En ce 100e jour de grève étudiante, des dizaines de milliers de personnes ont marché dans les rues du centre-ville contre la hausse des droits de scolarité et contre la loi spéciale adoptée vendredi dernier.

Dès les premières minutes, la manifestation s'est divisée en trois groupes: un clan a suivi l'itinéraire connu des policiers, d'autres ont marché derrière la bannière de la CLASSE qui n'a pour sa part pas dévoilé son trajet.

Vers 16h45, la manifestation du troisième groupe a été déclarée illégale après que trois vitrines de banques eurent été fracassées. Après l'annonce d'un attroupement illégal, les protestataires de ce troisième groupe ont rapidement rejoint la manifestation de la CLASSE qui s'est déroulée pacifiquement.

Des dizaines de milliers de personnes ont participé aux manifestations. Une heure et demie après le début de l'événement, des personnes attendaient toujours de commencer à marcher à partir du point de départ, au Quartier des spectacles. La CLASSE estime que 250 000 personnes ont participé à l'événement. Des sources policières ont plutôt avancé le chiffre de 100 000 manifestants. Peu importe, la circulation routière a été perturbée dans le centre-ville de Montréal.

La plupart des regroupements avait fourni un itinéraire de la marche. «Il est essentiel de ne pas exposer inutilement nos militants et nos organisations aux mesures répressives [du] projet de loi. Les autorités municipales seront informées [de notre itinéraire] comme nous le faisons à chacune de nos manifestations. De plus, nous aurons notre service d'ordre », explique le Syndicat de la fonction publique (SCFP) sur son site web.

La CLASSE, instigatrice de ce rassemblement, avait pour sa part choisi de ne pas divulguer son trajet. On s'attendait à ce que ses membres empruntent le même chemin que les autres participants.

Avant le départ, le porte-parole Gabriel Nadeau-Dubois a déclaré que le rassemblement pacifique prouvait que désobéissance civile n'est pas synonyme de vandalisme. Il croit que le succès de la manifestation est un geste «collectif, massif de désobéissance civile».

«Ce sont des dizaines de milliers de personnes qui sont dans les rues, dit-il. Si le ministre de la Justice est conséquent avec sa loi, il devra mettre à l'amende des dizaines de milliers de personnes.»

Ian Lafrenière, le porte-parole du SPVM, croit que les casseurs auraient pu être mieux contrôlés si les trois groupes avaient dévoilé et respecté leur itinéraire. «Quand tu dis : «nous autre, on va faire une marche, mais on va défier les autorité», en partant, tu invites des pas gentils à venir avec toi. La preuve, c'est que les deux grandes marches du 22 mars et du 22 avril derniers, les itinéraires étaient connus et il n'y a eu zéro problème», a-t-il dit.

Des militants tous azimuts

Une foule bigarrée, composée d'étudiants certes, mais aussi de militants tous azimuts, de sympathisants, de familles, de poussettes, et d'ainés, s'était réunie vers 14h pour le départ à la place des Festivals. Le thème de l'événement est: «100 jours de grève. 100 jours de mépris. 100 jours de résistance.»

Les associations étudiantes sont au rendez-vous, tout comme plusieurs grands syndicats et des politiciens, dont Amir Khadir, habitué des manifs étudiantes. Gilles Duceppe, venu assister à la manifestation avec un carré blanc épinglé à sa veste, croit que le gouvernement n'a plus qu'une porte de sortie: retourner aux négociations avec la FECQ et la FEUQ.

Plusieurs manifestants ont des mots durs pour le gouvernement. «Ce ne sont pas les étudiants qui sont violents, c'est le gouvernement qui est violent», rage Christine Coallier, professeure de philosophie au cégep. Elle en veut particulièrement au gouvernement de Jean Charest d'avoir fait la sourde oreille depuis 100 jours.

Lorraine Boutin et Marc Guénette, eux, manifestent avec leur fils gréviste Antoine, étudiant au Cégep Bois-de-Boulogne. «Cette loi spéciale est le constat d'échec d'un gouvernement qui n'a pas réussi à dialoguer avec des jeunes très intelligents. Notre jeunesse est très impressionnante», raconte Mme Boutin.

«L'éducation est le plus beau cadeau pour nos jeunes. La hausse des frais n'est pas le débat, il y en a de l'argent. Mais la loi spéciale a fait de moi un citoyen engagé. Je suis sur les réseaux sociaux comme Twitter et je suis ce qui se passe», raconte Marc Guénette.

«La loi spéciale m'a fâché. Ça va me rendre plus militant. Au mieux, cette loi ne changera rien. Au pire elle va empirer les choses», croit Antoine.

Maxime, un étudiant de 24 ans, demande que les parties retournent à la table des négociations. «En trois mois de grève, on a eu 22 heures de discussion. Ça dit quelque chose».

Tous les groupes de manifestants ont convergé vers le parc Lafontaine où des discours ont été prononcés.

Rappelons que les 22 mars et 22 avril derniers, des centaines de milliers de personnes ont pris la rue d'assaut, la première fois contre la hausse des droits de scolarité, la deuxième pour le jour de la Terre.