Au tournant de 2000, lorsque Jean-Luc L'Écuyer a lancé sa ferme de sangliers, il rêvait de deux choses : vendre sa viande exotique au détail, et aménager un enclos de chasse pour les amateurs. Huit ans plus tard, on le retrouve dans les marchés publics de l'Outaouais à faire griller des saucisses. Rêve déchu ?

Au tournant de 2000, lorsque Jean-Luc L'Écuyer a lancé sa ferme de sangliers, il rêvait de deux choses : vendre sa viande exotique au détail, et aménager un enclos de chasse pour les amateurs. Huit ans plus tard, on le retrouve dans les marchés publics de l'Outaouais à faire griller des saucisses. Rêve déchu ?

"Non ! Ce qui me rend heureux, c'est que les gens dégustent mon produit et l'apprécient, confie cet ancien croupier du Casino du Lac-Leamy. Aujourd'hui, je le vois à chaque fois que j'en sers et je rejoins plus le monde en faisant ce que je fais."

N'empêche que c'est loin du rêve original.

"Pour l'enclos de chasse, il m'aurait fallu 25 acres de terre. J'en ai 7... et accidenté en plus.

"Puis l'élevage, c'est bien beau mais j'aime bien mieux être avec le monde que les deux pieds dans la boue avec les sangliers."

Ne croyez pas qu'il n'aime pas ses bêtes. Mais la réalité de la vie lui a enseigné d'autres réalités. Comme le fait que les restaurateurs veulent tous les mêmes découpes : des carrés, des filets, des rôtis, etc.

"J'ai fait le décompte et il est plus rentable pour moi de ne produire que des sangliers pour la viande, que j'utilise toute pour la saucisse - sauf le filet, un gaspillage de qualité qui serait contre ma religion !", s'exclame Jean-Luc L'Écuyer.

"Il y avait toujours eu une demande énorme pour mes saucisses. Et c'était mon produit le plus profitable." Il a donc obéi aux implacables lois du marché. C'est de la saucisse que le monde veut ? C'est de la saucisse qu'ils auront !

"Puis il ne faut pas se compter d'histoires. Les gens ont de la difficulté à se faire cuire un oeuf aujourd'hui. Alors la saucisse, préparée sur le barbecue ou dans la poêle, cela répond tout à fait à leur niveau de compétence."

La moitié de ses ventes

Au fil des ans, il a conçu six types de saucisses. Le test est frappant. Peu importe la variété (miel et ail, poivre, etc.) ceux qui prennent une bouchée en échantillon se laissent convaincre facilement d'en prendre toute une en sandwich, ou en paquet de six, un peu plus de 600 grammes pour 10 $.

Il court les marchés, où il écoule la moitié de sa production. "Les marchés de Hull et de Wakefield, où je vais, sont très bons pour rejoindre de nouveaux consommateurs, croit l'éleveur. Pour le reste, je vends environ 15 % de ma production à la ferme, à Farrellton, et le dernier tiers à des restaurants. Le chef Charles Part, du restaurant Les Fougères à Chelsea, par exemple, est un fidèle client... qui a pris l'habitude d'acheter la bête en carcasse. Pas de chichi à vouloir ceci mais pas cela, dans une portion de 225 grammes mais pas 350, c'est lui et son équipe en cuisine qui s'occupent de tailler les pièces qu'ils veulent."

L'importance du marché de la saucisse n'a rien de quoi encourager de jeunes producteurs de sangliers comme Simon Durand, dont je vous parlais plus tôt cette année (Foi d'Obélix, l'Outaouais a ses sangliers, 9 janvier). Lui qui disait miser sur les préjugés positifs des consommateurs qui savent ce qu'est un sanglier grâce aux bandes dessinées Astérix, voilà que son collègue de Farrellton ne mise que sur la saucisse pour rentabiliser sa petite entreprise de 70 têtes, et majoritairement des bêtes plus âgées.

(L'Outaouais compte deux autres producteurs de sangliers : Yvan Joly, de la Ferme des Toits bleus, à Deléage, et François Rieux, de Sangliers Petite-Nation, à Notre-Dame-de-la-Paix.)

Plus rentable

La saucisse, enfin, est plus rentable que les découpes, selon Jean-Luc L'Écuyer, car toute transformation est plus rémunératrice que la vente du produit non transformé.

Parce que la viande de sanglier est très maigre, la Ferme Par Toutatis préfère ne pas vendre une saucisse 100 % sanglier. Les consommateurs y portent-ils attention ?

"Non, sauf ceux qui ont des allergies au gluten. Car j'ajoute de la farine en plus d'un peu de viande de porc. Cela garde le gras dans la saucisse et procure donc une saucisse plus juteuse. Ceux qui la font cuire à la poêle s'aperçoivent bien qu'il n'y a pas un fond de gras à la fin de la cuisson. La saucisse n'a pas ratatiné, elle est encore bien grosse."

Le goût est meilleur, est-il convaincu par la réaction de ses clients.

Même si son troupeau a bien décliné, de 225 à 70 bêtes à cause d'une mauvaise gestion de ses femelles reproductrices, Par Toutatis tire encore son épingle du jeu. Même si ça veut dire ne pas vendre de belles coupes nobles à des restaurants huppés, et vendre des saucisses sur barbecue aux marchés publics de l'Outaouais. Il faut croire qu'il y a trouvé son bonheur !

Ferme Par Toutatis,

60, chemin Woods,

Farrellton, Qc.

819-459-1881

pjury@ledroit.com

LE TOUR DES MARCHÉS

Marché Notre-Dame

Rue Notre-Dame, Gatineau

Dimanche de 10 h à 14 h

Du 29 juin jusqu'au 7 septembre

Information : 819-669-2224

Ne quittez pas le marché sans découvrir la qualité de la viande de bison de la ferme Takwanaw ;

- vous laisser charmer par le sourire de Judith des Paniers d'Hélène ;

- ramener la potion magique du Clos Baillie.