Les Québécois atteints de la COVID-19 l’ont contractée en voyage à l’étranger. C’est pourquoi le premier ministre François Legault a annoncé un train de mesures concernant les déplacements, et surtout, les retours au Québec. Vous avez un voyage prévu sous peu ? Voici quelques pistes pour y voir plus clair.

Partir ou non en voyage ?

La situation a changé du tout au tout depuis que François Legault a recommandé à tous les voyageurs de se placer en isolement pendant 14 jours à leur retour de l’étranger. La question n’est plus tant de savoir où partir, mais dans quelles conditions se fera le retour. La quarantaine sera obligatoire pour les employés de l’État, les travailleurs des réseaux de la santé, de l’éducation et des services de garde publics et privés. Partir c’est une chose. Revenir au travail ou à l’école, c’en est une autre.

Quelles restrictions pour quels pays ?

À l’heure actuelle, le Canada recommande d’éviter tout voyage non essentiel dans trois pays en raison de la COVID-19 : l’Iran, la Chine et l’Italie (niveau 3). Pour sept autres pays (France, Allemagne, Espagne, Corée du Sud, Singapour, Hong Kong, Japon), les voyageurs sont invités à prendre des précautions d’hygiène spéciales (niveaux 1 et 2).

> Consulter les avis aux voyageurs émis par Affaires mondiales Canada

Mais dans les faits, les restrictions sont beaucoup plus complexes. Plusieurs pays ont adopté des mesures variées, notamment les États-Unis : aucun étranger ayant été physiquement présent dans l’un des 26 pays de l’Union européenne pendant les 14 jours précédents ne sera autorisé sur le territoire américain. Autres exemples : vous ne pourrez entrer en Autriche si vous avez transité par l’Italie avant, et l’Inde et Israël vous interdiront l’accès, peu importe d’où vous arrivez. Pour éviter les mauvaises surprises : consultez le site de l’IATA qui tient une liste à jour de toutes les restrictions.

Voyage annulé : quel remboursement ?

Tout dépend de la raison de l’annulation et de la police d’assurance contactée au moment de l’achat. Une assurance de base remboursera généralement les dépenses liées à l’annulation ou à l’interruption d’un voyage si le gouvernement du Canada émet un avis consulaire dictant d’éviter tout voyage non essentiel (niveau 3) ou d’éviter tout voyage (niveau 4). Par contre, pour les pays visés par des avis de niveau 1 et 2, ou pour lesquels aucun avis n’a été émis, l’assurance annulation n’offre aucun remboursement. Les voyageurs qui ont peur de partir ne seront donc pas remboursés. Idem si l’on change ses plans parce que l’évènement auquel on souhaitait assister – les Jeux olympiques de Tokyo, par exemple – est annulé ou reporté. « On recommande toujours de prendre une assurance voyage, mais encore plus dans les conditions actuelles », dit Joan Weir, directrice des politiques maladie et invalidité de l’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes. Les personnes qui ont prévu voyager au cours de l’été vers la Chine, l’Iran ou l’Italie, ou alors en croisière, peuvent décider dès maintenant d’obtenir un remboursement de leur assurance annulation, ou attendre à plus tard.

Sans assurance, quels sont les recours ?

À moins qu’un avis consulaire de niveau 4 soit émis par Ottawa, ils sont assez minces. Dans le contexte actuel hors du commun, « les compagnies aériennes ont beaucoup assoupli leurs politiques », remarque Moscou Côté directeur de l’Association des agents de voyage du Québec. Air Transat, West Jet et Air Canada permettent de modifier sans frais les voyages des modifications gratuites pour tout départ avant le 30 avril ; Sunwing autorise les reports pour les forfaits tout-inclus, mais il faudra payer un supplément si le tarif est plus élevé à la nouvelle date choisie. Si un avis de niveau 4 est émis, le transporteur aérien ne pourra plus assurer le service vendu et devra rembourser le client, explique Moscou Côté.

Et les croisières ?

Le gouvernement a recommandé le 10 mars d’éviter tout voyage en croisière. Les personnes ayant acheté une croisière avant cette date, et qui détiennent une assurance annulation, peuvent donc obtenir un remboursement, incluant pour les frais afférents à la croisière, comme l’hôtel et le billet d’avion pour se rendre au point de départ. Sauf exception, l’achat avec une carte de crédit « or » ou « voyage » ne suffira pas pour obtenir un remboursement. « Par contre, il y aura un remboursement complet si c’est le croisiériste qui annule le service », observe Joan Weir. Le géant de l’industrie, Carnival, a annoncé jeudi qu’il annulera les départs prévus au cours des 60 prochains jours : les passagers peuvent être remboursés ou obtenir un crédit « généreux » pour un voyage futur.

Ceux qui sont actuellement en croisière et qui souhaitent rentrer au pays avant la fin peuvent aussi demander à leur compagnie d’assurance de payer leur rapatriement, si leur contrat prévoit une clause à cet effet. Il n’y aura aucun remboursement si le voyage est acheté après l’émission d’un avis par le gouvernement. « Par exemple, si des voyageurs partent en croisière malgré l’avis du gouvernement, ils n’auront droit à aucun remboursement des frais liés au coronavirus », précise Jean-Benoît Turcotti, d’Assurances Desjardins. « À partir du moment où l’avis gouvernemental sera levé, il ne sera plus possible de recourir à l’assurance annulation », explique aussi le porte-parole d’Assurances Desjardins.

Cela dit, de gros joueurs de l’industrie – dont Norwegian – ont décidé d’exiger un certificat médical de tous les passagers âgés de 70 ans et plus, assurant qu’ils sont en bonne santé. « C’est une approche assez paternaliste », remarque Ross Klein, expert de l’industrie des croisières, professeur à l’Université de Terre-Neuve et du Labrador. Il croit plutôt que les croisiéristes devraient cesser leurs activités pour 2 mois, le temps que passe la crise. « Chaque nouveau cas (dans un navire de croisière) aura un impact très négatif pour l’industrie, qui aura de plus en plus de mal à se relever, dit-il. À la place, les compagnies devraient profiter de ces deux mois pour réaménager leurs installations, faire des vidéos documentaires expliquant comment ils entretiennent et désinfectent les bateaux, etc. ».

« Il y aura un gros travail à faire pour que le public reprenne confiance », dit Ross Klein.

« Plus personne ne réserve de croisières en ce moment », confirme Moscou Côté.

Personne à risque, puis-je être remboursé ?

L’assurance annulation rembourse généralement un voyage annulé pour des raisons médicales. Un avis du médecin recommandant qu’un patient âgé ne voyage pas, par exemple, vers l’Espagne, qui est le cinquième pays le plus touché par la COVID-19, permettrait-il d’obtenir un remboursement ? Il faut vérifier avec son assureur, répond Jean-Benoît Turcotti.

Faut-il s’assurer même pour les voyages au Canada ?

« C’est une possibilité à considérer » selon sa condition de santé, prévient Joan Weir, pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Elle cite le cas d’une femme de la Colombie-Britannique qui, en voyage dans le nord de l’Ontario, a dû être évacuée d’urgence par hélicoptère médical, un service qu’elle a dû repayer de sa poche par la suite.

Quelles mesures sont prises par les compagnies aériennes ?

Plusieurs transporteurs ont assoupli leurs politiques d’annulation. Chez Air Canada, tous les voyages achetés avant le 4 mars dont le départ est prévu avant le 30 avril prochain peuvent être annulés ou modifiés sans frais, à 24 heures d’avis, à condition que le retour s’effectue avant la fin de l’année. Air Transat et WestJet ont adopté une politique similaire, ainsi que plusieurs autres compagnies aériennes dans le monde.

Sera-t-il plus difficile de s’assurer pour un voyage ?

Devant la forte hausse du nombre de polices d’assurance vendues – les statistiques varient entre 150 % et 200 % d’augmentation – depuis le début de l’année, la compagnie britannique LV Au Royaume-Uni, une compagnie d’assurances a cessé de vendre de nouvelles polices d’assurance voyage, a rapporté la BBC mardi, préoccupée par la hausse marquée du nombre de clients depuis le début de l’année, deux fois plus nombreux qu’en temps « normal ». Trois autres sociétés lui ont emboîté le pas et cessé de vendre de nouvelles polices d’assurance depuis que l’OMS a déclaré le stade de pandémie. Au Canada, aucune société n’a pris de mesures du genre, remarque Joan Weir.

Est-ce le moment de faire de bonnes affaires ?

Assurément, bien que ce ne soit pas le cas partout, en tout temps. Dans les heures qui ont suivi la mise en garde du gouvernement Legault, Moscou Côté a reçu quantité d’appels chez Voyages Constellations de clients intéressés à réserver un voyage à l’été prochain. « Le tiers des appels étaient pour annuler ou modifier un voyage, le tiers pour des questions sur les quarantaines, et le tiers pour réserver un voyage ! », dit-il. « Une famille a réservé ses vacances pour Noël prochain. Ils ont économisé 1500 $ quand même. »

Qui va payer si je suis coincé en quarantaine à l’étranger ?

Une assurance voyage complète couvrira certains frais liés à la quarantaine à l’étranger, comme les nuits d’hôtel, indique Joan Weir. « Il est important de vérifier les modalités prévues à l’achat de la police », dit Mme Weir. La perte de salaire – si les vacances d’une semaine se transforment en absence de 14 jours par exemple – sera toutefois plutôt assumée par l’assurance invalidité du travailleur, si cette disposition est prévue dans le contrat. « Dans tous les cas, il faut bien s’informer avant de partir », insiste Mme Weir.

Je pars ! Comment me protéger ?

« Il faut suivre les pratiques d’hygiène de base des mains encore plus soigneusement » qu’à l’habitude, dit la Dre Barkati. « On se lave les mains régulièrement, avec un gel à l’alcool quand on n’a pas accès à de l’eau et du savon […] Personnellement, j’en traîne plusieurs flacons, pour en avoir toujours sous la main ». Il faut tâcher de rester à 1 m de toute personne présentant des symptômes d’infection, mais elle rappelle que le port de masque n’est pas utile pour une personne asymptomatique. « Il faut faire attention à ne pas porter toute notre attention sur ce virus et oublier les autres risques associés aux voyages », s’inquiète-t-elle aussi, par exemple en négligeant de se prémunir contre les maladies tropicales, la dengue, la malaria, etc. Un passage dans une clinique du voyageur s’impose en cas de doute sur les risques à destination.

Serai-je expulsé d’un vol si j’ai des symptômes grippaux ?

Il y a trois semaines, un bébé de 21 mois et sa famille ont été expulsés d’un vol d’Air Transat à destination de Paris, parce que la bambine toussait à bord de l’avion avant le décollage. Sur son site web, le transporteur n’indique rien de précis quant à ses politiques à ce sujet, sauf pour dire que « le protocole concernant les maladies contagieuses soupçonnées au sol ou en vol a été resserré et est scrupuleusement appliqué par notre personnel de cabine et nos partenaires aéroportuaires ».

Mon employeur peut-il m’empêcher de partir en vacances ?

« À notre avis, il n’y a pas légalement de possibilité d’interdire les voyages de nature personnelle, du moins à ce stade-ci, compte tenu de l’évolution du phénomène », répond Éric Lallier, avocat spécialisé en droit du travail chez Norton Rose Fulbright. « Mais à tout le moins, et c’est impératif selon moi, tout employeur au Québec devrait avoir une directive très claire exigeant des employés qu’ils divulguent s’ils voyagent à l’étranger pour des raisons personnelles. »

Mon employeur peut-il m’imposer une quarantaine au retour d’un voyage ?

« Oui, l’employeur a la faculté de demander une mise en quarantaine, surtout pour des gens qui reviennent de zones à risque. Compte tenu de l’obligation d’assurer la santé et la sécurité des employés, ça fait partie des outils de gestion dont il pourrait se servir », selon Éric Lallier.

Isolement en rentrant de voyage : serai-je rémunéré ?

« Cette question est très floue. La personne qui a contracté le virus et qui est donc malade pourra bénéficier des congés rémunérés pour maladie qui sont prévus soit par la loi, soit par les politiques internes des entreprises. Cette personne aura vraisemblablement accès, si l’absence perdure, aux assurances collectives pour invalidité, ou à l’assurance-emploi », explique M. Lallier.

– Avec Marc Tison, La Presse