«Croyez-le ou non, ici, normalement, on marche», dit le directeur de la santé civile de Montérégie, Yvan Leroux, en montrant un ponton avalé par la rivière Richelieu. Après un bref répit cette semaine, les riverains s'attendent à une nouvelle remontée des eaux. La météo ne semble toujours pas vouloir leur donner de répit.

Le bilan de la semaine et les prévisions du week-end ne laissent guère de place à l'optimisme. L'eau qui a envahi les rues, les pistes cyclables, les champs et les maisons ne se retirera pas tout de suite. «On attend entre 40 et 60 mm de pluie. En plus, on a le vent du sud, et ça va faire monter le niveau de l'eau de 11 à 20 cm. C'est quand même un peu moins que pour les niveaux historiques des 6 et 23 mai», explique M. Leroux.

Les sinistrés scrutent attentivement ces avancées et reculs. Assis dans son canoë, Jean-Guy Roy sonde, avec son aviron, la profondeur de l'eau. Sa maison, au bord de la rivière, à Saint-Blaise-sur-Richelieu, a bien résisté aux inondations. Malgré tout, elle n'est accessible qu'en canoë: les rues étant inondées, Jean-Guy Roy s'y rend en coupant à travers un champ voisin. Cet exercice forcé ne suffit pas à le démoraliser. «Je n'ai pas le choix! Ça ne me donne rien de m'énerver. Vous savez, j'ai connu le verglas, et j'ai passé 29 jours sans pouvoir être chez moi. Alors là...»

Dans les rues, l'eau cache le bitume, détrempe les gazons et caresse les façades des maisons. Les voitures ont disparu pour laisser place aux canoës et chaloupes. Les sacs de sable ceinturant les résidences et le va-et-vient des chars de l'armée donnent aux quartiers inondés un air de zone de guerre.

Gaëtan Dubois surveille de près la situation. Sa pompe génératrice est prête, «au cas où il y aurait une coupure d'électricité». «Il y a de l'eau, il y a de la boue, et ça commence à sentir», énumère-t-il. Il reste néanmoins optimiste. «Quand il n'y aura plus d'eau dans les rues, ça va être correct.»

La quatrième inondation

Près du restaurant Saint-Tropez, Carole Robert se prépare à sa «quatrième inondation». Trois fois déjà, l'eau a baissé, avant de revenir, plus haute. Son sous-sol est complètement endommagé, son garage est encore inondé. Mais elle garde le sourire et raconte cette solidarité entre voisins, qui aide à tenir le coup. «On vit tous la même chose, on est dedans! Alors, on s'aide pour les digues, on surveille les pompes», dit-elle, les deux pieds dans l'eau du garage, alors que son fils arrache le placoplâtre déjà moisi du sous-sol. «On ne peut pas attendre que l'inspecteur vienne. Alors, on fait des photos, on ne peut pas tout laisser moisir», explique-t-elle.

L'armée continue de faire ses rondes, tout comme la SQ. On surveille les résidences, mais aussi les voitures garées au petit bonheur la chance. «On veut s'assurer que les gens qui sont là ont affaire à être là», dit Michel Brunet, lieutenant de la SQ. Heureusement, les méfaits sont rares jusqu'à présent.

Le ministère de la Sécurité publique estime que 5,6 millions ont déjà été versés aux sinistrés qui ont dû déménager rapidement. Malgré les sourires de certains riverains, la situation amène son lot d'angoisse et de problèmes. La sécurité civile recommande de se tourner, dans ce cas, vers les ressources mises sur pied pour les sinistrés: les centres de services et la ligne Info-Santé.