Tout abandonner pour voyager? Dans les prochaines semaines, partez à la rencontre de voyageurs qui ont décidé de consacrer leur vie à l'aventure.

QUI?

Guillaume Simard, Isabelle Bibeau et leurs trois enfants, Béatrice, Norah et Laurent

QUOI?

Trois ans autour du monde

COMMENT?

En vélo

S'enraciner à un seul endroit pendant des années? Très peu pour Guillaume Simard et Isabelle Bibeau. Nomades avoués, ces deux passionnés de géographie ont fait deux fois ce que plusieurs n'osent même pas envisager: quitter le travail, vendre la maison (et tout ce qu'elle contient), se débarrasser de l'auto...

En 2009, c'était pour sillonner pendant quatre mois la côte est du Canada et des États-Unis en roulotte, avec leurs trois enfants (dont le petit dernier, âgé alors de quelques mois à peine). Ils ont remis ça l'été dernier, pour un projet autrement plus ambitieux: un tour du monde cycliste, en famille.

Accompagnés de Béatrice, 9 ans, Norah, 7 ans, et Laurent, 5 ans, ils ont quitté Sherbrooke le 14 juin dernier. Aux quatre vélos (plus le vélo-girafe de Laurent), ils ont fixé 12 sacoches contenant l'ensemble des biens de la famille: tente, sacs de couchage, matelas de sol, réchaud de cuisine, vêtements, trousse de premiers soins, un toutou par enfant...

Depuis le retour du périple nord-américain, le projet de repartir flottait dans l'air. Il ne manquait que l'étincelle pour remettre le moteur en marche. Elle est arrivée à l'été 2013. Guillaume, alors chargé de projet en géomatique, reçoit un diagnostic qui force la famille à se remettre en question: dépression. «Ç'a été comme un gros cri du coeur, un cri qu'on ne pouvait plus ne pas entendre», raconte Isabelle Bibeau.

Le voyage, espéré mais maintes fois repoussé, s'est imposé de lui-même. Cette fois, ils partiraient pour plusieurs mois, plusieurs années. Ils verraient l'Europe, l'Asie...

Restait à trouver comment. Guillaume et les enfants souhaitaient retrouver le confort de la roulotte. Mais Isabelle avait des doutes. «Quand on part pour aussi longtemps, les ressources financières sont plus serrées. Le vélo semblait une meilleure solution.»

Du vélo, ils en faisaient un peu en famille, et Guillaume pédalait l'été pour se rendre au bureau. Mais rien ne les prédestinait à se transformer en globe-trotters à deux roues. L'été 2013 a été riche en sorties de vélo, question de tâter les capacités des enfants (et des parents). «Quand on a réalisé que les enfants pouvaient rouler 20 ou 30 km facilement, on a su que tout était possible...»

Depuis leur départ, les Bibeau-Simard ont roulé plus de 3500 km. «On roule en moyenne 30 ou 40 km par jour, mais on ne pédale pas tous les jours», explique Isabelle. Leur périple les a menés à Ottawa, Niagara, puis Colombus, Nashville, Memphis et Lafayette, en Louisiane, où ils ont pris une pause d'un mois.

À Lafayette, ils ont pris le temps de réfléchir à la suite de l'aventure: partir vers la Californie et le Mexique ou sauter illico outre-Atlantique pour visiter l'Europe? Ils ont opté pour l'Ouest américain, mais toutes les possibilités s'offraient à eux. Un luxe que seul le temps peut offrir...

«On souhaite laisser place à l'improvisation. Il y a des gens qui prennent un congé sabbatique d'un an et qui rushent pour en voir le plus possible. Ce n'est pas ce qu'on souhaite. On veut faire un voyage au coeur du monde, rencontrer des gens. C'est aussi pour cette raison qu'on a choisi le vélo. En roulotte, on était autonomes, on n'avait pas forcément besoin d'aller vers les autres. En vélo, c'est différent. Presque chaque jour, on a besoin des gens pour connaître le meilleur trajet à prendre, savoir où se trouve l'épicerie la plus proche.»

L'improvisation pourrait les amener à prolonger le voyage ou, au contraire, à l'écourter. «On a dit qu'on partait trois ans, mais si on veut revenir après un an parce qu'on en a assez, on reviendra. On pourra toujours repartir! On s'est fait un plan avant le départ, mais plein de changements surviennent. La réflexion continue.» Bref, s'ils ont brisé les carcans de la vie quotidienne, ce n'est pas pour s'en imposer de nouveaux en voyage.

Les enfants, eux, semblent bien s'adapter à cette nouvelle vie. Ils connaissaient déjà la réalité de l'école à la maison. Ils doivent désormais composer avec une salle de classe qui change plus souvent. «Ça se passe bien en général mais, comme à la maison, il y a des hauts et des bas, lance la maman-professeure. Il y a des journées où les enfants ne veulent pas pédaler, où ils veulent rester au camping. La dynamique familiale ne change pas tant que ça. Les chicanes sont inévitables, d'autant plus qu'ils sont toujours ensemble! Mais les liens entre nous - et entre eux - se renforcent.»

Guillaume et Isabelle espèrent que ce voyage laissera une empreinte indélébile sur leurs trois enfants. «On veut leur montrer que tout est possible dans la vie si on prend les moyens pour y arriver. On veut leur donner le goût de l'aventure, leur donner la chance d'avoir confiance en eux. Et déjà, on voit des résultats.»

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Pour les suivre: 10piedssurterre.org

Trois conseils pour passer du rêve à la réalité

> Fixer une date de départ

Une étape essentielle, selon Isabelle Bibeau: «Sinon, on aura toujours des raisons de ne pas partir. Il faut se fixer des objectifs, découper le projet en petits morceaux, puis se mettre en action.»

> Avoir confiance

«On peut faire des tonnes de planification avant de partir, mais il y a des trucs qu'on ne pourra jamais prévoir: la météo, l'endurance des enfants. Il faut apprendre à vivre avec l'insécurité et faire confiance à la vie. Souvent, on part le matin sans savoir où on va dormir le soir. Et chaque jour, une occasion se présente: on trouve un endroit sûr où dormir.»

> Ne pas penser qu'à l'argent

«L'argent est une fausse excuse pour ne pas partir; on est la preuve qu'il est possible de voyager selon ses moyens.» Au départ, Guillaume Simard et Isabelle Bibeau estimaient à 130 000$ le coût d'un voyage de trois ans. Après six mois sur les routes, ils ont revu leur budget... à la baisse. «Ce sera moins que ça, dit Isabelle Bibeau. De toute façon, même avec un travail stable et une maison, les gens ont peur de manquer d'argent. Mieux vaut apprendre à gérer ça!» Pour financer leur tour du monde, Isabelle et ses filles ont décidé d'écrire un journal - fictif, mais fortement inspiré des anecdotes du voyage - destiné aux jeunes lecteurs et vendu en ligne. Elles y racontent les aventures de Marie-Lou, une globe-trotter de 9 ans et trois quarts.