La hausse des droits de scolarité est maintenue, mais les économies éventuelles dégagées dans la gestion des universités serviront à réduire les frais afférents imposés aux étudiants.

C'est ce que prévoit l'entente conclue samedi après-midi entre Québec et les associations étudiantes après un marathon de 22 heures de négociations.

>>>Qu'en pensez-vous? Une entente acceptable avec les étudiants?

Les leaders étudiants préfèrent parler d'une «offre», qui sera soumise au vote des membres dans des assemblées générales.

«Ce n'est pas la fin, mais, du moins, c'est un début de fin que l'on voit poindre au niveau du conflit étudiant», a déclaré la présidente de la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), Martine Desjardins.

«C'est une offre, ce n'est pas la fin de la grève. Ce seront les assemblées générales qui se positionneront sur le contenu de cette offre tout au long de la semaine prochaine», a indiqué Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de la Coalition large de l'association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE).

Les leaders étudiants ont convenu de ne pas faire de recommandation quant à l'adoption de l'entente. «C'est aux étudiants en grève de déterminer si l'offre est acceptable», a dit Gabriel Nadeau-Dubois.

Line Beauchamp «satisfaite»

De son côté, la ministre de l'Éducation, Line Beauchamp, s'est dite «satisfaite de la signature de cette entente dans les circonstances». «Nous espérons vraiment que cette entente puisse permettre un retour pour aller poursuivre les cours, subir ses examens, obtenir son diplôme le plus rapidement possible pour les étudiants qui étaient en boycott en ce moment. Toutes les conditions sont mises en place pour y arriver.»

La hausse des droits de scolarité de 1778$ sur sept ans est maintenue (254$ par année ou 127$ par session). L'entente ne fait pas mention de ce sujet. Les associations étudiantes déplorent d'ailleurs la «fermeture totale» du gouvernement sur cette question.

«En toute bonne foi, nous avons établi au début de la discussion que ça ne donnerait rien de continuer à débattre de la question des droits de scolarité», a noté Line Beauchamp.

La gestion des universités au coeur du débat

Les parties se sont plutôt penchées sur la gestion des universités. Ainsi, selon l'entente, un conseil provisoire des universités sera créé. Il sera formé de six membres désignés par la Conférence des recteurs, quatre représentants étudiants, quatre du milieu syndical, deux du patronat, un des cégeps et un du ministère de l'Éducation. La ministre désignera le président.

Ce conseil provisoire aura pour mandat d'évaluer «les hypothèses d'utilisation optimale des ressources financières des universités» et de démontrer «les économies récurrentes pouvant être dégagées».

Les économies seront faites dans les dépenses qui ne sont pas liées à la mission fondamentale des universités (publicités, personnel de gérance, délocalisation des campus ou le parc immobilier par exemple).

Les recommandations seront déposées à la ministre d'ici le 31 décembre.

Si le conseil provisoire constate que des économies récurrentes peuvent être faites dans la gestion des universités, chaque dollar servira à réduire la facture des frais afférents imposés aux étudiants.

Réduire les frais afférents

Les frais afférents - aussi appelés frais institutionnels obligatoires - varient d'un établissement à l'autre et atteignent en moyenne 800$ par année. Ils comprennent les frais d'inscription, d'examens, de stages, de services aux étudiants, etc. En 2008, le gouvernement Charest avait adopté un règlement pour imposer des balises aux universités et limiter l'augmentation de ces frais.

Selon l'entente, pour la session de cet automne, un étudiant n'aura pas à payer, du moins pour l'instant, une partie de ses frais afférents, c'est-à-dire 125$ s'il étudie à temps complet. Ces 125$ seront effacés si les économies identifiées par le conseil atteignent le même montant (en moyenne pour chaque étudiant). Sinon, l'étudiant devra payer la somme en tout ou en partie, selon le cas. C'est «un compte à payer ajustable» selon les recommandations du conseil, a résumé Line Beauchamp.

Pour Gabriel Nadeau-Dubois, «il y a eu un certain fléchissement» de la part du gouvernement dans les négociations dans la mesure où, au départ, il ne voulait pas «toucher à la question de la facture étudiante».

Les leaders étudiants ont affirmé que la hausse des droits de scolarité sera «compensée» par une réduction des frais afférents du même montant. Ils avancent que «la facture globale des étudiants» n'augmentera pas.

Le pari: dégager des millions

«On fait le pari qu'on va être capable de contrer la hausse des droits de scolarité via une diminution de ces frais-là avec une saine gestion des universités», a dit Martine Desjardins.

«Le pari qu'on fait, c'est qu'il est possible de dégager des millions et des millions de dollars, a affirmé le président de la Fédération étudiante collégiale du Québec FECQ), Léo Bureau-Blouin. Et ces millions, plutôt que de retourner dans le fonds consolidé, vont retourner en diminution de la contribution étudiante.»

La FECQ et la FEUQ estiment que des économies de 189 millions peuvent être réalisées. Elles entendent en faire la démonstration à la table du conseil provisoire.

Line Beauchamp a expliqué que, lors des négociations, «tout le monde s'est mis d'accord pour dire: permettons que cette démonstration subisse un peu le test de la réalité». «S'il y a des gains, je dis bien, s'il y a des gains», «dûment identifiés par l'ensemble des partenaires du conseil», «ils seront applicables en réduction des frais» afférents, a-t-elle ajouté.

Des discussions ont eu lieu pour fixer une cible d'économies à atteindre. «La réponse a été non, a dit Line Beauchamp. L'idée, c'est de dire qu'on doit en faire la démonstration devant tout le monde autour de la table» du conseil. «De bonne foi, je pense que, sûrement, il y a de sources d'économies. De bonne foi, tout le monde se prête au jeu», a-t-elle ajouté.

Line Beauchamp a déploré qu'en conférence de presse, les leaders étudiants de la FECQ, de la FEUQ et de la CLASSE aient évoqué un «moratoire sur la hausse des droits de scolarité» jusqu'en décembre. «Ce vocabulaire n'a jamais été utilisé dans les discussions», a-t-elle dit.

Les bonifications au régime de prêts et bourses demeurent, tout comme l'instauration d'un mode de remboursement des dettes d'études proportionnel au revenu.

Une offre à débattre

Avec ces gains, «l'offre» présentée samedi et l'invitation-surprise de la CLASSE à la table de négociation, «c'est la preuve que notre grève a fonctionné, que notre mobilisation a fonctionné», a conclu Gabriel Nadeau-Dubois.

Mais selon lui, l'entente a des «aspects négatifs». «Des gens sont en grève depuis 12 semaines contre l'augmentation des frais de scolarité», et aucun changement n'est prévu à cet égard. «Ça ne correspond pas de manière exacte aux revendications qui ont démarré le mouvement de grève. Donc ça va être sujet à débats» dans les assemblées, a-t-il expliqué. C'est la raison pour laquelle la CLASSE ne fait pas de recommandation sur l'adoption de cette offre, a-t-il ajouté.

De son côté, Martine Desjardins a tenu à préciser que cette entente «s'inscrit dans un cadre électoral» et qu'elle pourrait ne jamais être mise en oeuvre dans l'éventualité où les libéraux seraient défaits.

La Table de concertation étudiante est l'autre association qui était autour de la table. Selon son secrétaire général, Paul-Émile Auger, «le gouvernement a mis du sien, nous aussi. Les associations étudiantes ont agi de bonne foi, de concert. On est extrêmement satisfaits de ce qui se passe». Martine Desjardins a parlé de «rencontres respectueuses et fructueuses».

Jean Charest soulagé

Sortant de la salle où étaient réunis les 500 délégués réunis pour le conseil général de Victoriaville, le premier ministre Jean Charest s'est contenté d'un court commentaire pour exprimer son soulagement évident. «Il y a une entente, et l'objectif est de permettre aux étudiants de retourner à leurs cours, et de créer un espace de discussion, où on peut se parler, comme il faut, correctement», a-t-il dit.

En anglais, M. Charest s'est fait un peu moins catégorique sur l'issue de la discussion. L'entente est «importante», a-t-il affirmé. «Un des objectifs était de créer une place, un forum où on aura un dialogue, qui est le début d'essayer de mieux s'entendre entre nous. Cela ne veut pas dire qu'on s'entend sur tout, mais on a certainement besoin d'un endroit où nous pouvons parler. C'était le premier objectif. Il y aura d'autres étapes, vous verrez. C'est certainement bien meilleur que ce qu'on a vu depuis 24 heures» a-t-il souligné, une allusion au dérapage de la manifestation de vendredi soir à Victoriaville.

La présidente désignée de la Conférence des recteurs des universités, Luce Samoisette, se dit «confiante» qu'une reprise des cours dans les établissements touchés par une grève puisse survenir rapidement. La CREPUQ était à la table de négociation.

Le retour en classe «va se faire très rapidement pourvu que les assemblées générales votent en faveur de ce qui a été ébauché pour une sortie de crise», a affirmé le président de la Fédération des cégeps, Jean Beauchesne, autre participant à la rencontre au sommet. «Il y avait des collèges accotés au 30 juin» pour terminer le trimestre. «On ne veut pas reporter au mois d'août», a-t-il ajouté.

Les centrales syndicales se disent «satisfaites des échanges». «Les organisations syndicales ont été très heureuses, même si ça n'a pas été très reposant, de travailler à mettre en place une feuille de route qui, selon nous, va permettre de sortir de la crise actuelle», a déclaré le président de la CSN, Louis Roy. Deux autres chefs syndicaux, Michel Arsenault (FTQ) et Réjean Parent (CSQ), ont pris part aux négociations.

- Avec Denis Lessard