La deuxième vague de la pandémie frappe fort, et les voyages non essentiels sont plus découragés que jamais. Mais le vaccin est là, et Ottawa pense que la plupart des Canadiens pourront avoir reçu leurs doses avant la fin de septembre. D’ici là, mieux vaut-il se contenter de rêver à un départ… en 2022 ?

L’automne dernier, l’industrie du voyage a cru pendant quelques semaines au début d’une relance. Or, l’aggravation de la situation sanitaire au pays et l’apparition d’un variant plus contagieux du coronavirus ont secoué l’opinion publique et provoqué une nouvelle paralysie dans le monde du voyage au début de l’année.

Pour les autorités, l’affaire est entendue : même si la vaccination a commencé, il est trop tôt pour courir le monde de façon sécuritaire. Et nombre de vacanciers qui pensaient passer un moment au soleil cet hiver semblent s’y résigner. Sur les ondes de Radio-Canada, le président du Conseil du trésor Jean-Yves Duclos a ainsi affirmé qu’environ 50 000 Canadiens avaient annulé leur voyage pour la semaine de relâche au cours des derniers jours.

Pour décourager les voyages, Ottawa exige désormais un test de COVID négatif pour rentrer au pays. Et d’autres mesures s’ajouteront probablement aussi sous peu pour renforcer le message, laisse entendre le gouvernement fédéral. S’il hésite à interdire les voyages non essentiels pour des raisons constitutionnelles, il pourrait en revanche imiter la Nouvelle-Zélande et forcer tous ceux qui arrivent de l’étranger à passer leur quarantaine de 14 jours à l’hôtel et à leurs frais.

Dans les circonstances actuelles, planifier un voyage devient périlleux. Et comme il est impossible de prévoir avec exactitude quand il sera à nouveau raisonnable de se rendre à l’étranger, certaines agences de voyages consultées par La Presse préfèrent faire l’impasse sur l’année qui s’amorce. « Avec la pandémie, on se rend compte qu’on ne contrôle absolument rien », explique Ariane Arpin-Delorme, fondatrice de l’agence de voyages Esprit d’Aventure.

Ça n’a jamais été aussi difficile de se projeter dans le futur. La reprise se fera probablement plus en 2022…

Ariane Arpin-Delorme, fondatrice d’une agence de voyages

La situation peut sembler désespérante, mais le propriétaire de l’agence Explorateur, Philippe Birer, refuse de se laisser abattre par le pessimisme ambiant. « On ne planifie rien jusqu’au début de l’été, mais on a repris contact avec notre clientèle pour des voyages de groupe à partir de septembre 2021, dit-il, et nos ventes sont en avance par rapport à celles du début de 2020. »

« Bien entendu, nos voyageurs n’iront nulle part si la situation sanitaire ne s’est pas améliorée, précise M. Birer. Il faudra que les frontières soient ouvertes et que la vaccination ait bien progressé. Pour tous nos inscrits, le dépôt est remboursable jusqu’à 60 jours avant le départ. Et s’ils attrapent la COVID-19 ensuite, ils seront aussi remboursés. »

Si on veut relancer l’industrie du voyage, il faut commencer quelque part.

Philippe Birer, propriétaire d’une agence de voyages

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

La mer Morte, en Israël. L’agence Explorateur planifie un voyage de groupe dans ce pays du Moyen-Orient dès l’automne.

Un groupe pour un voyage en Israël, où la vaccination va bon train, affiche d’ailleurs déjà complet pour l’automne, précise Philippe Birer.

Tolérance à l’inconnu

CAA-Québec, qui possède une agence de voyages, table pour sa part sur une reprise plutôt vers la fin de 2021 ou le début de 2022. « On a les reins solides, on peut attendre, explique le porte-parole Pierre-Olivier Fortin. Pour l’instant, on invite la clientèle à planifier des voyages pour plus tard. Un voyage à Disney ou une croisière, COVID-19 ou pas, ça se prépare d’ailleurs un an à l’avance et même plus. »

Ceux qui voudraient profiter de bons prix pour réserver un voyage dès l’été prochain devraient s’attendre à devoir modifier leurs plans à tout moment, ajoute M. Fortin. Rien ne garantit qu’il sera sage, ou même possible, de voyager si tôt. En cas de changements provoqués par la pandémie, « il y a une certaine flexibilité à peu de frais, mais ça ne convient pas à tout le monde, explique-t-il. On ne recommande à personne d’acheter maintenant, mais ça dépend de la capacité de chacun à composer avec l’inconnu ».

Pour minimiser les inconvénients, même dans un horizon plus lointain, l’Office de la protection du consommateur (OPC) recommande aux voyageurs de « verser le plus petit montant possible en guise de dépôt au moment de la réservation », de « payer par carte de crédit » et de « souscrire à une assurance annulation de voyage, en prenant soin de bien y vérifier les conditions de couverture ».

Bien entendu, l’OPC insiste sur l’importance de suivre les avis d’Ottawa sur les voyages, faute de quoi l’« admissibilité à un remboursement ou à une indemnisation par le Fonds d’indemnisation des clients des agents de voyages » serait compromise, précise l’organisme gouvernemental. L’OPC encourage aussi les voyageurs à « faire affaire avec un agent de voyages titulaire d’un permis du Québec ». En cas de pépins — pour obtenir un remboursement d’assurances, par exemple —, un agent de voyages rompu aux aléas du métier serait un allié précieux.

Au Québec pour deux ans

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

La route des Géants, entre Baie-Comeau et Fermont, sur la Côte-Nord. La blogueuse Lydiane St-Onge prévoit passer les deux prochains étés au Québec, le temps que la pandémie se calme pour de bon.

Lydiane St-Onge, du blogue Lydiane autour du monde, n’a pour sa part aucune envie de jongler avec les conditions « parfois chiantes » des uns ou les restrictions « imprévisibles » des autres. Et ne souhaite plus rester dans l’incertitude quant à ses prochains voyages à l’étranger. « J’ai décidé d’arrêter d’espérer, lance-t-elle au bout du fil. Jusqu’à la fin de la pandémie, je vais rester au Québec et profiter de la nature ici. On n’a vraiment pas vu le bout de ça… »

Planifier des vacances à l’étranger dans les circonstances actuelles, à mon avis, c’est mettre son argent à risque.

Lydiane St-Onge, blogueuse

Celle qui s’est bâti une carrière en parcourant la planète cherche actuellement une roulotte pour explorer le Québec au cours des deux prochaines années. « Je viens de m’acheter une petite maison, lâche-t-elle, et j’ai bien hâte d’aménager la cour arrière. » Pour une globe-trotter, c’est tout dire.