Les néonicotinoïdes se retrouvent à nouveau dans l'actualité. Cette fois, une équipe  de l'Université de Montréal a évalué la concentration de certains pesticides dans l'eau de surface de cours d'eau du Québec ainsi que dans l'eau du robinet. Elle a trouvé des traces de ces insecticides systémiques controversés presque partout, y compris dans l'eau de Montréal et de Laval.

Faut-il s'inquiéter de trouver des pesticides dans l'eau ? 

Oui. Et non, répond le professeur Sébastien Sauvé, du département de chimie de l'Université de Montréal, qui a dirigé l'étude. 

« Je ne dirais pas aux gens d'aller s'acheter de l'eau en bouteille, les traces sont petites dans l'eau potable », explique le professeur Sauvé. « Par contre, poursuit-il, ce que ça nous dit, c'est qu'on en utilise tellement qu'il y en a partout. Ce n'est pas une inquiétude primordiale pour la santé humaine, mais ça prouve qu'il y en a beaucoup dans les sources d'eau. »

Où a-t-on trouvé des pesticides dans l'eau du robinet ? 

Les chercheurs ont pris des échantillons dans l'eau de robinet dans quatre villes québécoises : Montréal, Laval, Saguenay (Chicoutimi) et Saint-Hyacinthe. 

Les gens du Saguenay seront heureux d'apprendre que les chercheurs n'ont trouvé aucune trace des neuf molécules recherchées, dont huit appartenant à la classe des néonicotinoïdes, dans l'eau de Chicoutimi. Il y en avait partout ailleurs. Très peu à Laval, peu à Montréal et un peu plus dans la région agricole de Saint-Hyacinthe. « À Saint-Hyacinthe, l'eau est très traitée, car elle provient de la rivière Yamaska », précise Sébastien Sauvé.

Les néonicotinoïdes se retrouvent dans le sol, qui les absorbe et les dirige ensuite vers les eaux souterraines, jusqu'aux cours d'eau. L'étude québécoise vient d'être publiée dans la revue scientifique Analytical and Bioanalytical Chemistry

Que sont les néonicotinoïdes ?

Ce sont des pesticides systémiques qui sont inclus dans les plantes. Les grains de soya ou de maïs sont enrobés de cet insecticide qui reste présent tout au long du développement de la plante. Les néonicotinoïdes aident les agriculteurs à contrôler la présence des insectes ravageurs qui s'attaquent à leurs champs. Leur principe d'action est relativement simple : le pesticide s'attaque au système nerveux des insectes indésirables. Le hic, c'est qu'on a découvert que les néonicotinoïdes faisaient également du tort à d'autres insectes, notamment aux abeilles.

Dans quels cours d'eau en a-t-on trouvé ? 

L'équipe de l'Université de Montréal voulait tester une méthode de détection. Pour cela, le groupe de chercheurs a pris des échantillons d'eau dans les mêmes sources que le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, qui avait aussi fait cet exercice de 2011 à 2014. 

Il s'agit des rivières Saint-Régis, des Hurons, Chibouet et Saint-Zéphirin. Toutes contenaient des traces des molécules recherchées, avec des quantités très variables, selon le moment où étaient prélevés les échantillons. « Nos résultats sont comparables à ceux que Québec avait obtenus », explique Sébastien Sauvé, qui précise que les quantités détectées étaient aussi parfois inférieures aux données du ministère de l'Environnement. La présence des insecticides dans les cours d'eau est directement liée à l'activité agricole environnante, dit-il, selon les épandages.

Ces insecticides peuvent-ils être dommageables pour la santé humaine ? 

« On manque cruellement de données sur les risques pour la santé humaine », estime Maryse Bouchard, professeure à l'École de santé publique de l'Université de Montréal. 

Maryse Bouchard explique que la science s'est peu intéressée à ces semences enrobées d'insecticides, car on a cru qu'elles étaient moins dommageables que des insecticides pulvérisés dans les champs. Cette hypothèse ne tient plus.

Une étude de l'Institut national de la recherche scientifique (INRS), dont les premiers résultats ont été dévoilés cette semaine, soulève de sérieux questionnements. La chercheuse Élyse Caron-Beaudoin a utilisé en laboratoire des modèles cellulaires qui pourraient reproduire des comportements humains, notamment chez les femmes enceintes.

Peut-on réduire l'utilisation de ces pesticides ? 

C'est ce que souhaite Québec, à l'instar de plusieurs autres gouvernements. La ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Isabelle Melançon, a annoncé le mois dernier sa Stratégie québécoise sur les pesticides. Au nom de la protection de la santé, de l'environnement et des pollinisateurs, Québec va encadrer l'utilisation des néonicotinoïdes. Dès l'année prochaine, les producteurs de grandes cultures devront avoir une prescription d'un agronome pour les utiliser, prescription qu'ils obtiendront s'ils en ont besoin, après l'étude de la santé des champs.

Que vont faire les producteurs ?

Cette semaine, les Producteurs de grains du Québec ont demandé au gouvernement de faire une nouvelle étude, car ils jugent que « les bases scientifiques de la nouvelle réglementation sur les pesticides sont contestables ». 

En entrevue, le président du syndicat d'agriculteurs, Christian Overbeek, précise que dans les champs, les producteurs qui ont travaillé avec des semences sans néonicotinoïdes ont observé des baisses de rendement. De plus, selon eux, le retour à l'épandage n'est pas la solution la plus écologique. « On calcule que c'est encore moins dangereux de travailler avec des semences traitées », précise Christian Overbeek. 

Au Québec, 99 % du canola, 50 % du soya et 60 % du maïs-grain, donc celui qui n'est pas destiné à la consommation humaine, sont cultivés avec des semences enrobées de néonicotinoïdes, selon les Producteurs de grains du Québec.