Même si certaines régions du monde ne sont pas encore accessibles à tous, reste un lieu où personne ne vous interdira de vous rendre : dans les étoiles. Et comme tout bon touriste, on aime bien revenir avec quelques photographies en poche. Comme le dit l’astrophotographe Robert Saint-Jean, capter les objets célestes, « ça peut être très simple… mais ça peut aussi devenir très compliqué », selon ce que l’on souhaite croquer. Ce dernier ainsi que le photographe de La Presse Hugo-Sébastien Aubert nous fournissent quelques notions de base pour débuter.

Avant de commencer : s’initier au ciel

Avant tout, s’initier à l’astronomie est généralement prérequis avant de se lancer dans l’astrophotographie. Et plus on avance dans la discipline, mieux on doit connaître le ciel. Pour nous aider, la Fédération des astronomes amateurs du Québec (FAAQ) et la Société d’astronomie du Planétarium de Montréal (SAPM) offrent cours et ateliers d’astronomie, certains axés sur la photo. « On recommande fortement de se procurer d’abord des jumelles pour se familiariser avec le ciel », conseille Robert Saint-Jean, coordonnateur du programme d’astrophotographie à la FAAQ. De nombreux manuels et sites internet, ainsi que des applications gratuites (M. Saint-Jean prescrit Stellarium) sont facilement accessibles. À noter que la SAPM et l’astronome amateur Claude Duplessis publient chaque mois un calendrier des évènements et objets célestes observables.

> Consultez le calendrier de Claude Duplessis

> Consultez le site de la Société d’astronomie du Planétarium de Montréal

Avant de commencer, bis : maîtriser son matériel

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Avant de se lancer en astrophotographie, mieux vaut s’initier à l’astronomie et connaître les techniques de base de la photographie. Ici, M. Saint-Jean observe le Soleil, avec un filtre. 

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Grâce à un adaptateur, on peut facilement fixer un boîtier réflex sur une lunette ou un télescope, à moindre coût. 

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Placement d'un adaptateur sur un boîtier.

Autre exigence, il faut connaître son matériel, lequel peut être assez simple au départ, pour devenir de plus en plus complexe (et onéreux) à mesure qu’on progresse : cela peut aller du simple téléphone intelligent, en passant par un boîtier reflex, jusqu’aux télescopes monstrueux. Dans tous les cas, le matériel photo doit pouvoir être utilisé en mode manuel et on doit connaître les principes de base des paramètres (sensibilité, temps d’exposition, ouverture, etc.).

Niveau facile : un ciel étoilé

PHOTO HEINZ-PETER BADER, REUTERS

Un appareil photo avec des réglages manuels, un objectif grand-angle, un trépied : voilà une bonne base pour capter des ciels étoilés et des étoiles filantes, comme ici pendant une nuit des Perséides.

Un appareil photo en mode manuel installé sur un trépied pointé vers un beau ciel dégagé et étoilé, voilà une façon simple de commencer. Un objectif grand-angle sera nécessaire, ainsi qu’un déclenchement à retardement ou à distance. Après, on joue avec les paramètres jusqu’à trouver la bonne combinaison. « On utilise l’ouverture maximale possible pour la lentille [la valeur f/doit être la plus petite possible], on augmente doucement l’ISO et on compense avec un temps d’exposition plus long, sans dépasser les 25 à 30 secondes, car au-delà, la netteté sera affectée, notamment à cause de la rotation de la Terre », conseille notre photographe Hugo-Sébastien Aubert. Il précise que les appareils récents permettent de meilleurs rendus en haute sensibilité (3200 ISO et plus). La mise au point (le focus) se fera manuellement sur le sujet visé, ou peut être réglée sur l’infini. Moins il y aura de pollution lumineuse environnante, plus les photos seront réussies. On peut aussi s’amuser à chercher, par exemple, la Voie lactée — il faudra peut-être dans ce cas prendre une série de photos avec le même cadrage, puis toutes les compiler avec un logiciel (Photoshop, Lightroom, LR Timelapse, etc.).

Niveau intermédiaire : la photo circumpolaire

PHOTO GETTY IMAGES

Des poses longues multiples sur trépied permettent d’obtenir des photos circumpolaires, où les étoiles forment des arcs ou des cercles. Ici, une photographie de ce genre réalisées par un professionnel pendant de longues heures.

Quand on est à l’aise avec les rudiments de la prise de photo de ciel étoilé, on peut prendre le contrepied du principe des étoiles nettes, en effectuant des séries à très longue exposition, toujours sur trépied. « Les étoiles vont alors laisser une trace. Cela donne de très belles photographies », note Robert Saint-Jean. Hugo-Sébastien Aubert recommande l’utilisation d’un intervallomètre, petit boîtier qui permet de programmer automatiquement le nombre et la durée des photos prises (fonction parfois intégrée à l’appareil photo). « Quand la nuit est bien sombre et bien étoilée, tu vas pouvoir aller chercher des arcs », dit-il. Là aussi, la compilation d’une série de photos avec un logiciel donnera les meilleurs résultats.

Un cellulaire ? Possible, mais pas facile

Faire de l’astrophotographie avec un cellulaire, c’est possible, mais pas évident. « Il existe des adaptateurs avec un support dans lequel on peut insérer le téléphone et l’attacher sur l’oculaire. Mais ce n’est pas facile », prévient M. Saint-Jean, d’autant plus qu’un téléphone ne permet généralement pas de prendre de longues poses.

Pour débuter : des planètes sur notre palier

  • Des images d’une éclipse de Lune captées par Robert Saint-Jean en 2017. Elles ont été prises avec un boîtier Canon Rebel T5i monté sur une lunette TMB130ss.

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    Des images d’une éclipse de Lune captées par Robert Saint-Jean en 2017. Elles ont été prises avec un boîtier Canon Rebel T5i monté sur une lunette TMB130ss.

  • La nébuleuse de la Trompe d’éléphant dans la constellation de Céphée, prise par M. Saint-Jean en 2018. Il s’agit de la compilation de 19 photos prises avec une exposition de 300 secondes chacune. De la très haute voltige !

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    La nébuleuse de la Trompe d’éléphant dans la constellation de Céphée, prise par M. Saint-Jean en 2018. Il s’agit de la compilation de 19 photos prises avec une exposition de 300 secondes chacune. De la très haute voltige !

  • NGC 6946, la galaxie du Feu d’artifice, est une galaxie spirale située à environ 22,5 millions d’années-lumière de la Terre. La prise de cette image est très technique et exige du matériel spécialisé. 

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    NGC 6946, la galaxie du Feu d’artifice, est une galaxie spirale située à environ 22,5 millions d’années-lumière de la Terre. La prise de cette image est très technique et exige du matériel spécialisé. 

  • Image de Jupiter. À ceux qui seraient tentés de faire une remarque sur la netteté, rappelons que la planète se situe à plus de 600 millions de kilomètres de leur foyer.

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    Image de Jupiter. À ceux qui seraient tentés de faire une remarque sur la netteté, rappelons que la planète se situe à plus de 600 millions de kilomètres de leur foyer.

  • La grande galaxie d’Andromède est l’un des plus grands objets du ciel et l’un des rares qui soient visibles à l’œil nu dans un ciel bien noir.

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    La grande galaxie d’Andromède est l’un des plus grands objets du ciel et l’un des rares qui soient visibles à l’œil nu dans un ciel bien noir.

  • Superbe capture de la grande nébuleuse d’Orion. Elle a été prise en milieu semi-urbain (banlieue de Montréal) avec une caméra numérique non modifiée installée sur une lunette et une monture très stable. Au total, 11 images de 120 secondes chacune ont été empilées pour produire le résultat final. Wow !

    PHOTO ROBERT SAINT-JEAN, TIRÉE DU SITE WEB OBSERVATOIRE URBAIN

    Superbe capture de la grande nébuleuse d’Orion. Elle a été prise en milieu semi-urbain (banlieue de Montréal) avec une caméra numérique non modifiée installée sur une lunette et une monture très stable. Au total, 11 images de 120 secondes chacune ont été empilées pour produire le résultat final. Wow !

1/6
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Notre lune et certaines planètes de notre système solaire, comme Mercure, Vénus, Mars, faciles à trouver, ou encore Jupiter et Saturne, peuvent être photographiées sans exiger d’artillerie lourde. « On peut installer un petit adaptateur, qui coûte une vingtaine ou une trentaine de dollars, sur un boîtier d’appareil photo à objectif interchangeable et l’insérer sur un petit télescope, qui n’a pas besoin d’être motorisé », explique Robert Saint-Jean. Étant relativement proches et lumineux, ces objets ne nécessitent pas de longs temps d’exposition. Les photos peuvent même être prises en ville, malgré la pollution lumineuse, précise M. Saint-Jean.

Niveau moyen : astéroïdes, galaxies et objets lointains

PHOTO AMR ABDALLAH DALSH, REUTERS

Plus on s’éloigne des villes, moins la pollution lumineuse vient parasiter les photos. Ici, en plein désert égyptien, on distingue clairement la Voie lactée.

Si l’on souhaite aller au-delà et photographier d’autres planètes, des astéroïdes, des comètes ou certaines galaxies et nébuleuses, c’est là que les choses se corsent et qu’un télescope motorisé et plus performant est requis. Pourquoi ? « Dans ce cas, un temps d’exposition plus long est nécessaire et le télescope motorisé va compenser le mouvement de rotation de la Terre », explique Robert Saint-Jean. Sans cela, les photos seraient floues. On doit également maîtriser la « mise en station », c’est-à-dire le réglage de la monture, pour qu’elle soit parallèle à l’axe de la Terre (oui, ça devient compliqué !).

Il faut fuir les zones de pollution lumineuse (les villes, donc) et les connaissances en astronomie deviennent aussi indispensables. « Ça demande vraiment une connaissance du ciel, des principales constellations et de notre position par rapport aux points cardinaux », avertit l’astrophotographe.

Mais la récompense est là : « Avec un tel équipement, on peut imager des détails de la Lune, le Soleil avec un filtre approprié, toutes les planètes, astéroïdes et comètes du système solaire, et la quasi-totalité des 110 objets du catalogue Messier, qui regroupe les galaxies les plus brillantes, des nébuleuses, des amas d’étoiles », dit, en nous faisant rêver, M. Saint-Jean. 

Pour les objets moins lumineux, un traitement d’image sera nécessaire. L’astrophotographe conseille les logiciels de base Photoshop Elements ou The Gimp aux débutants qui ne souhaitent pas investir.

Pour aller encore plus loin et capter d’autres objets plus sombres du « ciel profond » (au-delà du Système solaire), on parle d’un autre monde, accessible avec des instruments très performants (dont le prix se chiffre en dizaines de milliers de dollars…), des traitements logiciels, des temps d’exposition de plusieurs minutes, etc. Mais ceci est une autre histoire, réservée aux experts…

Quel premier télescope choisir ?

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Un télescope Orion Starblast. Les magasins locaux spécialisés en astronomie sauront vous donner les meilleurs conseils pour acquérir du matériel selon votre niveau et le type de photo recherchée. 

Une fois familiarisé avec les principes de base de l’astronomie et de la photographie, on peut songer à acquérir un premier télescope. Robert Saint-Jean déconseille fortement de magasiner auprès de la grande distribution, préconisant plutôt de se tourner vers les magasins spécialisés locaux (par exemple, La maison de l’astronomie à Montréal). « On peut s’équiper convenablement avec un télescope de type Newton, de 6 à 8 po de diamètre, non motorisé, ce qui serait suffisant pour des planètes et la Lune », indique l’astrophotographe, disant prévoir au moins 500 $ pour cela. Pour un télescope motorisé, les tarifs débutent à 1000 $… et tendent vers l’infini. S’assurer qu’un boîtier réflex est adaptable.

> Consultez le site de La maison de l’astronomie

Consultez le site d’Astronomy Plus (en anglais)

Un projet intéressant, mené par la FAAQ : certaines bibliothèques québécoises permettent le prêt de télescopes, notamment à Laval et Rimouski. Le programme est en cours d’implantation dans une dizaine de bibliothèques, mais pas encore à Montréal.

Pour voir toutes les photographies célestes de Robert Saint-Jean :

Consultez le site de l’Observatoire urbain