C'est au centre de Dianova, à Terrebonne, que le fils du hockeyeur Guy Lafleur a subi un programme post-désintoxication de quatre mois. Dianova est une association à but non lucratif enregistrée au Québec depuis 1994. Créée en 1974 en France, elle s'appelait alors Le Patriarche. Elle a changé de nom après ses démêlés avec la justice française, a appris La Presse.

Fondée par un ex-brocanteur qui voulait venir en aide aux drogués, Lucien J. Engelmajer, l'association a été financée par l'État français jusqu'en 1998, recevant jusqu'à 6,6 millions de francs par an. Elle était alors une multinationale qui fournissait des soins aux toxicomanes dans 210 centres de 17 pays, dont le Canada. En France, elle hébergeait 2500 pensionnaires dans 67 centres en 1994.

Même si sa thérapie a permis à de nombreux drogués de s'en sortir, ses méthodes étaient décriées. Le sevrage qu'elle appliquait coupait le toxicomane du monde extérieur.

De plus, elle avait des holdings enregistrés dans des paradis fiscaux, comme le Luxembourg ou le Liechtenstein. La justice a commencé à s'intéresser à l'association en 1985 à cause de son opacité financière. En 1995, Le Patriarche est même inscrit au répertoire français des sectes.

Du coup, en 1998, la France cesse de la financer. Le fondateur est écarté. Sa «vision autarcique des choses» était remise en question à l'interne, dit le directeur général de Dianova Canada, Bruno Ferrari, qui travaille pour l'association depuis 25 ans.

Changement de nom

En 2001, une juge d'instruction française délivre un mandat d'arrêt international contre le fondateur du Patriarche pour «viols et tentatives de viols sur mineurs de moins de 15 ans». L'association change alors de nom pour Dianova. Elle cesse ses activités en France, notamment à cause de la pression médiatique, mais les poursuit à l'étranger.

La justice suit son cours. Les juges retrouvent la trace de dizaine de millions d'euros. Un procès se déroule en 2006 contre 13 personnes. Lucien Engelmajer est condamné par défaut à cinq ans de prison: il s'est réfugié au Belize, en Amérique centrale, où les mandats d'arrêt internationaux n'ont pas de valeur et où il meurt en 2007 à l'âge de 87 ans.

Au procès, de nombreux témoins défilent. Les chefs d'accusation sont : abus de biens sociaux, complicité de faux, blanchiment, recel, abus de faiblesse, escroquerie, abus de confiance. Parmi les accusés : Jean-Paul Séguéla, ancien député de la Haute-Garonne et conseiller de 1993 à 1995 de Charles Pasqua, l'ex-ministre français de l'Intérieur. M. Séguéla est accusé d'avoir reçu six millions de francs de la part de M. Engelmajer.

Il est condamné à trois ans de prison dont un avec sursis, interdiction de quatre ans de ses droits civiques et 50 000 euros d'amende. Sa peine a été confirmée en appel le 30 avril dernier. Plusieurs autres responsables ont été condamnés à de la prison, dont un des fils du fondateur, Kim Engelmajer.

«En première instance, écrivait l'AFP en avril, le procureur avait estimé que l'association du Patriarche, qui recueillait des dons au profit des toxicomanes, s'était révélée 'une secte qui a exploité sans vergogne' ses pensionnaires 'pour construire un empire colossal' avec des ramifications dans de nombreux pays d'Europe et des Amériques.»

Changement de cap

Dianova est aujourd'hui présent dans 12 pays. Au Québec, elle a ouvert un centre à Nominingue en 1994 avant de déménager à Terrebonne en 2006, un investissement de plus d'un million. Elle peut y accueillir 35 pensionnaires. Dianova est certifié depuis 2002 par le ministère de la Santé et des services sociaux du Québec.

Bruno Ferrari a expliqué en détail à La Presse l'évolution de l'organisme. Il a connu les deux époques : celle controversée en France et celle qui a vu en 2007 le Conseil économique et social des Nations unies (ECOSOC) accorder à Dianova International un « statut consultatif spécial » auprès de l'ONU.

Il dit que Dianova a débuté ses activités au Québec grâce à des fonds européens qui ont permis d'ouvrir le centre de Nominingue. À ce moment-là, Le Patriarche s'était lancé dans diverses activités parallèles, comme l'ouverture d'une pâtisserie dans le Vieux-Montréal, mais, depuis, elles ont toutes été abandonnées.

«C'est vrai que ça donnait une impression de nébuleuse, mais en 1998 on a changé nos façons de voir les choses et on a mis nos pratiques à plat, dit M. Ferrari. Aujourd'hui, on oriente les gens vers des hôpitaux pour la désintoxication et on ne fait plus que la réhabilitation. On s'est arrimé avec d'autres organismes pour la réinsertion, comme le centre Delta ou L'Exode qui dirigent les gens vers des logements.»

L'époque où les toxicomanes étaient isolés du reste du monde, vendaient le journal Antitox dans la rue et buvaient de la tisane de coquelicot est-elle terminée?

«Depuis longtemps, répond Bruno Ferrari. On a tiré un trait sur cette époque. On était remplis de bonne volonté. C'était la résultante d'une autre époque. Tous les organismes qui travaillaient en toxicomanie ont changé leur approche. Aujourd'hui, notre programme s'inscrit dans un continuum d'interventions. Il est complémentaire à ce qui existe au Québec pour venir en aide aux toxicomanes et aux personnes souffrant de dépendances.»

Robert Manningham, responsable d'Atelier Habitation Montréal qui a trouvé la maison de la rue Saint-André, est au courant du passé de Dianova. «Ils sont maintenant reconnus par les Nations unies et ont fait des changements majeurs dans leur structure, dit-il. Cela n'a plus rien à voir avec ce que c'était auparavant. La Maison du Père et l'Accueil Bonneau réfèrent énormément de gens à Dianova.»

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Les activités de Dianova pour les toxicomanes

- Programme de 4 mois en «milieu de vie».

- Coût: 1800 $ par mois. Les bénéficiaires du bien-être social et les chômeurs ne paient pas.

- Certifié par Québec, mais non financé par le public sauf pour des projets particuliers.

- 50% de ses revenus viennent des programmes de 4 mois.

- Reçoit une centaine de personnes par an à Terrebonne.

- Dianova est membre du RAPSIM (Réseau d'aide aux personnes seules et itinérantes de Montréal).

- Informations : www.dianova.ca