Pourquoi mettre 11 heures pour se rendre à New York en train quand on peut le faire en une petite heure et demie en avion ? Parce que c'est agréable, pardi ! Et économique. Et, en fin de compte, si on y regarde de plus près, pas tellement plus long qu'en avion, tout en étant bien moins fatigant.

Faites le calcul : une bonne demi-heure pour se rendre à l'aéroport (quand ça va bien). Deux heures d'attente avant le décollage (quand ce dernier n'est pas retardé) avec en prime le contrôle quasi carcéral de la douane américaine. Une heure et demie de vol (à condition qu'il soit direct). Au moins trois quarts d'heure pour sortir de l'avion, récupérer son bagage et quitter l'aérogare de La Guardia. Une bonne demi-heure de taxi jusqu'à Manhattan (s'il n'y a pas d'embouteillage - il y a toujours des embouteillages), ou au moins une heure par les transports en commun (bus, puis métro - pas le choix). Nous en sommes à au moins six heures, de porte à porte. Avec le transbahutage d'un mode de transport à l'autre, les files d'attente et tout le toutim.

Le train ? Une demi-heure en taxi jusqu'à la Gare centrale. Disons 15 minutes d'attente avant le départ. Dix heures et demie de train en tout confort (plein de place pour les jambes, des sièges inclinables jusqu'à n'y pas croire), dont une heure d'arrêt à Rouses Point pour le contrôle douanier (les agents montent dans le train, vous restez bien assis à rêvasser, vous montrez votre passeport, merci, bonsoir). Quinze minutes de taxi de Penn Station à un hôtel au centre de Manhattan. Ça nous fait 11 heures et demie, à lire, manger, dormir et regarder le paysage.

Surtout regarder le paysage ! Entre Montréal et New York, le train Adirondack d'Amtrak traverse de doux champs de maïs où les silos montent la garde près des maisons endormies. Puis il longe une bonne partie du lac Champlain jusqu'au début de son commencement, la rivière Poultney. Au détour d'une baie apparaît un petit port de plaisance, un héron s'envole au-dessus d'un marécage, on aperçoit au loin le camaïeu gris-bleu des montagnes Blanches... que c'est beau !

Dans les virages ou à l'approche des villes, le train siffle comme dans les romans. Il s'arrête à Port Kent, au bord d'une baie; à Westport, où l'on a vue sur un hippodrome très british ; à Port Henry, devant une vieille petite gare en pierre de taille... En tout, 18 arrêts ponctuent cette longue balade contemplative - des lieux qu'on ne verrait pas en voiture, où l'on n'aurait même pas songé à s'arrêter, et qu'on garde en mémoire pour une prochaine escapade.

Vers l'heure du midi, s'il fait un peu faim et qu'on n'a pas eu la présence d'esprit d'emporter son repas, on peut toujours tâter de la gastronomie ferroviaire américaine. Contre tout espoir, la salade César se révèle honnêtement comestible : romaine bien croquante, vinaigrette relevée aux anchois, poulet en abondance. Même le café est buvable !

Pendant ce temps, les larges fenêtres panoramiques laissent voir des bois peuplés de vieux pins, de chênes et de thuyas, des fermettes isolées, quelques vaches en pacage. De temps en temps émerge le ruban argenté de la rivière Poultney, que l'on quittera bientôt pour longer le canal Champlain, puis les eaux de la rivière Hudson jusqu'à la Grosse Pomme, qui scintille dans la nuit.

On prend pied à Penn Station vers 21 h, un peu étourdi, content d'arriver, les yeux remplis de beauté, même pas fatigué.

>>>Consultez le site du train Adirondack d'Amtrak.