La journée de dimanche restera marquée d'une pierre blanche pour les autochtones chrétiens d'Amérique du Nord. Leur héroïne du XVIIe siècle, Kateri Tekakwitha, est entrée dans les livres d'histoire comme la première sainte amérindienne de l'Église catholique. Une consécration accueillie avec émotion par les représentants des Premières Nations au Vatican.

Des cris de joie amérindiens ont retenti entre les colonnades de la place Saint-Pierre, dimanche matin. Benoît XVI récitait les noms des sept religieux qu'il s'apprêtait à sanctifier devant 80 000 pèlerins. Lorsque le pape a nommé Kateri Tekakwitha, Theresa Steele a spontanément hululé en direction du parvis de la basilique Saint-Pierre, où un portrait de la légendaire Mohawk était accroché à la droite du Seigneur Pontife.

«Elle est une sainte pour moi depuis ma tendre enfance. Aujourd'hui, elle le devient pour le monde entier», a affirmé l'Algonquine de 74 ans, vêtue d'une robe de suède. Cette dernière est invitée aux quatre coins du continent nord-américain pour raconter l'histoire de son idole.

Dans son homélie, Benoît XVI a louangé la détermination de Kateri Tekakwitha, qui a été persécutée dans son village, en Nouvelle-Angleterre, en raison de sa foi chrétienne et de son refus de se marier, jusqu'à sa fuite au nord de la frontière en 1677.

«Kateri nous impressionne par l'action de sa grâce dans sa vie, en l'absence de soutien extérieur... En elle, foi et culture s'enrichissent. Que son exemple nous aide à vivre là où nous sommes, sans renier qui nous sommes», a déclaré le pape.

Le chef de l'Église catholique s'est également permis d'attribuer un nouveau titre à sainte Kateri, celui de «protectrice du Canada». «Que Dieu bénisse les Premières Nations», a-t-il conclu.

Le «Lys des Mohawks»

Plusieurs Américains s'étaient déplacés pour rendre hommage à une sainte née dans ce qui est aujourd'hui l'État de New York. «Voici une petite amérindienne orpheline, illettrée et à moitié aveugle qui a eu un grand impact sur l'humanité. C'est tout de même incroyable», a dit Jack Casey, un avocat de 62 ans.

Parmi la foule, on trouvait également 250 fiers représentants de Kahnawake, où le «Lys des Mohawks» a trouvé refuge à la mission Saint-François-Xavier, jusqu'à sa mort qui est survenue en 1680, à l'âge de 24 ans.

«Nous avons attendu ce jour pendant 300 ans, indique de son côté Douglas Peter Lahache, 54 ans. J'ai eu les larmes aux yeux en pensant à nos ancêtres qui auraient aimé être ici.»

La délégation de Kahnawake devrait rencontrer Benoît XVI en privé, mercredi.

Le miraculé

Un garçon de 12 ans a déjà obtenu ce privilège hier. Il s'agit de Jake Finkbonner, dont la guérison miraculeuse de la bactérie mangeuse de chair en 2006 est attribuée à sainte Kateri. L'enfant originaire de Seattle a reçu l'eucharistie des mains de Benoît XVI au cours de la cérémonie.

«Kateri a toujours représenté l'amour de Dieu pour moi», a déclaré plus tard le gamin. À l'image de sa sainte, dont le visage était grêlé à la suite d'une petite vérole, de profondes cicatrices sillonnent les contours de sa bouche.

Figure de réconciliation

Des évêques canadiens rencontrés par La Presse espéraient que cette canonisation cimenterait la réconciliation entre l'Église catholique et les Premières Nations, amorcée en 1998.

La question des pensionnats catholiques, où 150 000 enfants autochtones ont été placés par le gouvernement jusque dans les années 70, était au coeur du litige. Une entente accordant des compensations aux victimes du programme d'endoctrinement a été signée en 2006.

Le cardinal Marc Ouellet, numéro quatre au Vatican, a évoqué ce rapprochement samedi soir lors d'un service spécial à la basilique romaine Saint-Jean-de-Latran. «Que l'influence et l'intercession de Kateri Tekakwitha apportent l'espoir, la réconciliation et la paix à nos communautés», a-t-il signalé.