«Les cartes en papier, c'est ce qu'il y a de plus fiable. C'est la base de la trousse de survie du voyageur, comme les allumettes et le canif.»

Louis Lapointe n'est pas un technophobe dépassé par l'avènement du GPS. À 22 ans, il maîtrise très bien la technologie. Pourtant, sa copine Audrey Saint-Louis et lui n'imaginent pas se passer d'une bonne vieille carte routière en papier pour leur voyage imminent au Nicaragua.

«La carte nous permet de planifier notre voyage, mais on l'emportera aussi avec nous, pour ne pas avoir à utiliser nos données cellulaires, explique Audrey. En fait, on ne veut même pas apporter nos téléphones.»

François Damien, copropriétaire de la boutique Les Quatre Points cardinaux, confirme: contrairement à ce qu'on aurait pu croire, l'avènement du GPS n'a pas tué la carte routière ni le plan de ville. Dans sa boutique de Montréal, il vend des appareils GPS, mais aussi des guides et des cartes routières traditionnelles. Son constat: si les ventes de cartes du Québec, voire du Canada ont chuté, les cartes d'autres destinations se vendent toujours très bien.

Loin de délaisser l'impression des cartes routières, la société National Geographic a ajouté à sa collection AdventureMap plus de 60 destinations depuis 2011, notamment l'Irlande, le Costa Rica, la Nouvelle-Zélande. Michelin a aussi élargi son offre et propose depuis peu des cartes de destinations en Amérique du Sud (comme le Chili) ou en Asie (la Thaïlande). En 2013 seulement, le géant français du pneu a édité plus de 13 millions de cartes.

Comment expliquer que, à l'ère des médias sociaux, des applications interactives et de la réalité augmentée, des voyageurs continuent d'avoir besoin d'un outil digne de l'époque de Marco Polo?

«Contrairement aux systèmes de géolocalisation des téléphones intelligents, la carte papier permet de voir l'ensemble du territoire qu'on visite, pas seulement une parcelle, explique M. Damien. Le GPS, c'est parfait si on veut aller du point A au point B le plus rapidement possible. Mais si on veut prendre de petites routes panoramiques, marcher au hasard dans une ville ou changer de trajet sur un coup de tête (devant un bouchon de circulation, par exemple), la carte est beaucoup plus utile. C'est sans doute pour cette raison que beaucoup de voyageurs utilisent à la fois le GPS et les cartes en papier.»

«Notre perception de la géographie est meilleure avec la carte en papier. On réalise mieux les distances entre deux villes ou deux immeubles dans une ville. Avec un système de géolocalisation, le trajet d'une journée ou d'une semaine va s'adapter pour entrer dans un seul écran. Tout a l'air proche, mais non! Et si on suit un GPS sans trop réfléchir, on est souvent incapable de refaire le trajet soi-même.»

Dans des cas extrêmes, des voyageurs qui ont suivi aveuglément leur GPS ont défrayé les chroniques insolites pour avoir abouti qui dans un lac, qui dans une autre destination que celle visée. «Une cliente s'est d'ailleurs retrouvée en voiture devant un escalier plutôt qu'une route à Rome.» Elle a rebroussé chemin.

Surtout, la carte n'a pas besoin d'être rechargée, elle n'est pas intégrée à un appareil électronique susceptible d'être volé, on peut la consulter dans un stationnement souterrain ou un tunnel. Le hic: les cartes routières ne sont pas toujours mises à jour (les cartes électroniques non plus, d'ailleurs) et elles sont parfois difficiles à trouver à destination, notamment dans certaines régions d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique centrale. «Il vaut donc mieux se les procurer avant de partir», conclut M. Damien.

Quelle carte choisir?

Survol des quatre éditeurs de cartes routières les plus populaires, avec Sabrina Lazure, géographe.

Rand McNally

«C'est le plus grand éditeur de cartes des États-Unis. Les cartes couvrent autant des États entiers que des régions précises ou des villes. La police de caractère est l'une des plus grosses utilisées, ce qui en fait des cartes faciles à consulter. Les parcs nationaux sont bien indiqués.»

IGN

«L'Institut géographique national de France propose des cartes de nombreux pays, notamment l'Afrique, ce qui est rare. Ses cartes comptent parmi les plus complètes: on y trouve plusieurs petits villages hors des circuits touristiques. La densité de l'information peut aider à la préparation du voyage, mais aussi rendre la consultation plus difficile. L'IGN offre aussi des cartes destinées aux randonneurs, avec itinéraires et courbes de dénivellation.»

Michelin

«Ces cartes sont surtout utiles pour les voyages en automobile. Le kilométrage est facile à calculer et la légende des divers types de routes est claire. On se repère facilement. Des routes panoramiques sont aussi proposées. De plus, c'est la seule carte qui évalue des sites touristiques ou des villes en leur attribuant des étoiles. Elles peuvent aller de pair avec les guides.»

National Geographic

«Ces cartes sont conçues pour les amateurs de plein air et d'aventure. Elles sont imprimées recto verso sur du papier en fibre de plastique, plus résistant aux déchirures et à l'humidité, et elles sont moins grandes que la moyenne. Les parcs nationaux et régionaux sont faciles à repérer.»