La mystérieuse propagation d'une maladie de la peau aux alentours du lac Memphremagog soulève de vives inquiétudes sur l'état de ce joyau des Cantons-de-l'Est. Depuis le début de l'été, les autorités ont recensé une soixantaine de cas de dermatite du baigneur, amenant les écologistes à réclamer de nouvelles mesures pour protéger le vaste plan d'eau, infecté par les algues bleu-vert depuis un mois.

Malgré un léger voile de brume, l'après-midi est radieux à la plage des Cantons, à Magog. Une trentaine de vacanciers se prélassent sur le sable, des gamins rigolent en faisant la saucette. Dans l'horizon accidenté, on distingue le sommet triangulaire du mont Owl's Head.

Sur cette plage pittoresque, des dizaines de personnes ont ressenti des démangeaisons après s'être jetées à l'eau. Les plaques rouges, à peu près de la taille d'une pièce de 10 cents, sont le symptôme de la dermatite du baigneur, une maladie inoffensive, mais qui connaît une explosion dans le secteur depuis le début de l'été.

«Les autres années, on voyait seulement une ou deux plaques sur certaines personnes, raconte la sauveteuse Charlotte Gagnon. Mais là, on a vu des cas où les gens étaient couverts à la grandeur de leur corps.»

Depuis le début des années 2000, l'Agence de santé et des services sociaux de l'Estrie recevait quelques signalements épars chaque été. «C'est la première fois qu'on est informés d'une situation plus importante comme celle-là», constate Sonia Boivin, conseillère en santé environnementale à l'Agence.

«Tous les employés de la ville l'ont attrapée, affirme Gisèle Lacasse Benoît, présidente de Memphremagog Conservation inc. (MCI). Les enfants d'un camp de jour sont allés à la plage et, sur 13 enfants, 10 ont attrapé ça.»

La dermatite du baigneur est causée par un parasite qui infecte les canards et les outardes. Lorsque les bêtes lâchent des excréments dans l'eau, ils sont absorbés par les escargots qui, à leur tour, libèrent de minuscules larves qui s'accrochent aux nageurs. Si ceux-ci ne s'essuient pas dès qu'ils sortent de l'eau, ils sont piqués. Les démangeaisons qui en résultent disparaissent sans traitement au bout de sept à 10 jours.

Les autorités ont recensé 56 cas depuis le début de l'année. Et ils n'ont aucune idée de la cause de cette flambée.

La Ville de Magog a récemment aménagé des douches aux abords des plages publiques. Elle a posé des affiches aux entrées pour inciter les baigneurs à s'essuyer vigoureusement dès qu'ils sortent de l'eau. Et des plongeurs ont scruté le fond du lac pour cueillir les escargots.

Dégradation et algues bleu-vert

N'empêche, estime la présidente de MCI, la propagation de la maladie est un nouveau signe de la dégradation du lac Memphremagog, qui s'étend sur plus de 40 kilomètres entre Magog et Newport, au Vermont. Au cours des dernières années, on y a observé une multitude de nouvelles plantes aquatiques, tandis que le taux d'oxygène dans l'eau diminue.

Et même si le ministère de l'Environnement n'en fait pas mention sur son site web, les algues bleu-vert, apparues dans le lac Memphremagog pour la première fois en 2006, sont de retour plus tôt que jamais cet été. Elles ont été découvertes le 20 juin. En 2007, elles étaient apparues le 15 juillet. Plusieurs villes riveraines ont obligé les propriétaires à reboiser les abords du lac. En effet, les terrains tondus jusqu'au bord de l'eau sont de véritables autoroutes pour le phosphore, la principale source de pollution.

«Les villes ont légiféré, mais très timidement, déplore Mme Lacasse Benoît. La plupart n'ont voté que cinq mètres de protection, alors que la politique gouvernementale en prévoit 10.»

Elle réclame des mesures plus musclées pour protéger les rives et plus d'efforts des agriculteurs pour réduire les effets de l'épandage d'engrais sur le lac. Sans quoi l'éclosion de la dermatite du baigneur pourrait n'être que le signe avant-coureur de problèmes bien plus graves.