Personne au Canada ne peut prendre au sérieux l'idée de relancer le pays dans un débat constitutionnel, selon le premier ministre Jean Charest.

A la veille de la rencontre du Conseil de la fédération, qui se tient à Québec de mercredi à vendredi, M. Charest a bien pris soin, mardi, de faire en sorte que la boîte de Pandore constitutionnelle ne vienne pas hanter les échanges qu'auront les premiers ministres des provinces et des territoires.

M. Charest réagissait aux propos tenus plus tôt en journée par le chef de l'opposition officielle, Mario Dumont, qui exhortait les premiers ministres à unir leurs voix pour faire pression sur Ottawa afin que le Québec soit reconnu comme une nation dans la constitution canadienne.

«Est-ce que, à ce moment-ci, il y a quelqu'un au Québec ou au Canada, quelqu'un de sérieux, qui propose une réouverture des négociations constitutionnelles? La réponse c'est non», a tranché M. Charest, lors d'une conférence de presse sur un autre sujet.

«Je ne connais pas de personne sérieuse qui propose ça à ce moment-ci», a-t-il ajouté, en précisant que de toute façon M. Dumont avait l'habitude de «changer de priorité» quotidiennement.

Le chef de l'opposition officielle a suggéré que le dossier constitutionnel soit ajouté à l'ordre du jour des premiers ministres, mais ce ne sera pas le cas.

«Qu'il s'agisse d'ouvrir la constitution, de quelque façon que ce soit, qu'on parle de réforme du Sénat, de la place du Québec au sein du Canada, ou d'autres sujets, comme la question des autochtones, il y a bien peu, voire pas du tout d'appétit pour ouvrir la constitution», parmi les premiers ministres du pays, a pour sa part déclaré celui du Manitoba, Gary Doer.

Le couvercle a donc été mis rapidement sur la marmite sous laquelle Mario Dumont tentait d'allumer le feu.

Selon le chef adéquiste, le Conseil de la fédération est un forum approprié pour parler de la place du Québec dans la constitution canadienne, et ce, même si le gouvernement fédéral n'y est pas représenté.

«Il n'y a pas de bon ou mauvais forum pour le premier ministre du Québec pour mettre de l'avant des intérêts du Québec aussi fondamentaux», a-t-il fait valoir.

D'où la pertinence, à ses yeux, de demander au premier ministre Charest de «préparer le terrain» d'une nouvelle ronde de négociations constitutionnelles, avec l'appui des premiers ministres des autres provinces.

Ainsi, suivant cette logique, le gouvernement fédéral interpréterait cette alliance entre les provinces comme une pression exercée pour relancer la joute constitutionnelle.

Si M. Dumont revendique que les provinces se commettent dans ce dossier, il veut aussi, du même souffle, que le gouvernement Charest privilégie les relations bilatérales Québec-Ottawa.

«J'ai toujours été mal à l'aise avec la banalisation du Québec, le fait qu'on crée une table où le Québec se retrouve un joueur sur 13», a-t-il fait valoir, faisant allusion au fait que le Conseil de la fédération regroupe à la fois les provinces et les territoires.

Il est revenu à la charge pour remettre en question l'existence même de l'organisme, qui n'a pas donné de résultats tangibles en faveur du Québec, selon lui.

A son avis, «tous ceux qui se posent des questions sur le Conseil de la fédération ont des raisons supplémentaires de s'en poser».

A l'initiative du gouvernement de Stephen Harper, la Chambre des communes a reconnu que le Québec formait une nation au sein du Canada. Mais M. Dumont voudrait maintenant que cette reconnaissance soit officiellement enchâssée dans la constitution.

Le chef adéquiste reproche au premier ministre Charest de manquer de leadership dans le dossier des relations interprovinciales et d'avoir «complètement perdu le contrôle de l'agenda».

Le Conseil de la fédération, une idée du premier ministre Jean Charest, a été créé en 2003. Il s'agit d'un forum servant à discuter des dossiers de relations interprovinciales et des positions communes à adopter vis-à-vis le gouvernement fédéral.

Au cours des trois prochains jours, les premiers ministres vont parler de mobilité de main-d'oeuvre, de règlement des différends commerciaux, de transport, d'énergie et de changements climatiques.

Sur cette question, M. Dumont exhorte les premiers ministres à se ranger derrière la stratégie québécoise, fondée sur une bourse du carbone, et non sur celle du chef de l'opposition de la Chambre des communes, Stéphane Dion, qui préconise la création d'une taxe sur le carbone.