Des entreprises américaines commercialisent depuis quelques années des «emballages intelligents» qui pourraient contribuer, font-elles valoir, à la détection de nombreuses bactéries, prévenant ainsi des intoxications alimentaires comme l'éclosion canadienne de listériose. Est-ce vrai? Pas si sûr.

La compagnie OnVu, par exemple, a conçu une étiquette qui indique l'historique de la température à laquelle a été conservée un produit. L'étiquette change de couleur s'il y a eu des changements de température qui ont pu en altérer la qualité. Une autre entreprise américaine, Food Quality Sensor International, fait même valoir qu'elle a conçu deux produits qui peuvent indiquer au consommateur que la quantité de bactéries dans la viande ou la volaille qu'il vient d'acheter est trop élevée. La compagnie produit une étiquette dont la couleur change lorsque le nombre de bactéries atteint 10 millions par gramme.

La même entreprise commercialise au coût de 89$ un petit gadget, de la taille d'un thermomètre électronique, qui indique en huit secondes si ce seuil fatidique de bactéries a été atteint dans une pièce de viande. Ce capteur de bactérie n'est pour l'instant en vente qu'aux États-Unis.

Question: est-ce que ça marche? «Je ne connais pas ce produit en particulier. Mais disons que je suis sceptique. Je trouve que le temps de réponse est assez bref. C'est un peu trop beau pour être vrai», estime le microbiologiste Michel Laverdière, de l'hôpital Maisonneuve-Rosemont. Quant aux étiquettes qui indiquent un bris dans la «chaîne du froid», elles ne seraient pas très utiles pour prévenir la bactérie Listeria, à l'origine de la listériose, puisque cette dernière se multiplie dans le froid, souligne-t-il.

De telles étiquettes pourraient cependant prévenir des infections à la bactérie E.Coli ou à la salmonelle, deux bactéries qui prolifèrent à la chaleur. «Mais s'il y a eu fluctuation dans la température de conservation de l'aliment, ça ne veut pas dire automatiquement qu'il n'est pas bon», souligne M. Laverdière. Le microbiologiste trouve cependant que d'un point de vue de consommateur, ces indicateurs pourraient être utiles. «Ça n'est pas fiable à 100%. Mais ça donne une idée au consommateur: il y a un doute sur ce produit», souligne Islem Yezza, de l'Institut technologique de l'emballage et du génie alimentaire.

De nombreux pays ont adopté les étiquettes qui indiquent que l'aliment a pu être exposé à des températures trop élevées. La chaîne Monoprix, en France, utilise désormais ce type d'étiquetage sur 400 produits. Les consommateurs apprécient manifestement l'initiative: en Angleterre, une autre chaîne de supermarchés a fait grimper de 30% les ventes des produits de sa marque maison en y apposant de telles étiquettes.

«Évidemment, tout emballage représente un coût supplémentaire pour le fabricant et le consommateur. Mais peut-être que les consommateurs vont commencer à valoriser la sécurité alimentaire et vont être prêts à payer pour cela», observe Sylvain Charlebois, spécialiste en sécurité alimentaire à l'Université de Regina.