, à qui appartenait le train qui a déraillé. Les deux entreprises ont coordonné les travaux de nettoyage et ont, à leur tour, engagé plus de 46 sous-traitants pour accomplir la lourde tâche. Environ 285 personnes ont travaillé dans la zone rouge en juillet et août 2013. Au cours de l'été, MD-UN et RSR ont eu des dépenses de l'ordre de plus de 20 millions chacun, selon M. Morin.

Un an plus tard, toutes les factures n'ont pas encore été payées, ce qui retarde les paiements à leurs sous-traitants. Les deux entreprises ont d'ailleurs reçu quelques mises en demeure de ces derniers, mais ont réussi à contenir les frustrations grâce à leur bonne réputation dans le milieu.

Aujourd'hui, environ 10 % des factures de MD-UN sont en souffrance, ce qui représente «plusieurs millions».

«Environ 30 % du montant pour le mois de juillet doit encore être payé et pour tout le reste, ça représente environ 20 % [des sommes dues], ajoute Richard Robert de RSR. C'est une couple de millions.»

«C'est nous [MD-UN et RSR] qui avons écopé, car on a payé nos sous-traitants», ajoute M. Robert. La raison qui leur est donnée pour expliquer ces délais est que des vérifications de factures sont en cours.

Un versement a été effectué in extremis jeudi dernier après qu'ils ont frappé aux portes du gouvernement et réclamé instamment d'être payés. «On n'avait plus le choix, car on n'avait plus de marge de crédit à partir de vendredi», souligne M. Robert. Sans ce versement, c'était la faillite technique pour les deux entreprises.

«Sur papier, l'argent est là, mais on ne nous le donne pas», dit M. Morin. «Tu ne peux plus travailler, tu n'as pas d'argent pour payer tes hommes ; sans marge de crédit, tu ne peux pas faire les paies», poursuit M. Robert.

«Ce n'est pas normal»

Les problèmes liés aux paiements des factures pour les travaux de nettoyage et de décontamination s'accumulent depuis le début de cette tragédie qui a tué 47 personnes et détruit le centre-ville de Lac-Mégantic.

Après quelques semaines de travail dans la zone dévastée, les fournisseurs n'avaient toujours pas reçu un sou de MMA. En réaction, certains travailleurs avaient débrayé quelques heures. C'est donc la Ville de Lac-Mégantic et le gouvernement du Québec qui ont avancé l'argent pour éviter tout retard dans les travaux.

MMA s'étant ensuite placée sous la protection des tribunaux pour éviter d'être saisie par ses créanciers, Québec a continué à faire le paiement des factures. À partir du 8 août, la firme Pomerleau, une entreprise en construction, a été engagée pour assurer la gestion des travaux de nettoyage et de décontamination.

Pomerleau a depuis passé en revue les contrats et a réalisé des vérifications de chaque facture.

Les deux entreprises doivent donc s'adresser tantôt au ministère de la Sécurité publique, tantôt à celui de l'Environnement ou encore à Pomerleau pour comprendre où en sont ces vérifications.

Toujours fragiles

Peu avant les élections d'avril, M. Morin a multiplié les appels pour recevoir des paiements. «En février, mon dossier n'avait pas encore été traité. Après l'appel au gouvernement, les choses ont bougé un peu et un versement a été fait», explique-t-il.

On lui a promis que le reste suivrait à la fin de l'été. Mais l'élection d'un gouvernement libéral a amené de nouveaux interlocuteurs et il a perdu plusieurs semaines à tenter de savoir qui s'occupait maintenant de son dossier.

D'autres versements sont toujours attendus et les deux entreprises demeurent fragiles. MM. Morin et Robert comprennent que la situation est complexe tant pour Pomerleau que pour le gouvernement, mais ils regrettent surtout d'en être réduits à vivoter en attendant les versements.

«S'il y a une prochaine urgence d'une telle ampleur, c'est sûr qu'on va le refaire : on est humains et on est là quand les gens ont besoin de nous, mais on ne pourra pas se permettre de se replonger dans une situation aussi fragile», soupire M. Robert.

Nos nombreux appels à Pomerleau ou aux ministères concernés, samedi, sont restés sans réponse.