Luka Rocco Magnotta l'admet: c'est lui qui a tué Jun Lin, profané son cadavre, et commis les autres actes qu'on lui impute, en mai 2012. L'enjeu de son procès sera de déterminer son état d'esprit, au moment où il a commis ces actes.

Son avocat, Me Leclair, tentera de démontrer qu'il ne peut être tenu responsable de ses actes en raison de troubles mentaux.

C'est sur cette note spectaculaire que le procès de M. Magnotta s'est ouvert, lundi matin, à Montréal.

En vertu de l'article 16 du Code criminel canadien, la responsabilité criminelle d'un accusé n'est pas engagée, si celui-ci était atteint de troubles mentaux qui le rendaient incapable de juger de la nature et de la qualité de l'acte criminel, ou de comprendre que cet acte était mauvais au moment où il l'a commis.

Planifié et délibéré

Lors de son discours d'ouverture, Me Louis Bouthillier, a résumé les faits et la preuve qu'il entend présenter. Il s'agit d'un meurtre prémédité, et cela veut dire planifié et délibéré, a-t-il insisté.

Dans ce cas-ci, c'était planifié et délibéré six mois à l'avance. Un journaliste du London Sun témoignera à l'effet qu'en décembre 2011, il a rencontré M. Magnotta dans un hôtel à Londres. Par la suite, Magnotta est retourné au Canada. Il a envoyé un courriel au journaliste, disant qu'il planifiait de tuer un humain et en faire un film.

En mars 2012, M. Magnotta a loué un appartement sur le boulevard Décarie. Vers la fin mai, des caméras de surveillance de l'immeuble ont montré que M. Lin Jun est arrivé avec M. Magnotta dans cet immeuble. Il n'en est pas ressorti vivant. Le 29 mai, le cadavre de M. Lin a été trouvé dans les ordures, près de l'appartement. Ses mains et ses pieds ont été envoyés à des partis politiques et des écoles de Vancouver. Sa tête a été retrouvée un mois plus tard, dans le parc Angrignon.

Après la mort de Lin Jun, M. Magnotta est parti à Paris. «Vous allez entendre qu'il est ensuite parti pour Berlin, après avoir abandonné ses objets personnels dans l'hôtel. Il utilisait un faux nom», a signalé Me Bouthillier.

M. Magnotta a été arrêté dans un café internet de Berlin, le 4 juin 2012. Le jury entendra plusieurs témoins européens, dont celui qui a accueilli M. Magnotta chez lui, à Berlin, a noté le procureur.

Un témoin est mort il y a deux mois, mais son témoignage avait été enregistré à l'enquête préliminaire et sera diffusé au bénéfice du jury.

L'amoureux de Lin Jun, qui demeure maintenant en Chine, va venir témoigner au procès.

Me Bouthillier a parlé de la vidéo du meurtre. «Vous allez la voir. Vous avez le devoir de la regarder attentivement. Elle a été mise en ligne quelques heures après la mort de Lin Jun. Les premières 23 secondes ont été filmées une semaine avant la mort de Lun Jin et montrent un autre individu, vivant, attaché, nu dans le lit de M. Magnotta. Les dix minutes restantes montrent Lin Jun mort, sur le même lit, dans une position semblable. Des outrages sont faits à son cadavre.

«Laissez-moi vous avertir: ces images ont été décrites par Me Luc Leclair comme étant crues et potentiellement choquantes, et elles le sont», a précisé Me Bouthillier en détachant chaque mot.

La défense

Me Luc Leclair a fait un exposé lui aussi, et il a demandé au jury de ne pas sauter aux conclusions trop vite.

M. Magnotta admet la partie physique des accusations, mais l'autre partie, l'intention, c'est sur cela qu'on va s'attarder.

Me Leclair veut démontrer que M. Magnotta souffrait de troubles mentaux au moment des faits et que ceux-ci l'empêchaient, au sens du Code criminel, de savoir ce qu'il faisait. L'accusé a un historique de maladie mentale, notamment de schizophrénie paranoïde. Me Leclair entend appeler le père de M. Magnotta à la barre, Donald Newman. Celui-ci souffre aussi de schizophrénie, de même que sa nouvelle conjointe (qui n'est pas la mère de M. Magnotta).

Le père viendrait parler du passé de M. Magnotta et de la famille. M. Magnotta est né sous le nom de Eric Newman, mais a changé son nom pour Luka Rocco Magnotta il y a quelques années, a précisé Me Leclair.

L'avocat compte appeler des psychiatres à la barre, et il a parlé de trois rapports psychiatriques à l'égard de M. Magnotta. L'un d'entre eux fait plus de 100 pages.

Il y aura aussi un rapport d'un hôpital de Miami, ou M. Magnotta a été hospitalisé pour quelques jours, en raison d'une psychose. C'était en janvier 2011.

M. Magnotta se sentait persécuté, selon Me Leclair, et il entendait des voix, notamment celle de Manny, qui lui ordonnait de faire des choses.

Le jury entendra aussi que M. Magnotta avait porté plainte à la police de Paris, en octobre 2011, disant qu'il avait été violé et volé par deux individus.

Premier témoin

Après les deux exposés, la Couronne a appelé son premier témoin à la barre: Caroline Simoneau, policière au SPVM, à la section de l'identité judiciaire. Elle a pris les photos de la scène de crime, le 29 mai 2012, notamment la valise et les sacs contenant des parties du corps de M. Lin Jun. Ces objets étaient dans les ordures, près de l'immeuble où habitait M. Magnotta.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le père de Lin Jun assiste au procès en compagnie d'une traductrice.